Origines étrangères et politique en France

[maxxx]

EDIT Vincent le 17/01/2011 à 19:42 -> Nouveau message créé à partir de réflexions nées d'un message concernant les cantonales dans la Loire-Atlantique.

Pour ouvrir une brève parenthèse, il est vrai que l'UMP adore (le PS aussi souvent mais moins) envoyer des candidats de la diversité dans des coins imprenables : on l'a vu lors des législatives avec Khalida Sellali à Lille-Sud, Fatiha Rahaoui à Denain, Jeannette Bougrab dans le 18ème, Kamel Hamza à la Courneuve...La liste peut encore être étoffée d'une dizaine de noms (avec de très rares exceptions : Salem Kacet à Roubaix-Croix (une circonscription dont le sortant était de centre droit - mais investiture dans des conditions rocambolesques et aucune implantation du candidat face à un maire PS tout puissant) et Nora Presiozi à Marseille (avec les bons scores de Sarkozy, la circonscription de Sylvie Andrieux était devenue plus tangente et loin d'être assurée d'entrée de jeu)).

Localement, la gauche affiche un tableau plus remarqué au niveau cantonal : elle possède quelques conseillers généraux, élus les plus durs à faire élire pour des candidats de la diversité : à Sarcelles, à Garges, Samia Jaber à Belfort...La liste doit contenir un peu plus d'une dizaine de nom : en face, je me creuse toujours la tête pour essayer de trouver spontanément un conseiller général (donc élu au SUD) issu de la diversité (d'ailleurs, le seul qui me vient à l'esprit ne l'est plus depuis 2004 et est décédé depuis : Ahmed Guénad, bref conseiller général de Garges avant Hussein Mokthari (donc le canton a réussi à enchainer deux élus de la diversité : un côté exemplaire)).

Pour éviter de charger trop la barque de l'UMP, on pourra quand même nuancer avec les élus régionaux : dans un contexte difficile où la droite était battue d'entrée de jeu dans la quasi-totalité des régions, les places étaient très chères et réduites en mars dernier : reste que des personnes comme Leila Diri, Faten Hidri, Rama Yade, Linda Uzan, Hamida Rezeg, Sally Chadjaa, Nora Redmania-Preziosi, Teaki Cochard ont été élues (d'ailleurs, quasiment à chaque fois des femmes...)...

[vudeloin]

A ce stade de la réflexion, quelques éléments personnels sur le sujet.

Pour qu’on évite de me faire un mauvais procès, je n’aime pas le concept de diversité, au sens où il est en général entendu, puisqu’il s’agit de parler des origines de la population de notre pays.

Comme je crois savoir que, hormis pour les ressortissants de l’UE ( ce qui n’est pas très juste au regard des autres personnes de nationalité étrangère vivant dans notre pays ), il faut être Français(e) pour être élu(e), je ne vois personnellement que des Françaises et des Français derrière tous ces élus dits de la « diversité « .

Ce dont souffre au demeurant notre système politique, majoritairement adossé au scrutin majoritaire uninominal à deux tours, c’est d’un certain manque de brassage social autant qu’ethnique, si j’ose dire.

Maintenant, les faits.

Des candidatures casse gueule, dis tu, maxxx, quant aux candidats de la zarma diversité.
C’est sûr que l’UMP envoyant sur Liffré un patron d’origine maghrébine militant du MEDEF établit une sorte de record en la matière !

Mais plus sérieusement, il y a un certain nombre d’élus dont les origines sont pour le moins fort diverses.

Prenons la Seine Saint Denis : Abdel Sadi, Azzedine Taibi sont conseillers généraux de Bobigny et de Stains depuis déjà un certain temps, un temps où l’on ne faisait pas tout un plat de la discrimination positive.
Pour en rester à ce département, et au PCF, Eliane Assassi, sénatrice, ne renie nullement ses origines berbères, pas plus sans doute ( après tout, n’est ce pas ? ) que Marie George Buffet ne peut effacer ses origines polonaises…
Le PCF, aux régionales dans ce département, avait présenté il y a déjà plus de vingt ans Toufik Baalache, un sociologue.
Sans compter la candidature d’Hayat Dhalfa aux élections sur le secteur de Saint Ouen La Plaine Saint Denis…
Et François Asensi, comme son nom l’indique, est né en Espagne.

