de cevenol30 » Mar 16 Jan 2018 01:06
Le moment choisi pour le départ de Juppé est le même que pour Bussereau, celui de la prise des cartes 2018. On peut même dire que Juppé profite du sillage dans le Rubicon laissé par le précédent afin peut-être que sa démarche semble plus naturelle. Là aussi d'ailleurs, comme en un écho sinon concerté du moins réfléchi de façon convergente, c'est une "mise en congé" en attente d'un positionnement pour les européennes, avec là davantage la nuance d'une possibilité de rejoindre LREM que celle de revenir à LR en cas de retour à la norme néo-giscardo-chiraquienne.
En tous cas, les adhérents "calanistes" même dans les fédérations où ils sont nombreux, comme celle justement de Gironde, se sentiront non pas seuls à hésiter mais au contraire encouragés par l'exemple à prendre le chemin de la sortie.
Au passage, que Juppé n'ait pas du tout payé sa cotisation 2017, même pas pour voter à la présidence, alors qu'il soutenait à titre personnel le candidat de Calan, qu'il organisait ce vote localement puisqu'il présidait une fédération... cela semble assez énorme. Il est vrai que les trésoriers peuvent laisser le bénéfice du doute jusqu'à la fin de l'année mais quand l'adhérent (a fortiori éminent) ne se régularise pas à l'occasion d'un vote en décembre, il y a tout de même déjà là un problème.
Je partage au moins sur le constat le développement de Fabien. Ceux qui partent sont sur une ligne européenne qui fait plus penser à celle de Simone Veil qu'à celle de Marie-France Garaud, si on remonte aux temps originels giscardiens (Giscard était en son temps un président jeune qui inaugurait une ère nouvelle...).
L'espace est en effet complètement saturé, avant tout saturé de nuances et de diversité, dans la zone entre Macron et Wauquiez. Au point qu'on en oublie souvent les composantes scissionnées ou éjectées de l'UDI, non seulement "les Centristes" de Morin mais aussi et encore plus l'Alliance Centriste fondée par J. Arthuis (celle-ci, même si elle a des parlementaires, n'est pas "visible" pour le grand public, c'est un parti qui a vocation à exister en confédération et pas seul et a donc intérêt à trouver un point de chute). Cette zone, suite au glissement macronien, devient en fait le nouveau centre... le nom de la formation de Morin est en ce sens visionnaire et non usurpé:
usurpé au sens de l'ancienne ligne de clivage droite-gauche désormais enfouie, puisque les vrais centristes à cheval sur la ligne c'était le Modem -et encore, pas tout le temps mais en 2008 aux municipales il était avec... tiens, Juppé à Bordeaux mais avec le PS ailleurs- et que Morin est le plus à droite des centristes...
mais visionnaire au sens de la nouvelle zone de fracture opérante, au point de rester allié avec un parti, LR, que quittent des gens censément un peu au-delà du centre-droit et donc... plus à droite que Morin.
Cette nouvelle ligne de fracture n'est pas si nouvelle d'ailleurs, même si longtemps la fracture droite/gauche (UDI/PRG...) était plus importante: c'est celle entre le MRP ou les radicaux d'une part et la droite assumée d'autre part, entre les lecteurs de La Croix et du Figaro et peut-être à un moment, plus ou moins, entre l'UDF et le RPR (même si ce n'est pas si vrai, entre rapatriés et autres droitiers à l'UDF ou inversement gaullistes de gauche...), ce qui ressort dans l'expression "néo-UDF" employée plus haut.
L'électorat âgé, sur lequel l'UMP/LR est concentré depuis parfois les régionales (aux régionales en Occitanie/LRMP c'était déjà net: à marée descendante, l'électorat âgé affleure nettement comme dernier socle) est en partie lié d'une part à l'héritage de la guerre mondiale (comme vers l'autre bout du spectre, d'ailleurs, le PCF dont l'électorat est plutôt âgé) et d'autre part à l'accumulation de déceptions du PS, notamment mitterrandien. C'est donc en partie générationnel, avec donc une vocation à l'extinction.
Il peut aussi y avoir une dimension liée vraiment à la période de la vie: on vote(rait) LR pour défendre le pouvoir d'achat de sa retraite.
Même cet électorat âgé, cependant, a tout un versant plutôt de centre-droit que très à droite, attaché aux réformes (d'autant qu'à part les hausses d'impôt, on est alors à l'abri de tout, notamment du durcissement des conditions de travail des plus jeunes) et plutôt pro-européen (la droite au pouvoir en 2005 était le camp le plus clairement favorable au traité constitutionnel européen...). En ce sens, il peut être sensible à des sirènes macroniennes ou macrono-compatibles et quitter un parti devenu infidèle à la ligne balladuro-juppéiste qu'il avait au moment où certains s'y sont ralliés. Notons que dans un sondage sur les européennes, LR avec sa ligne Wauquiez fait... 12%. Ce n'est certes pas dans un contexte favorable (expliquer la ligne européenne de la droite classique n'a jamais été simple...) mais quand même, cela dénote des pertes d'électorat.
Si je compare avec l'autre parti de gouvernement à large spectre, le PS: il a aussi connu des législatives vers 20% puis des européennes sous 15 en 1993-94 (passant vers ce moment-là des générations maintenant âgées à son adversaire). Certes, il y a ensuite eu une victoire (1997) donc il peut y avoir de l'espoir. Mais par la suite: des européennes (2014) encore sous 15% et maintenant ce parti surnage entre 5 et 10... Sur le fond, je dirais que son problème sous Hollande est d'avoir tranché une ligne, sur son aile droite, au lieu de rester divers donc attrape-tout. Certes, ce n'est qu'un point de vue.
Mais tout de même, j'y verrais des parallèles avec LR: une série 2017 (et potentiellement 2019) pas bonne du tout, une ligne qui s'enferme dans un angle... je conçois en tous cas que ceux qui ne se sentent plus à l'aise idéologiquement dedans s'en aillent d'un parti qui pourrait ne plus être la machine à garantir des places qu'il a été...