Fabien a écrit:ligerien a écrit:Prendre le parti maintenant, bonne ou mauvaise idée ?
Macron mord à droite, les constructifs entre-deux, les élections intermédiaires ne seront pas faciles pour la droite, qui a des positions à tenir, surtout les grandes villes conquises récemment.
La prise du parti est à double-tranchant, bonnes élections intermédiaires oui, mais si elles sont mauvaises, il aura la tête du responsable-coupable.
Avant de se voir président, les républicains, un peu moins que le PS, auront aussi à s'assurer que la présidentielle 2022 ne soit pas une affaire à 3 : Macron / Insoumis / FN.
LREM, qui s'affirme de plus en plus comme un centre-droit libéral, a vocation à glisser sur le créneau de feu l'UDF. De l'autre côté, le FN, même affaibli de façon plus ou moins conjoncturelle, ne disparaitra certainement pas. Cela laisse à LR l'espace d'un RPR ancienne manière, celui qui existait avant que les Juppé et autres Balladur n'en fassent une UDF bis. Un peu juste a priori pour se glisser au second tour, mais tout reste ouvert.
Cette année, pour schématiser, on avait le candidat des cadres (Macron), la candidate des classes populaires, notamment rurales (Le Pen), le candidat des personnes âgées (Fillon), et un candidat à l'électorat moins caractérisé sociologiquement, si ce n'est par sa jeunesse (Mélenchon).
S'agissant de l'électorat des cadres, on peut penser que les 20% qui restent à LR sont un noyau dur irréductible. Wauquiez ne semble pas pour autant se faire d'illusion sur ses chances de reconquérir ceux qui ont été gagnés par le macronisme. Manifestement, il ambitionne plutôt de mordre sur l'électorat populaire de droite dominé par le FN. Reste à savoir les chances de succès de l'opération, et la réaction de l'électorat senior à ce positionnement crypto-lepéniste... Wauquiez considère sans doute que les électeurs du troisième âge n'ont guère d'alternative et sont peu enclins à se laisser séduire par le macronisme. L'impact de la hausse de la CSG pour les retraités peut le conforter en ce sens. Est-ce que cela suffira?
Le portrait dans Médiapart d'Aurane Reihanian, qui devrait prochainement devenir président des Jeunes Républicains en cas d'élection de Wauquiez, confirme bien le positionnement crypto-lepeniste :
Aurane Reihanian a une idée bien précise de ce qu’attend la jeunesse de droite. « C’est une génération attentats, une génération qui veut qu’on défende les intérêts de la France, qui refuse les prières de rue, qui refuse la viande hallal dans les écoles », assure cet ancien étudiant en droit à Assas qui prépare un doctorat sur la rétention de sûreté – sous la direction du criminologue Alain Bauer. Ou comment changer la Constitution pour pouvoir légalement enfermer les fichés S, une proposition phare de Laurent Wauquiez.
Auprès de Wauquiez, il se fait le porte-parole d’une génération qui serait avant tout préoccupée, comme lui, par les questions identitaires. « Je pense comme Paul Valéry que les civilisations sont mortelles. Quand je vois qu’à Strasbourg on construit une mosquée avec deux minarets de 36 mètres de haut, je me dis que je ne veux pas que la France des clochers devienne la France des mosquées. C’est malheureux, mais quand on voit qu’en Seine-Saint-Denis, il y a plus de mosquées que d’églises, les jeunes ne se sentent plus en France », déplore ce proche collaborateur de Wauquiez. Avant d’asséner tranquillement : « La première génération de musulmans, ils ont bossé. Ils ne brûlaient pas des voitures comme leurs enfants. » Une phrase qu'Aurane Reihanian a, suite à la parution de notre article, contesté avoir prononcé telle quelle.
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Fils d’immigré arménien, il dit avoir été élevé « dans l’amour de la France » et compatit avec « ces jeunes de banlieue qui tournent mal parce qu’ils n’ont pas de racines ». Face à eux, toutes les institutions ont failli. « Pourquoi nous rabâcher constamment l’histoire de la colonisation dans les manuels scolaires alors que l’histoire glorieuse de notre pays est mise sous le tapis ? », s’insurge celui qui dénonce l’ « idéologie qui détruit la France : soixante-huitarde anti-prison, anti-police, égalitariste ». Pour autant, tient-il à préciser, il est « encore plus critique avec la droite qui, dans le meilleur des cas, s’est tue et, au pire, s’est soumise » en cédant, selon lui, à « un chantage au fascisme ».
Lorsqu’on lui demande pourquoi il ne s’est pas tourné vers un Front national qui porte de longue date ce discours, il répond sans ciller que « Marine Le Pen a un discours de gauche, c’est une soixante-huitarde ».