Sans parler de la sénatrice Verte de Paris, Alima Boumédiene Thiery

Je confesse moins connaître, dans l’immédiat ou de mémoire, de candidats chefs de file du PS dans ce secteur, nonobstant le cas de Harlem Désir, celui de Bariza Khiari au Sénat pour Paris ou celui de Samia Ghali depuis 2008 pour les Bouches du Rhône.

A droite, Kamel Hamza n’a pas été parachuté à la Courneuve.

Non, il y est né et y vit. Le seul problème, c’est qu’il a assez peu de chances de gagner dans un endroit pareil, avec les idées qu’il défend.

Ensuite, si tu le souhaites, maxxx, on peut décider que les fils et filles d’Italiens et de Polonais ne font pas partie de la luxuriance des origines des habitants de notre pays.

Mais, bon, un nom italien, quand tu veux te faire élire dans le Pays Haut en Lorraine, là où l’on coulait l’acier, ça peut servir et c’est très répandu.

Après, tu peux aussi avoir ceux de nos hommes politiques nés ailleurs !
Une sacrée liste !

Delanoe, Mélenchon, Bartolone, feu Philippe Seguin, sans parler de De Villepin, on continue ?

Et combien d’origines allemandes, belges, russes, yougoslaves et j’en passe ?

Quand tu penses que même la secrétaire perpétuelle de l’Académie Française, Hélène Carrère d’Encausse, n’est pas gauloise pur sucre, vu que son nom de famille, c’est Zourabichvili !

Il y a comme une forme de dédain et de mépris pour nos compatriotes issus de l’immigration que de les assimiler ainsi à une population « diverse «.

Dire à Ramayatoula Yade qu’il faut qu’elle se présente dans le Val d’Oise en gros parce que cela fait couleur locale !

Les habitants de Commeny ou de Bellefontaine, où l’on doit encore fantasmer sur Antinéa et l’immense Sahara, apprécieront !

On sait d’ailleurs ce qu’il advint au PS d’avoir présenté Ali Soumaré aux régionales.

A la vérité, personnellement, je ne fais pas de différence entre les candidats sur cet élément là.
Induire d’ailleurs qu’on pourrait grappiller des voix en mettant en avant des candidats issus de telle ou telle immigration montre la face cachée du discours séduisant sur la diversité : celle du communautarisme et du repli sur soi.

Ensuite, s’il n’y a pas beaucoup de place pour les candidats issus de l’immigration aux élections, c’est peut être parce qu’un système politique fondé sur le scrutin majoritaire tend à calquer les inégalités sociales et ne permettre qu’aux plus inscrits dans les réseaux de pouvoir de jouer un rôle.

Quand ce verrou aura sauté, outre ceux qui existent aussi dans la société, peut être pourra t on envisager autrement la question…
Qui peut d’ailleurs se placer en parfaite symétrie avec la question de la parité qui souffre des mêmes limites.

[maxxx]

Ohhh...Il va bien me falloir deux jours avant de te répondre ;) je sais que c'est un peu l'hôpital qui se fout de la charité, mais je n'ai pas vraiment le temps en ce moment...y en qui bossent ;)

[vudeloin]

Ah bon ?
( en même temps, là je suis encore au boulot où je fais tourner mes deux autres mains )

[Ambroize Croisat]

Je suis vudeloin dans son raisonnement mais je propose un autre terme:

la diversité territoriale, ou comment les origines territoriales d'un individu peuvent lui nuire dans son ascension politique.

En France la politique est trustée de gens habitant en ville, voire en centre-ville. Même aux élections cantonales, quand tu n'es pas du chef-lieu tu pars avec un handicap. De plus, nos modes d'élections font qu'il ne faut même pas habiter dans le XIXè à Paris ou dans le 7è à Lyon pour pouvoir postuler aux législatives qui concernant cette circonscription. Et les municipales? Vous croyez que DSK habitait vraiment à Sarcelles?

Et Bernadette Chirac elle habite vraiment en Corrèze?

A partir de là, les décideurs politiques tiennent compte de ça en prenant la situation pour un état de fait et ils tentent, non pas de renverser la machine, mais de maximiser leurs chances de gagner en anticipant les attentes des électeurs, sans véritablement les connaître (normal qu'ils les connaissent pas, ils habitent pas ensemble). Donc après vous avez des sections PS, UMP, Verts ou FN qui pensent qu'Untel pourrait être handicapé par sa couleur ou ses origines donc préfèrent miser sur quelqu'un d'autre.

Résultat: on empêche un citoyen de s'implanter localement via une campagne et un mandat sous prétexte qu'il n'est pas reconnu localement... A moins, effectivement, comme à La Courneuve, de bénéficier de gens du coin, ancré sur place. Mais encore faut-il leur laisser la place de s'affirmer à ces gens.

