Ramdams a écrit:C'est navrant de voir l'exécutif reculer devant un Sénat qui ne représente que lui-même et qui a des exigences sur le mode de scrutin qui ne concernent même pas sa propre chambre. Quand même bien la réforme de la proportionnelle est plébiscitée par une large majorité des Français et qu'elle n'aurait pas de mal à être adoptée par référendum. Voilà l'illustration de la très forte rupture peuple/élus.
D'un point de vue purement politicien et je dirais même "machiavélique" (au sens premier du terme), la proportionnelle permettrait de limiter la casse pour le gouvernement de Macron en 2022. Car le risque de cajoler la droite comme le gouvernement le fait actuellement, c'est qu'elle arrive majoritaire à l'Assemblée et que la première mesure qu'elle adopte soit d'abandonner la proportionnelle comme elle l'a fait en 1986 à l'ouverture de la session parlementaire. C'est d'ailleurs le tord de Mitterrand, dont le cynisme du personnage n'est plus à prouver, qui aurait du adopter une proportionnelle intégrale avec des listes nationales ou à la rigueur régionales (mais certainement pas départementales).
Toutes les avancées qui auraient pu être faites d'un point de vue de la démocratie et des institutions ont toujours été bloquées par LR et consorts. L'exécutif devrait donc adopter le mode de scrutin qui est le plus défavorable possible à la droite.
"Reculer" devant le Sénat me paraît un terme un peu fort. Par ailleurs, il est censé représenter les collectivités locales (surtout les maires de petites communes) et non pas le peuple, qui l'élit indirectement avec des distorsions: qu'une distorsion d'opinion et de point de vue se produise n'est pas surprenant.
Certes, il en tient compte mais pour l'adoption d'une réforme constitutionnelle par la voie parlementaire, c'est plutôt normal.
Seul l'article 11 permet de le contourner intégralement mais il offre l'inconvénient de ne pas faire place au droit d'amendement - sauf à envoyer au référendum une version modifiée par voie parlementaire mais bloquée, typiquement votée par l'Assemblée mais pas le Sénat.
Cependant, les électeurs pourraient ne pas apprécier devoir aller aux urnes pour un texte qui pourrait être adopté par le Congrès et ce peut-être d'autant plus qu'il est consensuel, paradoxalement (cf. exemple du quinquennat).
La proportionnelle permet effectivement de limiter la casse pour un camp perdant (d'où son introduction en 1986 d'ailleurs!). Pour le "centre" représenté par Macron ainsi que par le Modem, c'est aussi une assurance de survie: au scrutin majoritaire, un camp se trouvant coincé entre deux autres plus gros peut se retrouver soit laminé s'il est seul soit obligé de s'allier - assez souvent d'un seul côté.
La proportionnelle, par nature, permet de laisser une place aux entre-deux, aux nuances, aux "en même temps"...
Le rappel de l'épisode de 1986-88 permet d'illustrer l'adage selon lequel
ce qu'une loi fait, une autre peut le défaire. D'où d'ailleurs, je le comprends mieux à cette lumière, le recours pourtant non indispensable à une révision constitutionnelle pour réduire le nombre de parlementaires et introduire de la proportionnelle. Certes, la Constitution actuelle permet de le faire sans être révisée (ce n'est pas vrai pour d'autres modifications telles que la limitation du cumul dans le temps mais là , si) mais elle permet aussi trop facilement de le défaire. Or une majorité "constitutionnelle" permettant à un seul camp de réviser la Constitution est un fait exceptionnel qui n'est arrivé que rarement (1968 et 1993 dirais-je). Si la modification est gravée dans la Constitution, LR ne pourrait plus la défaire. Les centristes ont encore plus besoin de cette garantie: si par malheur pour eux, une bipartition se remet en place, ils sont à nouveau éloignés des manettes pour longtemps...
