Azertyuiop a écrit:On a des résultats quand même bien étranges pour une élection qui l'est tout autant. C'est particulièrement vrai pour la répartition géographique des votes de Jean-Luc Mélenchon qui ne fait pas de performance particulièrement notables dans les fiefs communistes. Moins de sa moyenne nationale dans le Cher (quand même...) et seulement 28% dans le fief de député PCF Sansu de Vierzon. En Seine-Maritime, le score n'est pas très élevé non plus par rapport à sa moyenne nationale : même à Dieppe, que 26%. On peut prendre tous les fiefs communistes, il n'est pas si haut, le meilleur symbole étant qu'il n'arrive pas en tête dans le Val-de-Marne, seul département contrôlé par le PCF. On sent que les réticences des communistes à le soutenir ont eu des effets. A côté de ça, on voit Mélenchon surperformer dans des endroits où on ne l'attendait pas : on a parlé des grandes centres urbains socialistes mais aussi dans des villes très à droite où il semble avoir pris des voix au FN et même à la droite ! J'ai du mal à imaginer comment ce score va se traduire aux législatives.
Côté MLP, on notera l'alignement de ses scores de l'Outre-Mer sur la métropole. Certaines performances étaient attendues : en Polynésie française même si là , je pensais qu'avec le nombre de soutiens qu'elle avait obtenu localement, elle aurait fait beaucoup mieux ainsi que Mayotte, confronté à un problème migratoire qui va crescendo, mais là , au contraire, je ne m'attendais pas à ce que ça aille jusque là . Les scores supérieurs à sa moyenne nationale à la Réunion et en Guyane sont aussi à souligner. La fracture du vote FN entre les grandes villes où il se marginalise et les campagnes se poursuit. Je ne croyais pas que la descente aux enfers du FN au milieu urbain pouvait se poursuivre mais visiblement, le déterminisme sociologique est extrêmement puissant. le vote FN semble donc être amené à se renforcer là où il est déjà fort et à disparaître purement et simplement là où il était déjà faiblard. D'un côté, ce n'est pas une trop mauvaise chose pour lui dans le cadre d'un scrutin majoritaire par circonscription telles que les législatives ou même les départementales pour obtenir un nombre significatif d'élus. Mais s'il ambitionne de ne pas se contenter d'une représentation et d'arriver au pouvoir un jour, le poids des grandes villes est parti pour devenir rédhibitoire pour lui.
Cette élection présidentielle est la première sous la Vème République remportée par la gauche alors que celle-ci est au pouvoir, ce qui n'est pas une mince prouesse à la vue de la perception que les Français semblaient avoir du quinquennat finissant : reste à savoir si ça se traduira aux législatives. Jusqu'à présent, les législatives post-présidentielle ont toujours confirmé le résultat de la présidentielle qui a précédé mais celle-ci était trop spéciale pour anticiper quoique ce soit, d'autant que les confirmations ont déjà été en demi-teinte par le passé (1988). Le premier tour en lui-même me rappelle un peu, en terme d'équilibres politiques, celui de 1969 : Mélenchon n'est pas très loin du score de Duclos, Hamon proche de celui de Defferre (et de la somme Defferre+Rocard aussi), Macron de celui de Poher (même si Macron est de centre-gauche et Poher de centre-droit). Quant au total (certes hétéroclite, je l'avoue) Fillon+Le Pen+NDA, il n'est pas très éloigné du score de Pompidou... Bien entendu, même à l'aune de ces comparaisons le score de second second tour de cette année ne ressemblera en rien à celui de 1969, où alors, ce serait le centriste qui ferait cette fois-ci un score à la Pompidou (je dirais quand même au-dessus) : je verrai plus tard pour le pronostic chiffré, le débat pourrait être instructif.
Quelques remarques:
Mélenchon fait tout de même 43% à Saint Denis, 41% à Aubervilliers, 44% à La Courneuve, 43% à Bobigny, près de 40% à Ivry, 47% à Gennevilliers, 36% à Saint Pierre des Corps, 36% à Saint Etienne-du-Rouvray, 32% à Saint Martin d'Hères, 29,5% à Martigues... qu'est cela aurait été s'il avait fait des "performances particulièrement notables dans les fiefs communistes"!
Par ailleurs, je vous rappelle que Macron lui-même ne se dit pas de gauche, pas même de centre-gauche et que rien dans son projet et son discours ne permet de le rattacher à cette tradition politique.
Nous sommes plutôt en présence, politiquement, d'un centre à prétentions d'indépendance vis à vis de la droite, comme Bayrou en 2007 et à la différence de la vieille tradition d'alliance exclusive "centre"-droite. Idélologiquement, une fois grattée le vernis marketing, nous trouvons un classique centre-droit libéral, mâtiné de blairisme et schröderisme. Et que des gens, qui, il y a peu, se disaient "socialistes" ou "sociaux démocrates" se soient mis en marche ne change rien à l'affaire.
Déjà , à l'époque de la scission du Parti Radical, des gens jusqu'alors plutôt classés au centre-gauche étaient passées à droite, qui était déjà leur vraie famille de pensée depuis longtemps.
Ce phénomène devrait logiquement se reproduire avec les "socialistes" ralliés à Macron. Le soit-disant "et droite-et gauche" n'est ^pas tenable à terme, la logique politique et celle des institutions le condamnent à moyen terme. La macronisme va inévitablement tomber du côté où il penche, quoi qu'on en dise: à droite. Quand on disait qu'Hollande, Valls et consorts, n'étaient pas de gauche, c'était un constat objectif et non une caricature à visée polémique. La suite va le montrer...
Même si la suite est assez difficile à imaginer, il est fort possible qu'on assiste après les législatives à une recomposition autour de trois grands pôles:
- la future majorité de Macron, (EM, droite du PS, Modem, UDI, une partie de LR), européiste, mondialiste, et libérale, qui ne se mouillera pas trop sur les questions de société (qui divisent la coalition esquissée), et devrait assez vite évoluer en une droite libérale classique
- une droite nationaliste et populaire regroupant le FN et l'autre partie de LR, eurosceptique, ultra-conservatrice sur les sujets de société, prudente concernant les questions économiques, sur lesquelles elle sera très partagée
- une gauche reconstituée d'une façon ou d'une autre, résolument hostile au néo-libéralisme à l'Europe de Bruxelles, écologiste et sociale