Nous l’avons déjà écrit à plusieurs reprises, la méthode suivie par le gouvernement pour sa consultation des organisations syndicales et patronales
pose fortement question. Chacune des huit organisations représentatives – trois patronales, cinq syndicales – rencontre pour des consultations d’un peu plus d’une heure le directeur de cabinet de Muriel Pénicaud, pour échanger à deux reprises sur chacun des trois thèmes définis : articulation des accords entre la branche et l’entreprise, simplification du dialogue social, sécurisation des relations de travail. Ils ne disposent d’aucun document pour comprendre précisément les intentions du gouvernement. Le premier round se termine ce vendredi. La prochaine séquence, qui durera 15 jours, devrait débuter après le prochain conseil des ministres et la dernière se dérouler au moment même où les parlementaires débattront.
Didier Porte, membre de la délégation FO, avoue son étonnement à la lecture du document dévoilé par Le Monde : « Tout ne correspond pas à ce qui a été dit lors de nos rencontres. Maintenant, il est temps que nous ayons un texte, car il est difficile d’avoir une vision cohérente dans ces conditions. » Mais les syndicats se heurtent au refus de l’exécutif : la révélation du Monde s’est déroulée alors que la CGT était en pleine réunion avec le ministère. « Même dans ces conditions, le directeur de cabinet de la ministre n’a pas voulu nous communiquer le texte du projet de loi, prétextant qu’il ne faisait que lister les thématiques des ordonnances, raconte Fabrice Angeï, le négociateur du syndicat. Or, il apparaît que ce texte fait un peu plus que lister des thématiques ! On n’est pas sur une négociation, mais sur une pseudo-concertation, voire sur une opération de communication. »
Même son de cloche du côté du syndicat des cadres, la CFE-CGC : « Travailler sans aucun document devient difficile. Tout va arriver à la fin de nos discussions, souligne le négociateur Gilles Lecuelle. On a l’impression de courir un 110 mètres haies, avec beaucoup d’obstacles. » Malgré tout, les syndicats n’entendent pas pour le moment renoncer à ces rencontres : « Nous y apportons notre philosophie, pour éviter que la négociation au sein de l’entreprise concerne trop de champs. Nous avons des marges de manœuvres », assure le représentant FO. Son homologue de la CGT estime lui aussi que « les réunions [leur] permettent d’avoir une meilleure idée des intentions du gouvernement, sans que ce soit contradictoire avec la préparation d’une mobilisation la plus forte possible de [leur] côté ».
Pour le syndicat Solidaires, non représentatif et ne participant donc pas aux réunions officielles, la situation « ressemble fort à celle qui existe dans les entreprises », glisse le porte-parole Éric Beynel : « Les techniques de négociations se ressemblent, le culte du secret est très fort et, sur le fond, l’absence de transparence est totale… »
Même du côté du patronat, on tique un peu. Un représentant patronal reconnaît que « c’est très compliqué de travailler sans document ». Pour autant, il assure que le document publié par Le Monde « n’apporte rien de neuf » et qu’il « n’y a aucune surprise ». La CPME confirme : « Ce qui est paru dans Le Monde correspond à nos échanges. » Dans ce cas, cela signifie-t-il que le ministère en dit plus aux organisations patronales qu’aux organisations syndicales ? « Chaque interlocuteur peut aborder les sujet de son choix », rétorque le représentant. Au vu de ce que contient le projet de loi, les patrons ont mis bien des sujets sur la table…