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Pour ou contre la gratuité des transports en commun ?

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Re: Pour ou contre la gratuité des transports en commun ?

Messagede SALVAT » Sam 12 Jan 2019 15:43

Merci Pullo pour ces quatre références...il est cependant l'une dont je n'ai pu apprécier le contenu...n'étant pas abonné à cet organe de presse : je crois savoir de quelles expériences il doit y être fait état, l'une pour un réseau de 3 lignes, l'autre pour une ville dont le PCF a payé cher le prix de l'expérience (perte de la municipalité)....abandonnée.
Il a pu être fait allusion à Dunkerque qui n'est qu'au début de son expérience et suis étonné qu'il soit avancé un "bilan" : le maire interrogé par un organe de presse ferroviaire récemment ne s'est pas avancé et a clairement indiqué qu'il fallait savoir attendre...
Il est dommage que des propos se fassent plus royalistes que le roi .
Les chauffeurs, enthousiastes à l'origine, dans la ville du sud.....en étaient revenus.
J'entends bien qu'il était difficile pour eux de faire preuve, a-priori, d'une réticence sur un thème séduisant : le temps les a fait évoluer.

Le contenu de l'article portant sur le projet modulé d'Anne HIDALGO sur Paris rejoint assez bien ce que j'exposais.
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Re: Pour ou contre la gratuité des transports en commun ?

Messagede pba » Sam 12 Jan 2019 17:50

A.Hidalgo (avec qui je ne suis pas toujours en phase ) a pris de bonnes décisions :
-sur le principe de la gratuité totale, sans doute pas applicable en l'état à Paris seul
-en accordant des "gratuités partielles "

Concernant Dunkerque où je vais régulièrement, le projet de gratuité totale a du sens :
-seulement 5% des trajets avaient lieu en transports en commun
-le projet a (et a toujours cf les journaux communautaires ) l'adhésion de toutes les communes et tous les partis politiques
-les commerçants de centre ville ont vu leur activité croître , après la phase de reconfiguration du réseau
-la CUG (communauté d'agglo) donne ainsi du pouvoir d'achat en plus

A la différence de Paris, il y a unicité de décision pour l'ensemble du réseau, ceci facilite grandement le succès

https://www.politis.fr/articles/2018/12 ... ket-39762/
https://www.communaute-urbaine-dunkerqu ... e_2018.pdf

(voir page 20)
pba
 
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Re: Pour ou contre la gratuité des transports en commun ?

Messagede DonaldDuck007 » Sam 2 Mar 2019 10:23

Bonjour à tous et à toutes.


Sur la gratuité des transports en commun, je vois trois angles, spontanément :
1) Est-ce viable économiquement ? Au-delà des idées préconçues.
2) Qu'implique la gratuité d'un service sur le comportement de l'usager ? Génère-t-elle une négligence du service ?
3) Est-ce une question de fond ou une question subsidiaire ? Le rôle de la gratuité des transports en commun dans les enjeux sociétaux.

1) L'approche économique.

Quelques précédents, si vous en avez d'autres ou si vous avez des correctifs, je suis tout ouïe, le débat est passionnant et je le maîtrise assez mal.
Des villes en Allemagne, la capitale d'Estonie, Dunkerque, des villes américaines qui en sont revenues etc. Problème, comparaison n'est pas raison et il faudrait intégrer les caractéristiques propres à chaque ville (démographie etc.), le rôle de la périphérie etc pour réussir à tirer quelque chose de comparaisons parfois grossières.
Donc les comparaisons sont difficiles. Mais elles peuvent dire des choses.

Si on réfléchit au coût des transports en commun (trains, métros, tram, bus) en ile-de-France, on obtient, selon le calcul d’Île-de-France mobilités, 10 milliards d'euros par an avec un financement à hauteur de 28% par les usagers (tickets, forfaits navigo).

Si je comprends bien, on retire donc au max 2,8 milliards d'€ (si on parle de gratuité totale) qu'il faudrait aller chercher ailleurs. Le reste du financement est assuré par les collectivités (toujours selon Île-de-France mobilités), le versement transport (employeurs) et les recettes d'exploitation. Donc où irait-on chercher les 2,8 milliards max ? Soit dans les collectivités, soit dans une diversification encore des recettes d'exploitation ? Une augmentation du versement transport ? Ou encore la compensation irait voir tout ailleurs, à l'époque et avant de se dédire Hidalgo parlait d'un péage à l'entrée de la ville. Bref, compenser c'est le mot d'ordre.

