Relique a écrit:Tout à fait. L'argument développé par JP Delevoye toutefois est que le nouveau système désavantage ceux qui ont une carrière "explosive" (avec une très forte progression dans la rémunération ) et avantage relativement ceux qui ont une rémunération qui augmente relativement peu. Ce qui avantagerait donc plutôt les bas salaires qui ont des augmentations de salaires plus faibles.
C'est bien sûr compter si il n'y a pas "d'accidents de vie" comme vous dites. Mais je n'ai pas encore regardé la réforme en détails.
La réforme revient à passer, pour le calcul de la pension, des 25 meilleures années à l’entièreté de la carrière. Quelque soit le parcours professionnel, ça a pour conséquence de dégrader le niveau de pension par rapport au système actuel toutes choses égales par ailleurs. Même quand on a une carrière stable et complète, on obtient le même niveau de pension que dans la situation actuelle. Néanmoins, il convient de préciser que, dans ce qui est prévu, certaines périodes d'inactivité donnent lieu à l'octroi de points : en particulier, les périodes de chômage génèrent des points à la hauteur des indemnités chômage (donc l'impact sur la pension dépend du taux de remplacement et la durée d'indemnisation) et l'arrivée d'enfants induit un octroi de points à répartir entre les époux (si je comprends bien, ça arrive indépendamment d'une inactivité effective des membres du couples au delà du congé parental - mais c'est censé compenser pour des impacts sur le parcours de carrière postérieurement à l'arrivée des enfants).
Il y a, à mon sens, deux facteurs qui viennent modérer le constat que je fais sur la dégradation du niveau de pensions liée au passage envisagé à la retraite par points. D'une part, il est prévu de revaloriser les points au long de la carrière sur la base du taux de croissance des salaires plutôt que sur la base du taux d'inflation (essentiellement, ça revient à passer au taux nominal de croissance de l'économie qui est supérieur au taux d'inflation quasi par construction), ce qui est donc plus favorable qu'actuellement (et d'autant plus que la croissance est élevée). D'autre part, il existe un mécanisme indirect par lequel le propos de Delevoye sur l'impact redistributif de la réforme au bénéfice des individus avec de faibles taux de croissance de salaires peut être vérifié : il s'agit de l'évolution de la valeur du point. En effet, pour un niveau de cotisations retraite donné, si le nouveau mode de calcul permet empiriquement de réduire les écarts entre les pensions octroyées aux individus ayant différents types de carrière (i.e. avec faibles taux de croissance de salaires vs. avec une croissance explosive des salaires), l'impact financier d'une hausse de la valeur du point est moins coûteuse dans le nouveau système qu'avec une situation plus inégalitaire entre les individus. Si l'objectif poursuivi reste donc celui d'un équilibre financier du système sans toucher aux autres paramètres (âge de départ, niveau des cotisations, mécanisme de décote avant l'âge "pivot") - et c'est un gros "si" -, alors ça doit induire une augmentation de la valeur du point supérieure à celle qu'on aurait dans une situation plus inégalitaire et donc favoriser dans l'absolu (pas simplement en relatif) les individus à carrière avec salaires stables. Evidemment, tout cela dépend des paramètres du système retenus dans l'avenir (valeur du point + ceux déjà cités) sur lesquels l'incertitude est substantielle.
Enfin, sur l'aspect plus redistributif du système par rapport à actuellement, je comprends que la réforme souhaite relever le minimum vieillesse (qui s'appliquerait à ce nouveau mode de calcul des pensions) à 80% du SMIC - ce qui a aussi un impact positif. Il y a en revanche un point qui, je pense, a plutôt tendance à être anti-redistributif : c'est celui du mécanisme de décote lié à l'âge pivot. Ce qui est prévu ("pour faire des économies"), c'est d'avoir une décote si on part entre l'âge légal à l'âge pivot (mécanisme qui normalement ne devrait pas exister dans un système à points car, en principe, c'est la valeur du point qui est censé s'ajuster pour équilibrer financièrement le système...) : mon sentiment est qu'en raison du taux d'inactivité bien supérieur dans les classes sociales inférieures autour de l'âge légal, cette décote touchera bien plus ces dernières que les classes supérieures qui auront moins de difficultés à continuer à travailler quelques années de plus.
Globalement, la question du caractère plus redistributif du système à points envisagé par rapport au système actuel est une question empirique : il y a les mécanismes qui vont dans un sens, d'autres qui vont dans l'autre. Seules des simulations systématiques en fonction des parcours de carrière réellement observées peuvent nous dire dans quel sens ça va au global. Je doute néanmoins qu'empiriquement les effets soient majeurs dans un sens où dans un autre. Il me semble en revanche que le principal impact de cette réforme concerne bien plus le niveau futur de pensions car il y a un certain flou (pour être charitable) sur les modalités de fixation de la valeur du point - et ce, en particulier, si cette réforme est menée en parallèle à une étatisation du système, ce qui rendra la fixation des paramètres encore plus soumise aux objectifs politiques et budgétaires du gouvernement du moment.