de spinto » Ven 1 Nov 2019 16:12
Il me semble que la situation politique à Toulouse, 4ème ville de France, semble désormais assez décantée pour ouvrir un sujet dédié.
Résultats de 2014
En 2008, la liste d'union de la gauche de Pierre Cohen avait remporté une victoire historique en ramenant à gauche Toulouse, alors gérée par le centre-droit depuis 1971, et par Jean-Luc Moudenc depuis 2004. Cette victoire pouvait alors apparaître comme un retour à la normale dans une ville qui vote à gauche à toutes les autres élections.
L'élection municipale de 2014 a été l'occasion d'un match retour entre les deux protagonistes de 2008. En dépit de sondages plutôt rassurants tout au long de la campagne, P. Cohen n'avait pas résisté au mouvement de balancier constaté alors, permettant à J.-L. Moudenc de retrouver le Capitole avec une victoire relativement nette en duel. Ce dernier fut de facto aidé par la faiblesse du FN dans la ville rose, celui-ci n'étant jamais parvenu à se qualifier pour un second tour, même s'il eut des élus sous l'ère Baudis, à l'époque où la droite s'imposait dès le premier tour.
Premier tour
254 538 inscrits
132 909 votants, soit 52,2 % de participation
J.-L. Moudenc (UMP-UDI-MOD) : 38,20 %
P. Cohen (PS-PCF-PRG) : 32,26 %
S. Laroze (FN) : 8,15 %
A. Maurice (EELV-PP) : 6,99 %
J.-C. Sellin (PG) : 5,10 %
C. de Veyrac (diss. UDI) : 2,45 %
E. Belaubre (CAP21) : 2,42 %
J.-P. Plancade (diss. PRG) : 2,12 %
A. Chouki (NPA) : 1,67 %
S. Torremocha (LO) : 0,63 %
Second tour
254 547 inscrits
146 783 votants, soit 57,7 % de participation
J.-L. Moudenc (UMP-UDI-MOD) : 52,06 %
P. Cohen (PS-PCF-PRG-EELV) : 47,94 %
Forces en présence pour l'élection de 2020 :
Depuis l'annonce cette semaine du ralliement de LREM à J.-L. Moudenc, candidat à sa réélection, quatre grands principales listes semblent devoir être en piste pour l'élection de mars prochain. De gauche à droite :
Liste Archipel citoyen conduite par XXX
Le collectif Archipel citoyen a été créé en 2017 et est basé sur un principe de démocratie participative (liste constituée pour partie par des candidats désignées par vote, pour partie par tirage au sort, mise en place de plusieurs conventions pour déterminer le programme, lui-même soumis à vote) et se situe à la gauche du PS.
La dynamique a été considérablement renforcée par le ralliement d'abord d'EELV, puis, après les européennes, de la FI.
Le mouvement de J.-L. Mélenchon, conduit localement par M. Bompard, pensait initialement conduire sa propre liste dans une ville qui l'avait placé en tête en 2017 (29,2 % des voix) puis qui était passé relativement près de lui offrir trois députés (49,0 % dans la 1ère circonscription, 48,1 % dans la 4ème circonscription et 47,7 % dans la 9ème circonscription). Le résultat beaucoup plus modeste des élections européennes et la stratégie affirmée au national d'enjamber au maximum des élections municipales peu favorables à la FI ont probablement amenés à rallier le collectif Archipel citoyen qui sur bien des points rejoint les thématiques de prédilection des insoumis. La FI a ainsi acté son ralliement à la démarche en juin dernier.
Pour EELV, le mouvement pourrait être inverse. A. Maurice, le leader local du parti, est inscrit d'assez longue date dans la démarche, au point que certains, au PS notamment, le soupçonne d'avoir agi en sous-main pour monter un collectif ayant vocation à le désigner in fine comme tête de liste. Dans un mouvement inverse à celui de la FI, il semblerait que le succès des européennes (21,3 % à Toulouse) pousse à reconsidérer l'hypothèse d'une liste autonome selon la presse locale. Rien de confirmer à ce stade.
Archipel citoyen a enfin été rejoint par des dissidents du PS, emmenés par R. Cujives, leader du MJS 31 de la fin des années 2000 au début des années 2010 et ex adjoint de P. Cohen de 2008 à 2014, un temps candidat à la désignation pour être tête de liste PS en 2020.
Liste PS/PCF/PRG conduite par N. Pellefigue
Le PS a refusé de s'inscrire dans la démarche du collectif Archipel citoyen, ne souhaitant pas s'effacer localement derrière un candidat non issu de ses rangs (et potentiellement issu d'EELV). Un process de désignation d'une tête de liste a donc été engagé assez classiquement selon les statuts du parti.
Trois candidats étaient initialement sur les rangs :
- C. Raynal, maire de Tournefeuille de 1997 à 2015 et sénateur depuis 2014, soutenu notamment par le président du conseil départemental, G. Méric ;
- N. Pellefigue, vice-présidente du conseil régional, soutenue par la présidente, C. Delga ;
- R. Cujives, ex président du MJS et ex adjoint au maire.
Il est apparu assez rapidement que R. Cujives, ayant notamment de par ses fonctions au MJS développé un réseau de soutiens fort parmi les militants toulousains, pouvait prendre l'avantage lors du vote. Il faut lui reconnaître qu'il est celui qui a travaillé le plus en amont le sujet de sa candidature, avec un projet assez développé sous la forme d'un livre (N. Pellefigue en a également publié un quelques temps après) et une pratique assez active des réseaux sociaux ces deux dernières années.
