de Corondar » Mer 1 Fév 2017 17:55
Concernant le muslimban, tout cela a été fait avec les pieds, aussi bien sur le fond que la forme :
1) sur le fond, la liste des pays retenus est en effet assez curieuse, puisque cela ne concerne aucun des pays dont sont originaires les membres des commandos du 11/09. Le but affiché de la manœuvre est soi disant de rendre l'Amérique plus sure : aucune attaque contre les USA des 17 dernières années (11/09, Boston, San Bernardino, Orlando...) n'aurait été empêchée par une telle loi puisque les auteurs venaient soit de pays différents, soit ils étaient Américains. On ne sait pas trop non plus pourquoi ce bannissement ne dure que 3 mois...
Comme beaucoup, il parait en tout cas difficile de ne pas remarquer que parmi les 7 pays concernés, aucun n'a la chance d'accueillir sur son sol des intérêts du groupe Trump ou des projets futurs. Et, évidemment, les pays les plus cités parmi ceux n'étant pas concernés (Arabie Saoudite, Egypte, Qatar...) ont tous, eux, des liens (déjà existants ou des projets en préparation) avec le groupe Trump. C'est commode... Toujours sur le fond, ce genre de texte renforce surtout la propagande anti-occidentale des islamistes à mon avis.
2) sur la forme, c'est certainement le plus ahurissant. A priori, tout cela a été fait en catimini, en utilisant des législateurs du Congrès (sans en informer les services du Speaker apparemment, ni ceux du ministère de la justice), peu habitués à rédiger des ordres de l'exécutif. Et ça se voit. Résultat, il y a de très fortes chances que tout cela soit anticonstitutionnel, aussi bien sur le fond (c'est trop ciblé, cela tomberait sous le coup d'une loi de 1965 interdisant au président d'instaurer des discriminations à l'entrée du territoire) que la forme, puisque la loi est rétroactive, créant des situations ubuesques. Ainsi, des étudiants installés aux Etats Unis ou des détenteurs de Green Cards issus de ces pays mais en voyage au moment de la signature du décret ne peuvent plus revenir aux Etats Unis, malgré qu'ils bénéficient de toutes les autorisations légales (alors que, les mêmes mais qui n'étaient pas en voyage au moment de la signature du décret et toujours sur le sol américain, restent légalement dans le pays et sont non expulsables...). De même, on se retrouve face à un vide juridique abyssale concernant les personnes qui étaient déjà en vol au moment de la signature du décret (cela a aussi occasionné de gros problèmes à des compagnies aériennes dont les employés navigants étaient originaires des pays en question).
Ce qui est très inquiétant par contre, c'est que de nombreuses cours judiciaires ont déjà suspendu le décret pour résoudre certains cas dans l'urgence, et que la Maison Blanche a fait savoir qu'elle appliquerait le décret, quelque soit l'avis du judiciaire. Trump n'est pas président depuis 15 jours, qu'il nous joue déjà un début d'affrontement entre l'exécutif et le judiciaire. La manœuvre sent incontestablement la signature de Bannon. Nommer un suprématiste blanc assumé, ouvertement antisémite et misogyne, conseiller spécial du président c'était déjà pas l'idée du siècle. Lui filer autant de pouvoir c'est encore pire.
Concernant la proposition de Gorsuch pour la Cour Suprême, vus les noms qui circulaient, on est sur un choix médian. C'est certes un conservateur pur jus, mais qui passe pour être adepte du débat d'idée et qui a un CV conséquent. Le favori de Sessions, Pryor, un ultra conservateur au CV moins solide, aurait fait figure d'épouvantail pour les démocrates.
L'attitude des démocrates face à ce nominé va être intéressante à regarder d'ailleurs. A moins que ses auditions ne fassent émerger quelques squelettes du passé, il est acquis que Gorsuch pourra compter sur les 52 sénateurs du GOP. Le chef de la minorité démocrate au Sénat, Schumer, a déjà laissé entendre qu'il ne voyait aucune objection à ce que les sénateurs démocrates élus dans des états rouges et renouvelant leurs sièges en 2018 (cela concerne notamment Manchin, sénateur de Virginie occidentale, et Heitkamp, sénatrice du Dakota du Nord) votent pour le candidat. Mais même avec l'appoint de ces voix démocrates cela ne garantit pas au candidat d'atteindre forcément les 60 voix le mettant à l'abri d'un filibuster, qui pourrait geler la nomination pendant 1 ou 2 ans (sauf si les républicains décident de changer la loi sur la nomination pour la SCOTUS, mais je doute qu'ils le fassent, ce serait à double tranchant : si les démocrates reviennent au pouvoir ils pourraient à leur tour faire valider leurs nominations à la SCOTUS par majorité simple, et l'éventuelle opposition républicaine du futur ne pourrait plus s'y opposer non plus). Il existe un débat chez les démocrates à l'heure actuelle : Gorsuch remplacerait un juge conservateur, Scalia, qui avait un profil très semblable au sien. En clair, ce remplacement ne changerait rien à l'équilibre partisan préexistant de la SCOTUS. Les démocrates envisageraient donc de laisser passer cette candidature, pour éventuellement conserver l'arme nucléaire du filibuster, si jamais un autre changement devait amener au remplacement d'un juge libéral sous la présidence Trump (sachant que 2 des juges libéraux de la SCOTUS sont très âgés).