Donc la gratuité aurait ici un doux nom pour une réalité plus complexe, puisque par l'effet d'une compensation, il faudra payer, pour quelqu'un à un moment ou un autre. Ça fait un peu penser au concept de subventions croisées (ce que tu payes moins pour un service, tu le payes en plus pour un autre). Et c'est là où je trouve le débat un peu pervers.
La gratuité, dans un monde parfait, c'est génial. Mais dans un système où la création d'une offre suppose un coût, c'est vite trompeur et les mots cachent une autre réalité.
La gratuité pourrait se financer par les publicités, par des places offertes aux annonceurs, un peu comme une partie du financement de la presse. Ce qui interpelle sur l'indépendance du service et le confort de l'usager. Si la chose publique est prise dans le tourbillon d'intérêts fortement privés, on peut craindre des conséquences à terme. Des partis pris difficilement conciliables avec l'intérêt commun. Des intérêts privés multiples ne peuvent aboutir, comme par magie, à un intérêt commun, même les libéraux n'y croient plus. Le jeu des interactions est trop complexe pour croire à un systématisme du processus.

Donc à priori, la gratuité n'a de gratuit que le nom... Bah pas si sûr non plus...

Pour revenir sur les comparaisons avec les autres villes ayant opté pour la gratuité, voyons le cas de la capitale d'Estonie. Même si il faut, je le répète, se méfier des comparaisons.
Donc Tallinn. La gratuité des transports en commun a permis une hausse de la fréquentation des transports et une croissance démographique de la ville, donc plus de recettes fiscales pour la ville et potentiellement plus de recettes pour les commerçants. Avec un bénéfice écologique probable si la voiture a été moins utilisée. Mais ça reste des suppositions, sauf si des études ont été menées pour mesurer ces impacts. Donc ici, nous ne sommes plus dans une utilisation trompeuse du mot gratuité, puisque, apparemment, le coût de la mesure se répercute sur de nouvelles entrées fiscales et retombées pour le secteur privé (nouvel argument d'ailleurs pour dire que la dépense publique peut tout à fait aider le secteur privé). Et non sur des subventions croisées ou autres. On ne paye pas plus un autre service.

Mais l'exemple de Tallinn semble particulier et difficilement transposable, d'autres villes états-uniennes (Portland) ont vu un trou dans les caisses publiques, idem en Belgique (Hasselt), obligeant tout ce petit monde à revoir la copie et revenir à une version payante ou graduée.

A Niort comme à Châteauroux, apparemment, la fréquentation des transports en commun a été revue à la hausse. Mais ici des associations (FNAUT) ont relevé une augmentation du versement transport. Donc du paiement par les employeurs. On retrouve la bizarrerie de la gratuité...

Bref, du point de vue de l'économie, espérer une rentabilité et un investissement sur l'avenir avec la gratuité est une sorte de pari à risque. Résultat un peu aléatoire.

Après on peut questionner plus largement le rôle de la dette publique (à l'échelle des collectivités). Est-ce vraiment un problème ou pas, selon de qui détient la dette et des actifs détenus par la collectivité. Et selon comment l’État réagit face à cela.
On peut aussi s'interroger sur le caractère honnête de la mesure. Gratuité, vraiment ? Ou subventions croisées, plutôt ?


2) Gratuité et comportement de l'usager

C'est la question de l'incivilité, notamment. L'argument moral, ici, j'ai l'impression.
Difficile de répondre de manière catégorique si on postule que l'être humain est pluriel et complexe dans sa personnalité et ses réactions.
La référence que j'aie ici, c'est l'étude sur Dunkerque. Certains me diront, pas la même population. Paris, c'est particulier. Etc. Possible. Mais impossible à savoir, sauf à tester.
En 2017 a été rendu un rapport d'enquête de 3 ans sur les conséquences de la gratuité sur le comportement des usagers. L'étude a été menée par le chercheur Henri Briche. Et d'après le chercheur, la gratuité a réduit les incivilités de 59 % depuis 2015 (départ de l'étude). Un pourcentage constaté grâce aux chiffres compilés par la Société des transports de Dunkerque et extensions (STDE).
Le chercheur relève même un effet social de la mesure. Notamment chez les jeunes générations pour qui le transport en voiture peut être relativement coûteux, proportionnellement à leurs finances. La gratuité entraînant donc un vent de liberté, en termes de mobilité.

L'exemple de Dunkerque empêche d'établir une causalité entre gratuité du service public et négligence ou incivilité chez les usagers-ères. Peut-être me manque-t-il des données, des études qui prouvent le contraire, mais l'exemple de Dunkerque ouvre une autre voie. A approfondir avant de généraliser, bien sûr.