[HORATIO]

Des élus d’origine étrangères, il y en a beaucoup plus que l’on ne le croit.
Leurs succès, c’est justement que l’on ne se rend pas compte qu’ils sont d’origines étrangères à moins d’observer attentivement le nom patronymique et éventuellement la couleur de peau.

Si l’on doit parler « d’élus de la diversité », prendre des mesures d’embauche du genre de « la discrimination positive », il n’y a pas à aller plus loin, l’intégration est un échec.

Par contre, je suis très partisan d’une mesure « culturellement épousante » (en opposition à répressive) du genre de l’article 22 de la constitution belge qui encourage le plus possible à éviter de poser des questions aussi inutiles qu’indiscrètes (état civil, familial ou privé).
Cela n’existe pas cela en droit français.

En France et dès l’école, les deux premières questions auxquelles on doit répondre quand on est enfant sont : « quelle est ta nationalité ? Où es-tu né ? ».
Pourquoi vouloir savoir cela ? Ces questions n’ont absolument aucun intérêt mais sont systématiquement posées. C’est mécanique, dans la France du préjugé, on veut absolument savoir toute sorte d’informations stériles afin de pouvoir classer la personne dans une armoire ou la placer sur une étagère.

Pour ma part, étant né en RFA, il m’a fallu répondre pendant toute ma scolarité à la question : « Tu es né en Allemagne donc tu es allemand ».
Je ne savais pas trop comment répondre à l’époque.

Mon père, militaire de carrière et pilote de char était dans les forces françaises d’occupation de la RFA ; son père, de nationalité belge, rembarqua pour rejoindre la France libre du général de Gaulle. En 1940, ma famille habitait la ville de Dunkerque.

Il va de soi que cette notion récente de « droit du sol » m’apparaît complètement stupide.

A-t-on la nationalité de son pays de naissance ?

[vudeloin]

Le droit du sol, c'est réglé, c'est un acquis de notre législation...
Parce que bon, le droit du sang, au sens strict de la chose, c'est juste la légitimation de la " race ".
En Espagne franquiste, il y avait dans le temps un jour de fête qu'on appelait " El Dia de la Raza " où l'on se complaisait dans une hispanité arrogante qui, pourtant, une fois éteintes les lumières, se fondait en grande partie sur une forme d'arriération de régions entières du pays...
Et même si l'Aragon ne ressemblait aux " Hurdes " du film de Bunuel, il n'en était pas toujours très loin...
Le droit du sol donc c'est celui qui offre à toute personne née en France la possibilité, s'il le souhaite, de devenir Français et membre de la communauté nationale à cet égard.
Alors, ensuite, cela n'est pas sans contradiction et conséquences diverses, créant notamment des catégories assez artificielles dans la population d'origine étrangère ( on pense aux chibanis algériens nés Français avant l'indépendance de leur pays, dont les enfants sont nés en France, souvent devenus Français à leur majorité, et qui sont redevenus Algériens à partir du 19 mars 1962... Sans parler des ressortissants de l'ex Afrique Occidentale Française ou de l'ex Afrique Equatoriale Française nés avant les indépendances de leur pays et confrontés au même problème ), mais le fait demeure.
La France a une tradition de droit du sol qui prime sur le droit du sang ( ce n'est pas mauvais pour le métissage, souvent régénérateur des communautés nationales ) et elle a aussi une tradition du droit d'asile qui nous a permis d'avoir en qualité de Français nombre de ceux qui sont venus chez nous pour fuire l'oppression et les persécutions ainsi que leurs enfants...
Pour le coup, je rappellerai que la Constitution de l'An II, jamais mise en oeuvre mais partie de notre héritage constitutionnel, prévoyait expressément qu'avait la qualité de Français tout combattant de la liberté venu de son pays pour trouver asile en France, quelque soit son origine.
Ainsi son article 4 stipulait
Article 4. - Tout homme né et domicilié en France, âgé de vingt et un ans accomplis ; - Tout étranger âgé de vingt et un ans accomplis, qui, domicilié en France depuis une année - Y vit de son travail - Ou acquiert une propriété - Ou épouse une Française - Ou adopte un enfant - Ou nourrit un vieillard ; - Tout étranger enfin, qui sera jugé par le Corps législatif avoir bien mérité de l'humanité - Est admis à l'exercice des Droits de citoyen français.