de vudeloin » Mar 3 Mai 2011 15:27
Ouh là , comme je suis interpellé, je suis bien obligé de donner mon avis sur le sujet, tout en souhaitant que d’autres lecteurs et contributeurs aient le bon goût de sortir des conjectures électorales pour examiner des questions de fond, sur un plan politique comme social ou économique.
L’approche actuellement mise en œuvre en matière de dépendance est une approche d’autant plus contestable qu’elle se fonde, de fait, sur une solidarité nationale sans solidarité réelle.
C'est-à -dire que, pour rappeler les données, ce sont les départements, au travers de leurs budgets d’action sociale obligatoire, qui sont amenés à financer l’allocation personnalisée d’autonomie des personnes âgées dépendantes.
Conclusion logique de ce choix : les départements ruraux à population vieillissante et les départements « industriels « en situation de déclin économique sont confrontés, de manière récurrente, à une insuffisance de ressources pour faire face à une dépense dont la compensation par l’Etat est de plus en plus imparfaite et sans cesse moins importante.
Elle dépend en particulier, cette compensation, de la fameuse « Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie « , le bastringue alimenté par le versement de la journée de solidarité, c'est-à -dire la suppression du caractère férié du Lundi de Pentecôte…
Si vous êtes vieux et que vous habitez dans la Creuse, l’APA devient extrêmement difficile à financer pour le département et c’est un peu la même chose quand vous êtes dans l’Aisne ou dans les Ardennes.
Par bonheur, si l’on peut dire, l’espérance de vie serait moins élevée au Nord qu’au Sud de la Loire, et la cuisine au beurre ferait des victimes que ne fait pas le confit d’oie…
Problème : on a aussi, depuis 2007, décidé intelligemment de transférer aux départements, sans compensation suffisante, le service du versement de l’allocation adulte handicapé (AAH), c'est-à -dire du petit viatique financier qui empêche un certain nombre de personnes de notre pays de plonger définitivement dans la misère matérielle…
La perspective de moyen terme, concernant l’AAH, c’est bien de voir son coût progresser sans cesse dans les budgets départementaux, avec le risque latent d’une nouvelle poussée de fièvre de la fiscalité directe locale, c'est-à -dire, pour parler clairement, de la taxe foncière et de la taxe d’habitation, attendu que la taxe professionnelle des départements est devenue de manière quasi exclusive, avec la mise en place de la contribution économique territoriale, une dotation budgétaire.
Les départements n’ont plus d’initiative fiscale que sur la taxe foncière sur les propriétés bâties et les communes, confrontées au problème du paiement du contingent d’aide sociale au département, seront amenées, naturellement à accroître l’imposition au titre et de la taxe d’habitation et de la taxe foncière…
Bref, comme on le voit, tout va bien, surtout quand on rappelle qu’une bonne part du transfert de charges de l’Etat vers les collectivités locales est imputable sur une proportion des ressources tirées des taxes pétrolières…
Ceux qui ont pensé, conçu et mis en œuvre l’APA, telle qu’elle existe aujourd’hui, savent pertinemment que le mode de financement prévu n’est pas adapté aux besoins et qu’il y a donc urgence à en prévoir un nouveau.
Alors, dans ce cadre là , on commence par « faire monter la sauce « , en prétextant de la progression quasi inévitable, liée au vieillissement de la population, à l’allongement de l’espérance de vie et j’en passe, du nombre des personnes âgées et, par voie de conséquence, des personnes âgées dépendantes.
Débat évidemment biaisé, parce que, justement, le fait que la France ait fait, en 1945, dans une situation économique difficile – ce n’était pas la crise que nous connaissons depuis 1973, c’était pire puisque c’était dans une France qui était un pays détruit par la guerre – le choix d’une Sécurité Sociale solidaire a mené à enregistrer des progrès sensibles en matière sanitaire et sociale.
On n’a plus soixante ans en 2011 comme on avait soixante ans en 1945 et il n’est pas écrit que les personnes âgées de 70 ans et plus des décennies à venir connaissent, toutes, les difficultés physiques, mentales et psychologiques que connaissent, aujourd’hui, les personnes dites dépendantes.
Pour le handicap physique ou mental, il en est de même, puisque la récente discussion des lois de bioéthique a montré que des solutions pouvaient très bien être définies à partir de la recherche sur les cellules souches, des thérapies géniques et/ou de la prévention des grossesses à risque.