3) Gratuité, question de fond ou question subsidiaire ?

Je vois 2 manières d'appréhender cette partie, soit en recentrant la gratuité des transports en commun dans une politique plus large de transports et de mobilité, soit en partant sur les raisons qui poussent certain-e-s à réfléchir à une politique de la gratuité pour comprendre si le traitement de la question ne se fait pas à une autre échelle.

Je commence par la deuxième hypothèse relative aux arguments de celles et ceux qui promeuvent la gratuité.
On trouve quoi comme arguments ?
Argument écologique (moins d'utilisation de voitures individuelles) ?
Argument politique (le service public doit être gratuit parce qu'il défend l'intérêt commun) ?
Argument social (gratuité partielle pour les catégories les plus démunies) ?
Autres sortes d'argumentation ? Lesquelles ?

L'argument écologique demande à mettre sur la table toutes les possibilités de réduire l'empreinte carbone et donc même nos moyens de production économique. Et ça impose des actions globales et contraignantes quand on voit avec quelle facilité les États se détournent (cf. Etats-Unis et Trump). La gratuité des transports en commun est-elle vraiment une solution face à un enjeu mondial et qui se traduit par tellement de manières... Je trouve que le débat mérite d'être posé sur les manières de réduire l'empreinte carbone.

L'argument politique rejoint la dimension citoyenne, à mon sens. Aujourd'hui on entend beaucoup parler du RIC avec les gilets jaunes ou des community organizing avec les chercheurs comme Julien Talpin. Pareillement le débat exige qu'on joue carte sur table sur comment rendre la politique plus proche des concitoyens et comment la relégitimer à leurs yeux (justice procédurale, décisions publiques transparentes et compréhensibles).
Une gratuité du transport public, partielle ou totale, j'ai peur en termes d'approche politique, que ça fasse plus gadget par rapport à tout ce qu'on pourrait entrevoir pour intégrer le citoyen à la décision politique ou pour rendre plus légitime la décision publique. Si encore c'était une demande citoyenne et que cela conduise au débat, à l'argumentation, ok. Mais là c'est une volonté venue d'en haut.

L'argument social me paraît plus compréhensible et se traduirait donc plus par une gratuité partielle pour toucher les personnes étant les plus démunies. Mais je me demande si cette gratuité partielle n'agirait pas plus en palliatif face à une inégalité des situations qui doit plus à des structures profondes.
Je crois en l'importance des structures sociales et dans une conception dynamique de la classe sociale, relationnelle. C'est-à-dire que c'est dans les interactions, les relations entre les individus et entre les individus et les structures que se construisent les catégories sociales. A titre de référence et pour ne plus trop m'étaler, cf. l'étude de Seth Prins et Lisa Bates de 2015.
Donc agir sur la gratuité partielle, ça peut être intéressant dans une optique de rectifier le tir, mais ça ne joue pas du tout sur le fond du problème, je crois, sur la structure sociale même. Ce qui réclame un autre échelon d'analyse.

Enfin et je termine ici, penser la gratuité des transports en commun, peut, peut-être, s'inscrire dans une politique plus large de la mobilité urbaine. Si il s'agit de re-dynamiser l'offre des transports en commun, on peut réfléchir à un bouquet de services, divers et à une transition vers d'autres formes de motorisation (électrique, hydrogène etc.). Réfléchir à comment promouvoir d'autres sortes de mobilité comme le vélo. C'est l'idée aussi de voir comment dépoussiérer le infrastructures, sans perdre à l'esprit le financement. Réfléchir à comment satisfaire une demande de mobilité et de propreté.


Voilà, je suis pas contre en soi. Mais je trouve que la gratuité pose plus de questions qu'elle n'en résout.
Dernière édition par ploumploum le Sam 16 Mar 2019 19:21, édité 1 fois.
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Re: Pour ou contre la gratuité des transports en commun ?

Messagede Flavien NEUVY » Ven 19 Avr 2019 18:23

Bonjour,

je vais tenter d'apporter ma modeste contribution à ce débat intéressant qui sera, sans aucun doute, au cœur des prochaines municipales dans de nombreux endroits.

A mon sens, l'intérêt principal (peut-être même le seul) de ne plus faire payer l'usager serait de générer un report modal important réduisant la part de la voiture dans la mobilité quotidienne au profit des transports en commun. Les externalités positives seraient nombreuses (meilleure qualité de l'air, baisse des nuisances sonores, diminution de notre consommation des énergies fossiles....). Si la gratuité des transports publics engendraient toutes ces externalités positives, il ne faudrait pas hésiter.

