Il est évident que ces sondages n'ont aucun intérêt prédictif. Je ne comprends pas pourquoi chacun se sent obligé de le rappeler chaque fois qu'un nouveau sort. L'intérêt, il est plutôt de donner une mesure de l'état de l'opinion. Et à cette aune, cela me semble plutôt instructif, notamment dans le rebond de Macron qui parvient à progresser nettement depuis décembre alors que trois autres candidats pourtant très à même, en théorie, de mordre sur son électorat sont apparus entre temps : Jadot, Faure et Lagarde. Il est donc de plus en plus difficile d'attribuer au vote Macron le statut de vote par défaut. Quand on réalise un score aussi élevé malgré une opposition pourtant très plurielle, c'est qu'il y a une adhésion, qu'elle soit à la politique ou à la personne, franche et massive.
Cela étant, et le second tour le montre, malgré une large réélection au second tour, il y a une vraie fonte par rapport à 2017. Hollande réalisait de bien pires scores dans ses second tours de sondage face à Le Pen (la moitié du temps, il perdait même...) mais quand cela arrivait, c'était qu'il était lui même à moins de 15% au premier tour sans possibilité de se qualifier rendant le scénario de second tour plus qu'hypothétique. Là, on parle d'un rapport de 56-44, soit un rapport de forces assez peu éloigné de celui d'un duel gauche-droite, alors que Macron est pourtant en tête dès le premier tour. Son avance en points ne fait que doubler face à MLP. Ce que montre ce sondage, mais que l'on savait savait déjà plus ou moins, c'est que Macron polarise énormément, de façon de plus en plus semblable à celle du RN. Une grande partie de la population le vénère comme son sauveur mais cache qu'une autre partie tout aussi importante le hait suffisamment pour ne voter pour lui en aucun cas, voire même voter contre lui dans tous les cas. Si la tendance s'affirme, je ne pense pas que l'on puisse dire que ces sondages sont sans valeur.
lindet a écrit: Mais je m'amuse du "très largement réélu". J'ai le souvenir, ne serait-ce que pour avoir voté pour lui à l'époque, qu'il l'avait emporté par 66 %. Et aujourd'hui ce serait 56 % ? Pas trop rassurant à ce rythme pour 2022 !!!
Et pourtant, objectivement parlant, un tel score constituerait une des élections les plus larges de la Vème République. Seules les élections ayant une présence du FN au second tour, ainsi que l'élection de 1969 dont la proximité idéologique des deux protagonistes qualifiés avait étouffé tout réel enjeu, ont vu marge plus importante. Et 44% pour Le Pen au second tour, ça reste très banal. Certains donnaient cette ordre de grandeur face à Sarkozy et Fillon et même beaucoup plus face à Hollande.
Fabien a écrit:Le détail du sondage m'étonne. Alors même que Macron avait déjà en partie siphonné l'électorat de droite en 2017, il se trouverait cette fois plus d'électeurs de Fillon pour voter pour lui que pour Wauquiez. Même si LR est en grosse difficulté, c'est tout de même frappant. Et de l'autre côté, ce président que tout le monde désormais reconnait comme étant de droite ne perdrait que 13% sur sa gauche! Voir si tout cela se confirme dans d'autres enquêtes...
Ce serait plutôt cette enquête qui confirme les précédentes et cela ne n'étonne pas trop. La FI n'arrivera jamais à conquérir massivement d'anciens macronistes avec son positionnement, G.s à peine plus, EELV est trop inaudible dans les présidentielles. Quant au PS, c'est un champ de ruines. Et la politique de Macron est parfaitement en phase avec l'électorat qui a voté pour lui en 2017 : un libéral européen pourfendeur de toutes les formes de conservatisme, je crois qu'il n'y a pas mieux pour séduire un électeur du centre de gravité idéologique de l'ancien PS (quand celui-ci avait encore la stature d'un parti de gouvernement).
Il faut quand même faire gaffe avec la stratification par électorat du premier tour : les marges d'erreur sont importantes, surtout pour l'électorat de Hamon qui ne représente sans doute qu'une toute petite partie de l'échantillon (mais bon, comme tous les sondages donnent des chiffres proches de cela, il doit y avoir un fond de vérité). Le même raisonnement vaut pour l'électorat de Fillon : beaucoup de sondages donnent des transferts très importants de Fillon par Macron, mais là, à 40%, c'est vrai que c'est énorme et c'est le premier sondage à donner autant, donc peut-être qu'il y a une surestimation. D'autre part, même si Macron avait déjà beaucoup siphonné le centre-droit en 2017, ne laissant à Fillon qu'un électorat a priori plus hostile à Macron, il ne faut pas oublier que contrairement à ce qui a été dit sur l'électorat Fillon, celui-ci était beaucoup plus motivé par son programme économique et tout ce qui s'ensuit que par le conservatisme sociétal et la vision gaulliste des relations internationales, que l'électorat LR ne partage que marginalement mais avale sans broncher si le libéralisme suit derrière. Par contre, quand Macron sort le même programme économique (en allant plus loin) tout en laissant de côté le conservatisme, la droite libérale accourt.
Corondar a écrit: Deux ou trois choses quand même : sur les seconds tours, lors des élections passées (présidentielles, mais aussi régionales), les scores du RN (FN à l'époque) ont toujours tendance à être sur-estimés. Le jour du vote ils font généralement moins. Ce ne sera peut-être pas toujours ainsi, mais pour le moment le vote anti-F(R)N est (était ?) un réflexe pour beaucoup.
Il faudrait une législative partielle où le RN et LREM s'affrontent au second tour pour qu'on puisse mesurer cela. Sinon, il faudra attendre les départementales et les régionales.
ploumploum a écrit:Le principal voire seul résultat intéressant et inquiétant de ce sondage, c'est celui concernant la forte progression du vote blanc.
Ifop l'estime à 9 % pour le 1er tour (soit le "4ème candidat") et 19 % pour le second. A titre de comparaison, les blancs et nuls représentaient 2,56 % (949 000 voix) puis 11,52 % (4,086 millions de voix ) des votants en 2017 (respectivement 2 % et 8,59 % des inscrits).
Si on projette en voix les taux d'Ifop (avec comme hypothèse : participations équivalentes et nuls intégrés dans les blancs), ça donnerait :
1er tour : 3,330 millions de voix
(7 % des inscrits)2nd tour : 6,739 millions
(14,16 % des inscrits)Certes c'est un sondage "à froid" (pas de campagne électorale intense) mais vu le niveau des différents protagonistes, j'ai tendance à penser que cette fracture démocratique ne devrait pas se résorber.
https://www.ifop.com/wp-content/uploads ... 2.2019.pdf
Justement, je trouve que ce point est justement le plus inintéressant car s'il y a bien un vote qui ne peut que très difficilement être prédit par les sondages, c'est bien le vote blanc (c'est sans doute aussi pour cela qu'il est donné aussi haut). Je ne vois pas non plus en quoi ce serait inquiétant.