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Pour Benoît Dumoulin, actuel bras droit de Charles Beigbeder qui milite désormais pour faire sauter la digue entre LR et le FN au sein de l’Avant-Garde, voir Aurane Reihanian prendre du galon auprès de Laurent Wauquiez n’est pas un crève-cœur. « Au contraire, il défend nos idées au sein de cette structure que sont Les Républicains », avance-t-il. Le jeune collaborateur de Wauquiez explique lui que « Quand on veut faire ça, il faut le faire à l’intérieur du parti. Ceux qui ont pactisé avec le FN c’est fini », précise-t-il.
Garde-t-il des attaches à la droite de la droite ? L’émission Quotidien 3avait en tout cas remarqué que le bar où se déroulait la soirée de lancement des Jeunes avec Wauquiez à Paris – soirée qu’il organisait – était truffé de militants du FN. Une pure coïncidence, à les en croire.
Aurane Reihanian assure avoir fait le choix de porter ses idées très, très à droite au sein de LR, en se mettant dans le sillage de Laurent Wauquiez dont la campagne pour les régionales débutait alors en Auvergne Rhône-Alpes. Le jeune étudiant d’Assas, né à Paris où il a fait toute sa scolarité, décide de s’installer dans l’Ain, à Chalamont. « On n’ a aucune identité quand on est parisien. Les villes-monde je ne trouve pas ça intéressant », affirme-t-il.
Dans l'article, on ajoute que le courant est tout de suite passé entre Rehanian et Wauquiez. Certains doivent se demander : comment Wauquiez, pourtant issu du centrisme façon Jacques Barrot a t-il pu dériver à ce point ? Et comment LR, censé être issu du rassemblement des post-gaullistes, des libéraux et des centristes a pu se rapprocher à ce point du FN ? Selon moi, il y a trois raisons :
1) le libéralisme économique, du fait de la crise, devient de moins en moins attractif électoralement. Les questions d'identité, de sécurité, de conservatisme social, qui ont toujours existé à droite, font office de programme. Ce n'est pas une exception française, comme le montre Trump pour les républicains aux USA ;
2) le PS, en se droitisant toujours plus, et en reprenant l'essentiel du programme économique de LR, lui a coupé l'herbe sous les pieds. LREM, qui se positionne au centre, continue le travail. D'où la radicalisation croissante de LR sur le conservatisme sociétal ;
3) la montée du FN. Pour la majorité des cadres de LR, les questions sociétales n'étaient qu'un simple argument de vente pour habiller un programme économique libéral. Pour le FN c'est son cœur de métier : en ce domaine, il est imbattable ! LR lui a facilité la tâche, en portant (notamment avec Sarko) ces questions sur le devant de la scène, en lui donnant un label d'arguments sérieux : le FN rafle la mise, en jouant les "Monsieur Plus".
Et il y a toujours cet espoir insensé pour Wauquiez, qu'en reprenant les idées du FN, il récupérera "leurs" électeurs. Or, Sarkozy en son temps a déjà utilisé ce fusil, qui s'est avéré à un seul coup. En 2007, il a séduit ces électeurs pour qu'ils reviennent dans le giron de la droite modérée. Mais bien évidemment, une fois au gouvernement, il n'a guère pu réaliser ses promesses, qui de toutes manières étaient pour la plupart démagogiques, irréalisables ou non souhaitables. Ce qui a fait revenir ces électeurs aussitôt vers le FN, et en a détaché encore d'autres, puisque Sarkozy avait légitimé ces idées d'extrême-droite auprès de son propre électorat.
Wauquiez, lui, n'arrivera même pas à récupérer des électeurs FN. Le précédent Sarkozy est encore dans les têtes, malgré la crise de leadership et de ligne idéologique au FN. Par contre, comme on verra de moins en moins la différence entre le programme FN et celui de LR version Wauquiez, les gens préférant l'original à la copie, cela renforcera plutôt à terme le FN. Et ce qui faisait l'intérêt de l'UMP-LR, c'est qu'il était un grand parti, pouvant réunir 40% des électeurs aux législatives de 2007, et en séduire plus de 50% lors des 2° tours de la présidentielle, il pouvait donc regrouper des électeurs divers, des modérés libéraux à des conservateurs issus des classes populaires.
LR version Wauquiez ne représentera aucune valeur ajoutée, entre les électeurs modérés libéraux partant vers LREM (les sondages montrent que cet électorat soutient de plus en plus Macron, il est majoritaire dans ses soutiens), et les électeurs conservateurs des classes populaires attirés par le FN. D'autant plus attirés, que le FN, laissant tomber la ligne Philippot, va revenir au soutien du libéralisme économique, voire, à la manière d'Orban en Hongrie ou Kaczynski en Pologne, ne va plus remettre clairement en question l'euro ou l'Europe, accepter le libre-échange, mais réclamer une fermeture des frontières aux migrants.