Oooh la la, quelques précisions et commentaires sur ces élections.
Jean-Philippe a écrit:C'est probablement exagéré [...]
Pas vraiment. Beaucoup de candidat(e)s NPD étaient bel et bien des fantômes ou du moins des candidats sans aucune expérience politique. Dans le cas le plus effroyable, on notera la députée-élue de Berthier-Maskinongé, une barmaid anglophone unilingue élu dans une circonscription 99% francophone même si elle a été a Las Vegas durant l’entièreté de la campagne. On notera également le député-élu de Sherbrooke, âgé de 19 ans. Mais ce n'est pas la première fois qu'on voit cela: en 2007 au niveau provincial, le parti de droite ADQ a pu élire un quarantaine de députés, la vaste majorité des nouveaux sans aucune expérience (et quasiment tous battus en 2008). Ou plusieurs députés conservateurs québécois élus en 1984, sans aucune expérience.
vudeloin a écrit:Sur les trois autres sièges bloquistes, on a les marges suivantes : Ahuntsic : 708 voix ; Bécancour 1 209 voix ; Richmond Arthabaska 715 voix...
A préciser que des 4 sièges encore bloquistes, seulement aurait vraisemblablement pu être gagné dans un 'deuxième tour'. Dans Ahuntsic, Richmond-Arthabaska et en HG-LM-M-M la victoire bloquiste est souvent du a une candidature fédéraliste non-NPD anormalement fort. Sur Ahuntsic, siège marginal depuis 2004 et bloquiste depuis 2006, le vote non-BQ était divisée entre PLC (27.9%) et NPD (30.3%); les libéraux disposant d'une candidate vedette. De même en Haute-Gaspésie-La Mitis-Matane-Matapédia ou le BQ avait conservé son fief d'autrefois avec seulement 616 voix d'avance en 2008 devant la libérale Nancy Charest, ex-députée provinciale et candidate vedette. Même si Charest fait 10% de moins qu'en 2008, elle parvient a prendre 25.6% et une deuxième place devant le NPD (21.4%); une autre division du vote non-bloquiste. A noter aussi que le Bloc avait un nouveau candidat ici, remplacement pour un député sortant dont l'age et l'absence avait sans doute jouer en faveur du PLC en 2008. Finalement, sur Richmond-Arthabaska, siège bloquiste depuis 2004, outre un NPD a 32.5% on retrouve le conservateur Jean-Philippe Bachand maire d'Asbestos avec 24.7%. Donc un candidat du PCC avec une bonne implantation et des racines profondes: son frère André fut député conservateur de Richmond-Arthabaska entre 1997 et 2004 (il fut le seul député conservateur élu au Québec en 2000).
vudeloin a écrit:Sa progression est globalement générale, sauf dans le Manitoba ( perte de 2,8 points ), à Terre Neuve ( perte de 1,3 point ) et dans le Nunavut ( perte de 8,2 points ) mais cela ne porte pas forcément sur des effectifs importants d’électeurs, singulièrement dans le dernier cas…
En fait, sorti du pays des Inuit qu’est le territoire du Nunavut, la perte en pourcentage du NPD va de pair avec une hausse plus ou moins nette du nombre des votes atteint.
Au Manitoba (et également en Nouvelle-Ecosse avec une plus faible progression qu'ailleurs) on notera un gouvernement provincial NPD plutôt impopulaire. Le gouvernement du Manitoba est notamment en difficulté a quelques mois des élections provinciales dans la province d'Arthur Meighen.
Au Nunavut, un bon candidat en 2008 remplacé par un candidat plus faible en 2011 + une ministre-députée conservatrice très populaire avec une implantation quasiment partout.
A Terre-Neuve, la rechute du phénomène anti-Harper de 2008 qui avait bénéficié le PLC ainsi que le NPD. Même si le NPD parvient a rafler un deuxième siège dans la seule province anglophone a ne pas voter conservateur.
Les sept députés libéraux restants au Québec sont en effet soit élus sur le centre de Montréal, soit sur la partie Ouest de la ville, limitrophe de Laval.
Le Bloc dispose donc d’un député sur Montréal ( sur Ahuntsic ) et le NPD contrôle le reste de l’agglomération montréalaise ( 8 députés dans le centre, 7 sur la partie Nord de la ville, 9 sur la partie Sud )…
Le vote NPD a été capable de briser le vieux mur du boulevard Saint-Laurent qui divise (divisait?) Montréal entre le West Island anglo/allophone et l'est plus ou moins favorable au thèses nationalistes. Mais les sept libéraux restants restent soit dans l'Ouest avec Lac-Saint-Louis (on notera un vote NPD et conservateur élevé), Saint-Laurent-Cartierville (quartiers populaires et arabes), Mont-Royal (fief libéral de toujours, mais avec un vote conservateur très fort), Westmount-NDG (surprise de la soirée) mais aussi Papineau (avec le fils de Pierre Trudeau), Saint-Léonard (quartier italien et immigrant) et Bourassa (MTL Nord, quartier immigrant noir).
