de cevenol30 » Dim 8 Avr 2018 21:47
Sur la diversité, ça peut se compenser.
Le scrutin majoritaire crée une diversité un peu fortuite, liée à des ascensions locales mais avec une dimension de répartition des investitures entre sensibilités au sein d'un parti -encore faut-il que ça passe... Même sur la répartition entre partis, il se peut théoriquement que la majorité rafle tous les sièges où elle postule mais s'il s'agit d'un scrutin uninominal, c'est toujours plus compliqué (si c'est du plurinominal en un "paquet" comme avec les primes majoritaires municipales ou régionales, un seul bloc rafle bien toute la part majoritaire)
La proportionnelle crée une diversité organisée: répartition globale des sièges proportionnellement au score mais aussi, au sein de chaque liste, possibilité (vivement conseillée: quel intérêt de présenter une liste monolithique?) de représenter une diversité de sensibilités et de situations. Les sensibilités sous-représentées (en nombre et en place) dans une liste peuvent fort facilement s'en rendre compte et le prendre mal... Au final, pour certaines catégories de population ne pouvant bénéficier d'un effet de notabilité locale, la (part de) proportionnelle permet plus facilement d'attribuer des places éligibles. Même si, pour le scrutin majoritaire, il est parfois bon d'oser présenter des candidats socialement atypiques par rapport au député lambda...
Les grandes circonscriptions ont un effet lissant mais pas forcément tant que ça: le FN avait gagné 31 cantons sur quelque 2000, en reportant le ratio sur 577 ça donnait 8 et beaucoup de poussières... et il a eu 8 députés. Si on suppose qu'il n'y a pas de variation de score derrière, passer de 2000 à 577 circos de vote fait perdre 10% du potentiel correspondant à l'arrondi par en-dessous, correspondant aux fiefs les plus petits et fragiles. Avec le même ratio cantonal sur 340 sièges majoritaires, cela donnerait 5 sièges (+ 9 à la proportionnelle soit 14 sur 400 -l'étude de BVA/Slate trouve 15, c'est proche- au lieu de 8 sur 577, ce n'est pas rien). En effet, diluer certains fiefs les fait perdre, pour d'autres l'ajout à la circo fragilise juste un petit peu, ce qui au final ne change rien.
Une part de proportionnelle nationale aurait aussi l'intérêt de renationaliser les législatives en relativisant les campagnes électorales (et les actions en cours de mandat) laissant à croire que le député est là pour coordonner des élus locaux ou être un chasseur de subventions locales: la partie proportionnelle recentre l'attention sur les étiquettes et les programmes. Idéalement, il pourrait être bon que ce ne soit pas juste une petite dose mais même ainsi, la mise en avant de l'aspect national serait accentuée. Ceci dit, elle existe déjà : faire une campagne locale est plutôt un subterfuge pour certains "divers" et opposants, les candidats de la future majorité, eux, n'ont souvent qu'à se laisser porter par la vague en affichant bien leur étiquette.
Une proportionnelle correctrice serait peut-être mieux. Ainsi, dans le système allemand où les proportions sont officiellement mixtes (50% uninominal à un tour/ 50% proportionnel), tant qu'il n'y a pas de sièges majoritaires en excès on est en réalité dans du 100% proportionnel: la part de proportionnelle est doublée. Cependant, un électeur qui veut que sa voix compte plus n'a qu'à voter pour des partis différents: un parti à fort score local à l'uninominal et un parti à relativement faible score national à la proportionnelle (ex. CDU/FDP en Allemagne, PS/EELV en France dans le fonctionnement partisan précédent)... et grâce aux sièges majoritaires en excédent, sa voix compte davantage! Passer le nombre de parlementaires largement sous le maximum constitutionnel peut d'ailleurs permettre d'avoir des sièges surnuméraires sans trop de problème.
Une autre question se pose: celle des règles de financement des partis. Il serait stupide de garder bêtement la règle des 50 circonscriptions: il faut au moins réduire ce seuil en proportion et même un peu plus (atteindre un seuil de score est plus difficile sur une grande circonscription, nécessitant plus de déplacements par exemple, de plus l'existence d'une liste proportionnelle peut paradoxalement renforcer les effets de vote utile sur la partie majoritaire puisqu'il y a la part proportionnelle pour "se lâcher"), ce qui ferait 29 voire 25 circonscriptions.
