Plus généralement, je pense que tous les sondages actuels sont bâtis sur du sable et le resteront au moins jusqu'à ce que l'effet primaire se soit totalement dissipé, que François Bayrou ait fait part de sa décision de se présenter ou non et que les programmes des candidats auront été présentés de faon relativement exhaustive. Mais d'autres inconnus subsistent : il y aura t-il un arrangement à gauche permettant moins de candidats que prévu ? Combien de petits candidats auront leurs signatures ? Nous ne somme déjà pas sûrs que les candidats testés par les sondages les auront que ce soit NDA, Jadot, Poutou, Arthaud ou Cheminade. A l'inverse, des candidats encore plus petits pourraient les obtenir. Et ils sont nombreux : Lassalle, Yade, Guaino, MAM, Asselineau, Faudot, Naudot, Marchandise... Beaucoup d'entre eux ont été testés dans un
sondage Ifop en juin 2016. Individuellement, ils faisaient vraiment de la figuration, mais à plusieurs, ils peuvent peser assez significativement, s'ils devaient être plusieurs à obtenir leurs signatures.
L'équipe de campagne d'Emmanuel Macron a annoncé que son programme serait présenté fin mars (pourquoi pas le 22 avril au soir tant qu'on y est ?) avant de se rectifier et de fixer l'échéance au début de ce même mois (c'est déjà plus crédible). Je trouve que c'est un peu limite de le faire juste avant la phase de cristallisation de l'opinion. A mon avis, même les cadres du mouvement En Marche ! se doutent que le succès actuel de Macron provient en grande partie de ce flou, d'où la volonté de l'entretenir.
Je suis plus particulièrement étonné de l'absence totale d'ébauche de proposition concernant la défense, la sécurité et la lutte contre le terrorisme outre que "c'est l'Europe qui doit gérer ça". Je ne vois pas du tout un candidat rester à plus de 20% d'intentions de vote dans le dur de la campagne s'il ne propose pas de mesures auxiliaires. Les dynamiques des sondages, c'est une chose. Celle de l'évolution de l'opinion publique sur le long terme, c'en est une autre et elle ne plaide clairement pas en faveur de Macron ; pourtant, c'est un enjeu crucial. Quand bien même il arriverait à convaincre du bien fondé de sa proposition et que cette proposition peut se suffire à elle-même, il se tromperait clairement d'élection. Ce ne serait pas à lui, petit chef d'Etat français, de prendre des décisions pour les 28 (27 bientôt ?) pays de l'UE. Il subirait un destin à la EELV, parti dont l'europhilie assure systématiquement des scores très significatifs aux européennes, mais qui le bloque aux élections nationales.
Il y a aussi le cas Fillon dont la campagne me semble très inspirée par celle de Dominique Reynié aux dernières régionales. Techniquement, je ne pense pas que les affaires le pénaliseront. Ça se saurait si elles changeaient les élections, depuis le temps. Le Canard a toutefois promis de nouvelles salves pour demain, mais reste à savoir combien de munitions il reste. S'il y a des piqûres de rappel jusqu'au premier tour, et que la défense de Fillon est à chaque fois aussi efficace que celle qu'on a vue à l'oeuvre, il y aura quand même un effet, mais limité. En revanche, si les conseillers de Fillon trouvent de nouvelles idées aussi proches du caniveau que celle de programmer un meeting pendant la primaire du PS en vue de l'éclipser sans penser une seule seconde que l'effet inverse est infiniment plus probable, je n'exclue pas un duel Macron-Le Pen ou Mélenchon-Le Pen pour le second tour.