Alambic a écrit: Je sais que je tourne un peu en boucle là dessus mais il est impératif qu'on ait une stratégie de sortie de confinement efficace et surtout une logistique robuste pour la mettre en oeuvre - et qu'il faut la préparer maintenant. En particulier, sur les masques, les tests, les respirateurs et les autres mesures nécessaires pour éviter que l'on reparte sur une trajectoire explosive et en surcapacité hospitalière. On doit avoir ce débat et les décisions maintenant. Et le gouvernement n'est pas du tout transparent sur le sujet. D'ailleurs, en particulier, je ne comprends pas pourquoi on ne réoriente pas une partie de la production industrielle pour produire ces choses là .
Effectivement, si des entreprises ont commencé à réorienter leur production (y compris les distilleurs pour produire du gel hydroalcoolique, mon cher Alambic !), les réquisitions d'entreprises et de stocks - réclamées par certains médecins - ne semblent pas à l'ordre du jour. Dans un article du "Monde" rédigé à partir de dépêches d'agence AFP et Reuters la longue liste de la contribution des entreprises (forcément patriotes) à l'effort de guerre est très détaillée, mais le rôle que pourrait jouer le gouvernement (à défaut de réquisitionner, ne serait-ce qu'organiser, planifier, via ses moyens régaliens et des outils financiers) n'est pas le thème de l'article, comme s'il fallait s'en remettre encore et toujours à la main invisible (mais miraculeuse) du marché, celle qui exigeait la destruction des coûteux stocks de masques et la fermeture des lits au nom de la flexibilité et de l'adaptabilité : https://www.lemonde.fr/economie/article ... _3234.html
Le titre II de la loi d'urgence sanitaire prévoit des réquisitions d'entreprises. Mais lors de la discussion à l'Assemblée nationale, le ministre des relations avec le Parlement Marc Fesneau, a dit clairement que - à ce stade du moins - cela faisait partie des mesures théoriques, que le gouvernement préférait ne pas avoir à mettre en oeuvre (source : http://www.assemblee-nationale.fr/15/cr ... 200188.asp) :
Le titre II, consacré à l’urgence sanitaire, donne les moyens au Gouvernement et à ses représentants de prendre des mesures réglementaires fortes pour enrayer la propagation du Covid-19, en s’inspirant notamment de la loi du 3 avril 1955. Des dispositions aussi exceptionnelles que le contrôle de la circulation des personnes et des véhicules, le maintien des personnes à domicile, le blocage temporaire des prix ou encore les réquisitions ne seront évidemment pas mises en œuvre sans contrôle si les circonstances exigent qu’elles le soient.
Dans cette liste seul le maintien des personnes à domicile - via notamment les mesures de couvre-feu - semble de l'ordre du possible : le couvre-feu a d'ailleurs été instauré dans certaines communes, mais sa généralisation semble exclue, par manque de moyens policiers plus que par manque de volonté, si l'on en croit "Le Canard enchaîné".
Plus de trois décennies de déréglementation néolibérale ont marqué les esprits et plus encore les politiques publiques. Contrôler les prix ou réquisitionner la production, cela ressemble à du bolchévisme - pire, à l'Etat régulateur gaulliste, c'est-à -dire à du crypto-bolchévisme. Si un pays européen avait pris de telles mesures, la France aurait peut-être suivi. Le débat apparaîtra peut-être sur ce sujet, en France ou ailleurs, mais je pense qu'en France la sacralisation du principe de déréglementation, très ancré dans les têtes des dirigeants, rend peu probable que ce soit notre pays qui rompe le premier avec la doxa. Les barrières les plus infranchissables sont les barrières intellectuelles.