Face à cela, les deux présidents de département et de région, avec l’aide du premier secrétaire fédéral, ont convaincu C. Raynal et N. Pellefigue de se partager les rôles (la mairie pour N. Pellefigue, la métropole pour C. Raynal) et, au prix d’une interprétation pour le moins baroque des statuts du PS, ont élargi le vivier désignant la tête de liste à l’ensemble des militants socialistes de la métropole. Les militants de « banlieue » étant beaucoup moins favorables à R. Cujives, à commencer par ceux de Tournefeuille, le fief de C. Raynal, et de Colomiers, « le » bastion socialiste de l’agglomération toulousaine, la messe semblait dite.

A tel point que R. Cujives a abandonné avant le vote, rejoignant le collectif Archipel citoyen, et permettant la désignation de N. Pellefigue à environ 90 % des voix. Pour l’anecdote, N. Pellefigue est la belle-fille de N. Belloubet, désormais soutien officiel de J.-L. Moudenc dans cette élection ; alors que les deux sont réputées très proches, on s’attendait à ce que la garde des Sceaux reste discrète sur l’élection toulousaine. Elle a visiblement choisi d’assumer sa fidélité au Président qui l’a nommé ministre.
Le PCF a acté son soutien à cette candidature à la rentrée, après avoir attendu de voir si la démarche d’unité portée par l’ancien maire P. Cohen prenait. Ce dernier espérait bien en effet constituer le point de ralliement de toutes les forces de gauche. Mais après avoir rejoint Génération.s dès l’été 2017, force est de constater que le PS, EELV ou la FI ne l’ont pas attendu et que le faible résultat de la liste de B. Hamon aux européennes (4,8 % à Toulouse) n’a pas permis de le réintroduire dans le jeu. Il se retrouve désormais isolé, avec quelques maigres soutiens, alors que les deux forces de gauche se sont constituées sans lui, et qu’il semble très peu probable qu’un mouvement d’union se dessine. Reste à savoir s’il ira seul, ou finira par rejoindre un des deux blocs (plutôt Archipel citoyen, a priori).
Liste LR/UDI/LREM conduite par J.-L. Moudenc
J.-L. Moudenc a annoncé le mois dernier qu'il était candidat à sa réélection. Pour l'instant, il n'a pas encore obtenu le soutien officiel de sa famille politique, même si celle-ci fait assez peu de doutes au vu de l'absence d'alternative pour LR.
En revanche, il a obtenu le soutien de LREM cette semaine, mettant un terme à une hésitation au sein du parti présidentiel. Si cette hypothèse était poussée de longues dates par la plupart des instances nationales du parti, ce sont les députés LREM de Toulouse, et plus particulièrement M. Nogal (4ème circonscription) qui freinait, eux qui viennent plutôt de la gauche locale. M. Nogal pointait notamment la présence dans l'équipe municipale actuelle des membres de DLF et des proches de la droite anti-mariage pour tous ; il demandait a minima que ces personnes ne figurent pas sur la liste pour les prochaines élections. Condition refusée par J.-L. Moudenc.
A noter que deux ex-figures locales du PS, désormais LREM, n'avaient pas cette gêne : M. Iborra (députée de la 5ème circonscription, qui n'inclut aucun quartier toulousain) et surtout N. Belloubet, garde des Sceaux et ex-première adjointe de P. Cohen de 2008 à 2010, avaient toutes deux indiqué dans les médias qu'elles étaient prêtes à soutenir J.-L. Moudenc.
L'hypothèse d'une liste LREM n'a probablement jamais été sérieusement envisagée ces derniers mois en haut lieu, tant les quelques sondages parus la mettaient à mal, systématiquement en dessous de 10 % d'intentions de vote.
Liste RN conduite par Q. Lamotte
La liste d’extrême-droite sera conduite par le jeune conseiller régional Q. Lamotte, et comptera notamment les deux anciennes élues municipales de l’époque Baudis qui avaient déjà rejoint le RN (FN à l’époque) au moment des régionales. A priori, pas d’autres prises symboliques pour le moment.
L’enjeu sera comme en 2014 de savoir si la liste sera capable de franchir les 10 % et, dans ce cas, de constituer une gêne pour J.-L. Moudenc au second tour.
Aux européennes, le parti a obtenu 11,4 %. Ce n’est donc pas impossible mais les scores du parti ont toujours été jusque-là inférieurs aux élections municipales (14,1 % aux européennes de 2014, contre 8,2 % aux municipales la même année).
Et les sondages :
Pour l’instant, les deux seuls sondages publics datent du printemps dernier, et considèrent une offre politique qui n’est pas celle présentée ci-dessus. Restent qu’ils donnent tous deux une avance au maire sortant, avec 36 % d’intentions de vote sans le soutien de LREM (donné entre 8 et 9 % d’intentions de vote).
Les blocs FI/EELV (testés séparément) obtiendraient ensemble 25 à 26 % des voix, et la candidature PS 17 à 21 % des voix.
Le RN serait en dessous de 10 %.
A noter que Libération évoquait récemment des sondages « sous le manteau » donnant Archipel citoyen à environ 30 % d’intentions de vote, largement devant la candidature de N. Pellefigue.
Le second tour n’était pas testé dans les sondages mentionnés, mais cela donnerait un potentiel LR/LREM à 44/45 % et un potentiel de gauche unie à 43/46 %. En cas de bons reports de voix du RN, cela permettrait à J.-L. Moudenc de conserver le Capitole. Mais ces reports seraient-ils aussi bons avec un soutien de LREM qui l’associe à la politique gouvernementale qu’ils ne l’étaient en 2014 quand il s’agissait de battre le maire sortant socialiste ?