Le seul problème c'est que rien n'est moins sûr. En effet, cela supposerait que celles et ceux qui utilisent leur voiture pour aller travailler le font pour des raisons financières : le bus est trop cher et je prends ma voiture car elle me coûte moins cher. Cela n'est bien sûr pas le cas puisque le coût d'un trajet en voiture est bien plus élevé que le prix d'un ticket de métro ou de bus.

En clair, celles et ceux qui prennent leur voiture le font pour d'autres raisons : praticité, contraintes familiales (déposer les enfants à l'école par exemple), éloignement d'un arrêt de bus...Donc, la gratuité ne changera rien pour l'immense majorité des personnes qui prennent leur voiture.

L'augmentation de la fréquentation dans les endroits où la gratuité est en place provient plus du report modal vélo, piéton. Ce qui est contreproductif en terme de santé publique.

Par ailleurs, la gratuité porte en elle de nombreux effets pervers. Plus personne ne mesure le coût de ce qui est gratuit. La crise des gilets jaunes l'a montré avec éclat : "qu'est-ce que vous faites avec notre pognon ?" Plus personne ne rend compte de la chance inouïe que nous avons de vivre dans un pays dans lequel les soins sont quasi gratuits, l'école est gratuite...

Enfin, dernier point pour ne pas être trop long : pourquoi les transports publics devraient être gratuits et pas les cantines dans les écoles ? Les enjeux sociaux et sanitaires sont majeurs dans les restaurants scolaires. Pourquoi l'eau n'est-elle pas gratuite, au moins jusqu'à un certain niveau de consommation ? L'eau est indispensable à la la vie...Bref, on ne s'en sort pas.
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Re: Pour ou contre la gratuité des transports en commun ?

Messagede DonaldDuck007 » Dim 28 Avr 2019 08:31

J'aime beaucoup votre réflexion sur les raisons qui poussent à l'utilisation individuelle de la voiture.
Mais contrairement à ce que vous paraissez sous-entendre, je crois que l'usage s'explique pour une diversité de raisons. Pas qu'un seul motif. Et cet usage s'inscrit aussi dans des enjeux plus globaux.
Par exemple une enquête de 2010 sur Bordeaux menée par une équipe de recherche rattachée au CNRS notamment montre une utilisation genrée de la voiture, selon le fait d'être une femme (parcours d'accompagnement) ou un homme (usage professionnel). Donc, il y a aussi une construction sociale de l'usage de la technologie qui est à replacer dans des dynamiques plus larges. Et donc qui est à interroger, réfléchir.

D'ailleurs je pense que si on prend l'hypothèse qu'il faille revoir l'usage de la voiture, alors il faut se pencher sur les politiques générales. Au premier titre, celles qui ont impulsé l'étalement urbain (et donc l'usage de la voiture pour des raisons de mobilités et de praticité) liée à des objectifs d'ascension sociale notamment (aller en périphérie pour accéder à la propriété privée, le développement des zones commerciales périphériques).
Donc peut-être est-ce intéressant de relier ce débat (usage de la voiture) au développement de l'habitat individuel. Et là, il s'agirait alors plus de comprendre les ressors qui ont poussé vers ce type de logement : maisons ouvrières à des fins opportunistes pour les industries de l'époque, l'Etat via des lois promouvant la propriété individuelle à des fins de créer une émulation et une ligne directrice d'épanouissement. On sait combien l'une des choses qui a été les plus difficiles à gérer pour les communistes du XXe siècle c'est l'aspiration de nombreuses personnes de milieu populaire à la propriété individuelle, privée (pas seulement en matière économique, donc). Et l'Etat en encourageant cela jouait sur plusieurs tableaux. Inconsciemment, même.
De plus l'habitat collectif par ce qu'il représente (agglomération parfois de personnes confrontées à une pluralité de "discriminations négatives" pour reprendre l'expression de Robert Castel) peut agir en épouvantail (fantasmée en partie).

Je pense sincèrement que les débats "ponctuels" sont souvent à rattachés à des questions d'ordre plus générales.


Après pour revenir sur votre post, je ne suis pas tout à fait d'accord pour dire que la gratuité ne permettra pas d'augmenter le nombre d'usagers. L'exemple de Talinn montre que la gratuité peut (peut, pas de lien de causalité toutefois) accroitre l'usage des transports en commun. Après, sauf erreur, je ne crois pas qu'il y ait eu d'études approfondies pour savoir si cela impliquait un abandon de la voiture au profit des transports en commun chez les nouveaux usagers ou chez ceux qui ont augmenté leur usage.
Mais, au minimum, ça montre une croissance potentielle de l'usage des transports en commun.
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