Eco92 a écrit:Sinon, hier une vidéo d'arrestations de lycéens à Mantes la Jolie (146 arrestations après deux voitures brulées, et des bouteilles de gaz retrouvées quelques part) font scandales. Des dizaines de lycéens sont à genoux, mains sur la tête, en rang au sol ou face contre un mur, encadrées par des policiers armées, voire en joue. L'image est dévastatrice (d'autant que la vidéo enregistre des sons - de celui qui filme ? - qui humilie ouvertement les enfants "Voilà une classe bien sage" etc.), je la vois partagée des centaines de fois y compris par des amis très anti-manifs, juste choqués de voir ça en France. L'AFP a confirmé la scène, filmée sous un autre angle.
Cette vidéo est assurément un tournant visuel de la lutte actuelle, qui ne va certainement pas stopper l'engagement des jeunes...
Au même moment Blanquer envoyait à tous les profs du secondaire en appelant à l'apaisement.
https://www.liberation.fr/france/2018/12/06/a-mantes-la-jolie-des-dizaines-de-jeunes-agenouilles-mains-sur-la-tete_1696489
Le policier qui a filmé cette vidéo en enregistrant les commentaires goguenards de ses collègues (la "classe bien sage", "on va la montrer aux profs"), et l'a diffusée, vient de fabriquer des futurs citoyens hostiles par principe à l'institution policière, et qui verront la police comme un instrument d'oppression, et non un moyen légitime du maintien de l'ordre. Quel que soit l'agenda politique derrière (s'il y en a un), tant d'irresponsabilité est juste hallucinant...
Blanquer, ce matin, s'est dit choqué, mais n'a pas condamné explicitement cette mise en scène de mauvais goût, qui rappelle (selon la sensibilité personnelle) les crimes du IIIe Reich, les dictatures sud-américaines, Guantanamo ou Daesh...
Etienne92 a écrit:Cette histoire des lycéens est assez catastrophique et est à l'image de la gestion de crise de ce gouvernement depuis cet été : les réactions sont toujours à contretemps et mal qualibrées. On a d'un côté des images de lycéens qui joyeusement retournent des voitures à Orléans, donnant une impression de totale impunité, de l'autre une réaction qui tourne à l'humilation générale des lycéens à Mantes La Jolie, avec tous les détournements imaginables que ces images vont susciter.
Les réactions outrées sont aussi dans l'excès : vu le climat général, il est tout à fait normal que l'état réagisse face aux débordement des lycéens. Mais sur la manière, l'état tend vraiment le baton pour se faire battre. Déjà cela n'aurait jamais dû être filmé. Ensuite passer brutalement d'un maintient de l'ordre pur où les forces de l'ordre se contentent de limiter les dégats et de disperser les fauteurs de trouble, à une rafle où on coffre tout le monde, où est la logique ? L'Etat manifeste une fois de plus, et de façon caricaturale, son incapacité à sanctionner correctement les troubles à l'ordre public dans un contexte de manifestation qui dégénère : la sanction tombe de façon beaucoup trop arbitraire, sans aucun lien avec la gravité de la faute.
Il y a sans doute un problème de méthode à la base (les troupes ne savent pas comment faire pour attraper les bonnes personnes), mais surtout un problème de volonté politique : la hierarchie (ministre inclu) cherche à atteindre tellement d'objectifs plus ou moins contradictoires que celui-ci est totalement négligé.
Si les interpellations des lycéens pour troubles à l'ordre public sont justifiées, la mise en scène de ces arrestations est répugnante, ne serait-ce que symboliquement, car elle rappelle à beaucoup des époques et des lieux où on n'aimerait pas (re)vivre. Je ne pense pas que ceux qui sont choqués par la vidéo ont une réaction outrée. Et les internautes qui justifient l'humiliation publique de ces adolescents, ou encore la garde à vue d'autres pour des graffitis contre le président, ne me rassurent pas du tout. Ils sont mûrs ou presque pour vivre dans un régime autoritaire !
Quant au fait que cette sortie de route ait eu lieu à Mantes-la-Jolie et pas dans les beaux quartiers de la capitale, ça ne me surprend qu'à moitié. Il y a entre les policiers et beaucoup de jeunes des banlieues populaires une animosité profonde. Les premiers regardent les seconds comme des bêtes sauvages qui ne comprennent que la force. Les seconds voient les premiers comme des brutes épaisses protégées par le statut de fonctionnaire assermenté. Et ça ne date pas d'hier...
Concernant la doctrine française du maintien de l'ordre, ça fait un certain temps qu'elle pose problème. C'est une évidence que cette doctrine n'apaise pas les tensions, mais au contraire les alimente. Au moment des manifestations contre la loi Travail,
un article comparant la gestion des manifestations par la police en France et dans le reste de l'Europe était sorti. Et il n'était pas flatteur pour les forces de sécurité françaises, déjà pas vraiment réputées pour leur capacité à soigner les relations avec les citoyens. Et je constate que ça n'est pas près de s'arranger. Hier, sur CNews,
le directeur général de la gendarmerie disait qu'il n'excluait pas le recours aux armes à feu pour la manifestation du 8 décembre, et que
les forces de l'autre barreront la route aux manifestants qui voudront aller à l'Elysée. On prépare sans l'air d'y toucher l'opinion publique à voir des morts ce week-end...