Ceci dit, inscrire précisément "400 députés dont 50 à la proportionnelle" dans une Constitution est trop précis: il faudrait un texte plus vague et une loi d'application. Sinon, il faudrait par la suite une autre révision constitutionnelle pour passer à 25% de proportionnelle (100 députés sur 400), ce qui serait exagéré me semble-t-il.
Le texte constitutionnel peut prévoir par exemple le principe même d'un scrutin obligatoirement mixte (ou encore plus vaguement "permettant à la fois de dégager une majorité et de représenter la diversité des sensibilités politiques" puisque c'est bien cela le principe), les proportions et le nombre total d'élus restant fixés par la loi dans la limite des 577.
Au passage, un scrutin mixte serait une vraie révolution puisque cela ne s'est jamais fait: il y a eu le scrutin majoritaire le plus clair du temps et de la proportionnelle départementale sous la IVe République et en 1986.
La remarque de J-C. Lagarde sur la trop petite dose me semble pertinente: une dose trop faible donnerait une impression d'artificialité qui éloignerait en réalité les Français de la chose publique alors que la représentation des minorités a vocation à les en rapprocher.
Castaner ce matin sur FranceInfo disait que le référendum avait déjà eu lieu en un sens puisque c'était au programme de Macron. Et que le référendum était possible pour le cas d'un blocage.
Par ailleurs, D. Abad (LR) aurait indiqué que le référendum "n'est plus une menace", "ne (leur) fait pas peur" et même que LR préfèrerait y aller.
Ceux qui ont à y perdre dans ce changement, en termes de poids dans l'Assemblée par voix (pour ne pas compter l'effet de la réduction elle-même: 2 députés sur 400 ou 3 sur 600, on peut considérer que c'est pareil) sont les électeurs des formations localement majoritaires (ou potentiellement majoritaires quand le vent tourne) et sur-représentés: circo petite ou/et qui vote peu (les électeurs civiques acquérant alors un poids plus élevé).
Les partis ayant à y perdre sont ceux qui ont des "fiefs" assez localisés mais font plutôt peu de voix nationalement, au-dessous probablement du seuil de 5%.
Ce seraient: le PCF notamment, qui correspond totalement. Diluer certaines circos PCF s'apparenterait en un sens à du gerrymandering (ça s'est fait aux départementales avec les fameux cantons doubles, p.ex. celui de Saint-Pierre-des-Corps près de Tours)
Le PS dans ses mauvais jours, en lui élargissant ses circos indéboulonnables à des zones moins gagnées. A certains niveaux de score par contre, il y aurait gagné du fait que les voix de ses électeurs vivant dans les fiefs de droite (ex. la Côte d'Azur) ne seraient plus perdues mais compteraient à la proportionnelle.
Les régionalistes (de Corse et d'outre-mer, qui actuellement arrivent à gagner des circos) qui perdraient probablement sur la dose de proportionnelle, à moins de faire une liste unie du type Régions et Peuples Solidaires + un parti national (EELV et/ou Nouvelle Donne typiquement). Le redécoupage des circos serait défavorable si les ratios de population bougent trop (ex. si la Polynésie Française passait de 3 à 1 circo et pas 3 à 2) ou s'il y a création de circos inter-archipels (ce ne serait pas très logique: ces départements sont même des régions, monodépartementales)
LR pourrait y perdre clairement sur la part proportionnelle.
Une grande question décidément pour le découpage des nouvelles circonscriptions sera de voir si on dépasse les limites des départements (et assimilés), notamment pour les moins peuplés qui n'ont déjà qu'un siège: la Lozère, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélémy et Saint-Martin, Wallis-et-Futuna,... Au passage, pour regrouper cette dernière avec la Nouvelle-Calédonie, mieux vaudrait attendre le référendum d'autodétermination de ladite Nouvelle-Calédonie...
(ajout:) Une autre bonne question est de voir qui découpe les circonscriptions et selon quels critères (maintien de circos purement rurales? formes étranges "en aile de papillon" ou autres convexités? découpage partisan avantageant le parti au pouvoir par exemple?)