Le seuil de 1% sur toutes les circonscriptions présentées peut par contre demeurer pour les partis ultramarins; les circonscriptions inter-territoires (surtout St-Pierre-et-Miquelon/St-Martin/St-Barth) peuvent s'avérer plus complexes alors mais les "gros" partis locaux d'outremer passeront le seuil quand même.
Un seuil sur la partie proportionnelle, seule ou en combinaison avec les circonscriptions majoritaires, pourrait être logique aussi: les petits partis pourront faire plus de score à la proportionnelle que sur la part majoritaire, du moins s'ils financent les professions de foi et bulletins sur tout le territoire (il faut pouvoir lever assez d'argent pour en imprimer quelque 40 millions, par dons ou par emprunt).
Au-delà du seuil, il faudrait des règles pour déterminer les montants de financement (d'autant que les électeurs, par manque de candidats ou par tactique, ne vont pas toujours faire leurs deux sous-votes sur le même parti): combien rapporterait une voix en circo, une voix proportionnelle? ou comptera-t-on le meilleur des deux totaux? etc...
Concernant les bulletins de vote, il serait plus logique d'avoir un seul bulletin en deux colonnes plutôt que d'en imprimer des paquets. La logique alors serait de faire figurer le candidat en circonscription d'un parti et la liste de ce parti sur la même ligne (c'est plus complexe mais pas infaisable pour des candidatures multipartites), l'électeur restant libre de faire un vote "incohérent" en le sachant...
Plus largement d'ailleurs, se posera la question du lien entre listes nationales et candidatures en circonscriptions:
-il pourrait paraître évident de prime abord que les "grands" partis présentent des candidats en liste et sur toutes les circonscriptions... ou presque (parachuter un candidat à Wallis-et-Futuna ou Saint-Pierre-et-Miquelon est d'autant plus inutile que la liste nationale y fera quelques voix de toute façon...).
-certaines petites formations seraient tentées de ne faire qu'une liste nationale, surtout si elles n'ont aucune chance en circonscription et si cela peut suffire pour le financement... mais le législateur pourrait être tenté de mettre un frein au nombre de listes, en imposant des suppléants (120 candidats à trouver pour 60 sièges, le même ratio qu'au majoritaire après tout) voire en imposant un nombre minimal de candidatures liées en circo, ce qui ne serait pourtant pas très logique si ce n'est pas une proportionnelle correctrice (s'il y a part correctrice par contre, il est très logique d'avoir des candidatures en circo).
certaines petites formations, au contraire, pourraient se contenter comme actuellement d'une poignée de circos avec une poignée de candidats (ce qu'ont fait le NPA ou Solidarité et Progrès entre autres).
-Quid des professions de foi: si un mouvement a une liste et une candidature en circo, faut-il vraiment en imprimer deux distinctes? Il peut être plus sage d'en imprimer une générique pour le vote "à l'étiquette"...
La révision constitutionnelle elle-même prévoit une accélération de procédures, ce qui, même sans le chiffon rouge de la limitation officielle du nombre d'amendements (mais la réduction des discussions en séance ne va-t-elle pas dans le même sens?), est un moyen de renforcer l'exécutif et de passer par-dessus la société civile (plus la discussion est rapide, moins il y a de temps pour pétitionner ou manifester et auparavant, pour mettre ces actions en route...). La réduction plus drastique que pour les autres chambres du nombre de membres du CESE, représentant ladite société civile, va d'ailleurs dans le même sens.
Au Sénat, la réduction du nombre de sièges devrait amener, d'une part à fixer un plancher à 2 sénateurs par département sauf exception (Saint-Pierre-et-Miquelon...) puisqu'il s'agit de représenter des collectivités, d'autre part à passer à la proportionnelle, peut-être à deux tours, pour 2 sièges: à la plus forte moyenne, cela donne 1 siège pour chacune des deux premières listes... du moins si l'une ne dépasse pas 2/3 des voix en duel. Dans le contexte politique précédent, il était évident que les deux premiers seraient PS et UMP... maintenant c'est moins net. Même en cas de bipartisme, cela équilibrerait la composition du Sénat.