De plus, une société qui ne fait pas face au handicap de manière humaine et correcte, comme c’est trop souvent le cas dans notre pays, devrait aussi se mettre en question, notamment quand il s’agit de la question de l’insertion professionnelle et sociale des travailleurs handicapés.
Là -dessus, je pense que le mode actuel de règlement de la question, avec le financement, via l’AGEFIPH, de l’action d’insertion des salariés handicapés par les entreprises ne respectant pas les quotas d’embauche, est largement perfectible et, surtout, insuffisamment dissuasif pour amener les entreprises à changer leurs pratiques de recrutement.
Bref, tout a été fait, tout est fait pour que nous soyons amenés à penser que la solution assurantielle, passant par des cotisations volontaires individuelles, ouvrent des droits à titre personnel, constitue la seule réponse durable au problème de la dépendance liée au grand âge…
Le problème, c’est qu’on voit très bien le produit à proposer mais qu’on doit encore trouver celui sur lequel on va l’adosser.
Le produit, c’est une épargne longue, avec une forme de livret individuel, assorti d’un taux de rémunération relativement intéressant, et pour lequel, compte tenu de la nature de l’objet, on va instaurer des contraintes ( pas de déblocage anticipé et donc pas de liquidité équivalente à celle du Livret A ) et des avantages ( une nouvelle niche fiscale consistant à défiscaliser pour partie les versements effectués par exemple et une autre, peut être, pour faire en sorte que le revenu de référence servant au calcul de l’APA future ou de ce qui en tiendra lieu n’intègre pas les versements de ce qui sortira évidemment en rente et non en capital ).
Que proposer en face ?
Un support d’épargne qui soit suffisamment sûr et rentable, qu’est ce que cela peut être ?
Tout simplement la dette publique, sous toutes ses formes, mais singulièrement la dette de long terme, c'est-à -dire le moyen de faire en sorte que l’Etat puisse financer son action en sollicitant pour partie l’épargne domestique.
De manière marginale, une telle orientation permettait de « renationaliser « la détention d’une dette publique qui tend quelque peu, notamment sur les titres de long terme, à être largement détenue par les investisseurs institutionnels étrangers – même quand il s’agit de filiales étrangères de banques ou de compagnies d’assurance hexagonales !.
Comme, à un moment donné, il va bien falloir trouver le moyen de recycler la dette publique existante, pourquoi ne pas utiliser celui-ci, n’est ce pas ?
Qui ne changera rien au fait, mais sera juste susceptible, le moment venu, « d’individualiser « la prise en charge de la dépendance, réduisant sans doute à leur plus simple expression les réponses « collectives « .
Problème : tout cela nécessite une capacité d’épargne des ménages, et notamment des ménages salariés, une capacité dont tout le monde ne dispose évidemment pas.
Alors, si on a le souci du bien commun et de l’intérêt collectif et général primant sur les considérations individuelles, on pense qu’il faut concevoir autre chose et rechercher d’autres outils de financement.
La voie de l’impôt comme celle des cotisations sociales me semblent les deux seules voies qu’il soit possible d’explorer en la matière.
Et je pense même que deux ou trois dixièmes de point de CSG, dévolus à la Caisse nationale d’assurance maladie et/ou à la Caisse nationale d’assurance vieillesse, me semblent mieux venus que de continuer à courir le risque de la hausse des taxes pétrolières ( qui montrent déjà des signes de maturité fiscale qui en empêche la progression ) ou celle, ininterrompue et vertigineuse, des cotisations d’impôts locaux qui a peu à voir avec le « mille feuilles « des collectivités mais beaucoup avec le fait que les véhicules Région, Département et Commune sont de plus en plus chargées de compétences et de transferts de l’Etat.
Une hausse de cotisations sociales qui doit être partagée, à mon sens, entre cotisation dite ouvrière et cotisation dite patronale, cette distinction étant d’ailleurs toute relative, vu que c’est toujours le travail qui est source de financement…
Qu’on agrémente le tout d’un relèvement du taux de taxation des plus values ne me dérange également pas, et va d’ailleurs dans l’ordre des choses.
Voilà , de mont point de vue, quelles pistes de réponses, strictement financières ici, on peut apporter au sujet.
Encore faut il s’entendre sur l’essentiel, et ne jamais oublier que la dépendance est d’abord un besoin et ensuite un coût.