Québec ville, qui avait élu 6 députés conservateurs et 2 bloquistes en 2008, a élu cette année 3 conservateurs et 5 néodémocrates.
La ville de Québec est entièrement NPD avec 5 NPD. Les conservateurs se concentrent sur la rive sud de la ville et dans les Chaudières-Appalaches notamment la Beauce ultra-conservatrice.
En deux élections, le Parti sera donc passé de 40 à 73 élus dans la plus peuplée des provinces du pays et y aura pris la majorité des sièges aux Libéraux.
Les conservateurs gagnent plus de 430 000 voix dans cet Etat et devancent de plus d’un million de voix le second parti, le NPD qui a pourtant connu une hausse de son influence, lui aussi, avec près de 480 000 voix de plus.
C’est donc bel et bien les libéraux, en chute de 340 000 suffrages qui font les frais de l’affaire.
Quand on pense qu’en l’an 2000, les Libéraux disposaient de la majorité absolue dans l’Ontario et obtenaient 100 des 103 députés de l’Etat !
Il faudra sans doute regarder dans le détail les scores et les majorités des candidats conservateurs nouvellement élus mais la réalité est claire.
L'Ontario est la principale clé de cette élection. La percée du PCC dans les forteresses libérales du 416 (Toronto) et 905 (banlieue de Toronto) a été très forte. Sur Toronto, de 0 conservateurs sur 23 on se retrouve a 9/23 avec des gains a Etobicoke, Don Valley mais aussi dans les quartiers juifs (York Centre, Eglinton-Lawrence) ou immigrants asiatiques (Willowdale, Scarborough, Don Valley est). Le NPD passe de 2/23 a 8/23 avec des gains dans le centre de Toronto (York South-Weston, Parkdale-High Park, Davenport, Beaches-East York) et 2 sièges a Scarborough. A Mississauga/Brampton, d'un rapport de force 7 PLC/1 PCC on est a 8 PCC/0 PLC.
Ce sont les gains du parti conservateur avec les immigrants et les 'nouveaux canadiens' qui ont été déterminants dans le 416 et 905. Le vote chinois a vu une forte poussée conservatrice, du même que le vote sud-asiatique (Punjab, Pakistan, Inde). Il faut dire qu'une division du vote progressiste NPD-PLC a aussi aider plus qu'un peu...
La baisse en Nouvelle Ecosse (0,9 point) est la seule à ne pas être aussi nette.
On notera que les PL provincial est a égalité avec le gouvernement NPD provincial (au pouvoir depuis 2009), gouvernement qui est plutôt impopulaire. Dans les TNO, un candidat vedette (pas si vedette que ça vu son 18%...) avec l'ex premier ministre territorial Joe Handley.
Ignatieff fut le premier chef de l'opposition défait depuis R. Manion (Conservateur) en 1940 et le premier chef libéral défait depuis WL Mackenzie King en 1945.
Pourquoi la déroute du Bloc? Vraisemblablement une mauvaise campagne, trop axé sur le thème de la souveraineté du Québec même si l'option du OUI n'a que 30-40% d'appui. Une campagne du BQ plutôt fade et sans vrai message a part "voter bloc, c'est bloquer les conservateurs"... Un sentiment que le Bloc, parti dominant depuis 1993 sur la belle province, est inutile et n'apporte rien de neuf au Québec. Un NPD qui répond a l'orientation a gauche des québécois, un chef populaire et une campagne NPD qui incluait des appels de pieds au souverainistes-mous. Donc un réveil soudain et brutal pour un parti qui n'a jamais été puissant au Québec (souvent 1-6% des voix, au plus 14% en 1988). Reste a voir si il va y avoir un retournement aussi brutal... fort possible vu les vagues/tsunamis politiques de la province de Québec avec sa vague adéquiste en 2007, sa vague conservatrice en 1984 etc. Et très possible si le NPD ne se montre pas a la hauteur des espérances des électeurs - dont beaucoup votent PQ au provincial et donc sont des québécois 'pur laine'.
Pourquoi pas de bipartisme? Le FPTP favorise aussi les partis avec des fortes bases régionales: le Bloc avec le Québec, le NPD autrefois avec certaines provinces de l'Ouest, l'Alliance canadienne/RP avec l'Ouest etc. En plus, je note que meme si il n'y a pas de bipartisme national, dans beaucoup de circonscription on évolue toujours vers un système bipartite: des circonscriptions PCC/NPD dans l'Ouest, des luttes PCC/PLC en Ontario et dans les Maritimes, des luttes PLC/BQ a Montréal etc. En 2008, il y a eu que peu de chaudes luttes a trois (sans doute plus en 2011 avec l'irruption du NPD).
Quatre années de noirceur...