de ChristianC. » Dim 29 Mar 2020 07:39
Les échos "Pétain" ou "juin 1940" du discours officiel m'ont frappé moi aussi.
La stigmatisation de "l'esprit de jouissance" et l'appel à "l'esprit de sacrifice" étaient sous-jacents dans le discours où le Président reprochait aux Français de n'avoir pas fait ce qu'il leur avait enjoint de faire. Encore que ce discours m'avait fait songer plutôt à une autre homélie du regrettable Maréchal, celle où morigénant les Français pour leurs mauvais comportements, il leur disait: "Jusque là je vous ai tenu le langage d'un père, aujourd'hui je vous tiens le langage d'un chef", ou quelque chose d'approchant. Et le fond des récents propos du Premier Ministre pourrait se résumer par une autre formule du même: "Français, vous avez souffert, vous allez souffrir encore!"
Mais on pourrait aussi, en écoutant la communication gouvernementale, entendre d'autres échos de mauvaise augure: nous ne manquons pas plus de masques en 2020 que de boutons de guêtres en 1870; ou nous allons couper les chaînes de transmission du virus comme Paul Reynaud avait coupé la route du fer en 1940; et nous tiendrons face au virus comme ce même Reynaud annonçait que nous vaincrions face à l'Allemagne parce que nous étions les plus forts.
Le discours de guerre tenu depuis des semaines par le Pouvoir et relayé complaisamment par les médias n'est pas seulement, il me semble, totalement hors du sujet; il est aussi contre-productif dans la mesure où il tombe dans tous les poncifs d'une rhétorique éculée et parait plus propre à inquiéter - par sa déconnexion avec la réalité - qu'à inspirer la confiance en les Princes qui nous gouvernent ("Confiance, Confiance, Confiance !", titraient en grandes capitales les journaux en mai 1940; et l'actuel gouvernement ne pourra même pas aller en grand arroi à Notre-Dame implorer Dieu et la Vierge pour le Salut de la France!).
Pour revenir à la rhétorique pétainiste (car il est question de comparer deux emplois de la même rhétorique, et rien d'autre) ce discours de guerre, tenu sur fond d'hôpital militaire de campagne, de treillis et d'uniformes, permet au Président de se poser en Chef et en Père de la Nation pour se placer au dessus de toutes critiques, s'exonérer de toute responsabilité dans l'actuel désastre (comme Pétain et tous les Weygand de son entourage n'étaient bien sûr pour rien dans la déroute du 1940!) et accuser ceux qui ne se mettent pas au garde-à -vous derrière son gouvernement d'Union Sacrée de vouloir "fracturer" la Nation. (Seulement il aurait été plus crédible et plus efficace s'il avait mieux maîtrisé son texte et ne l'avait pas aussi mal déchiffré; dans le genre Union sacrée, Barrès avait plus de style).
Il semble à entendre nos gouvernants que relever leurs manquements passés et leurs errements présents, empêcherait les médecins et autres personnels de santé de faire leur travail.
Plus généralement, quand on voit tous les gouvernants du monde discourir, décider, légiférer, décréter, communiquer - surtout communiquer-, on peut songer à un mot de Cocteau, disant en substance: "Puisque ces mystères nous dépassent, feignons d'en être les organisateurs."