aurelien.plaisant a écrit:Je pense que le shutdown va être imputé aux démocrates par les électeurs américains comme il avait été imputé aux républicains en 2013 (peut être dans un réflexe légitimiste où les électeurs considèrent que la continuité de l'état prévaut sur le fait de s'opposer). D'ailleurs, les derniers sondages montrent une érosion de l'avance des démocrates pour les midterms... un des premiers effets de la réforme fiscale votée avant Noël ?
Traditionnellement, les
shutdowns sont imputés aux partis majoritaires au Congrès. Le problème c'est que le
shutdown actuel est tout sauf traditionnel : c'est la première fois depuis Carter (près de 40 ans donc...) qu'on a un
shutdown avec un même parti qui contrôle la Maison Blanche et les deux chambres du Congrès. Tous les
shutdowns depuis 1980 voyaient s'opposer un président d'un bord face à une assemblée du Congrès, ou les deux, d'un bord opposé.
Il est par contre évident que les démocrates ont pris un gros risque en jouant le
shutdown, mais ne pas le faire représentait d'autres risques. Si ils avaient voté une rallonge (temporaire, qui ne réglerait rien sur le fond), leur base (qui depuis un an leur offre de très bons résultats électoraux) les aurait blâmé pour leur passivité face aux provocations républicaines (rejet des projets bipartisans par Trump malgré sa promesse antérieure,
shitholegate, blocage de MacConnell qui malgré sa promesse n'a toujours pas inscrit le DACA à l'ordre du jour parlementaire...). Bâtir un projet bipartisan (indispensable pour faire voter un budget pérenne) nécessite une confiance mutuelle et des concessions partagées. Les démocrates ont joué carte sur table en indiquant ce qu'ils voulaient (la naturalisation des
dreamers) et ce qu'ils étaient prêts à faire (une hausse du budget de la protection des frontières et limitation partielle des naturalisations). En face les républicains n'ont offert aucune alternative : c'était soit le
shutdown soit la poursuite du statu-quo. Les démocrates ont fait le pari (car oui, c'en est un) qu'ils avaient plus d'intérêt à aller au clash. Ils ont surtout fait l'hypothèse que quatre semaines de rallonge budgétaire ne résoudrait rien : ils étaient persuadés que ni le caucus républicain du Congrès ni l'exécutif n'auraient fait de proposition supplémentaire pendant ces quatre semaines, avec le risque que les républicains (ou, plus grave encore, leur propre base) se disent que les démocrates bluffaient et n'oseraient pas aller jusqu'au
shutdown. Là c'est clair et les républicains vont bien être forcés de se prononcer à leur tour sur ce qu'ils veulent ou non.
Mais ce que je vous dis là est une analyse raisonnée à froid de la situation. Je doute que les états-majors politiques et l'opinion publique américaine en soient là . La politique américaine est une guerre désormais. Tous les coups sont permis et seule la défaite du camp adverse compte. Le reste n'est que littérature. Il est évident que les républicains et les démocrates jouent tous les deux un jeu dangereux avec ce
shutdown, un jeu plein d'arrières pensées et de stratégie à la petite semaine. Je note juste que Trump devait nous éblouir de ses talents incommensurables de négociateur hors pair pour "assécher le marais" washingtonien et remettre de l'ordre dans tout ça. Il semble que Trump soit plus un élément du blocage qu'une clef de sa résolution en l'état actuel des choses.
Concernant les sondages de vote générique sur les futurs
midterms, l'écart varie assez grandement depuis un an déjà : l'avance des démocrates tourne entre +6 et +12 selon les mois (on doit être à +7 ou +8 actuellement ?). Mais ces intentions de vote génériques ont de toute façon un intérêt limité : on aura 435 élections à la Chambre et 34 élections au Sénat (peut-être 35 ?). Les rapports de force locaux seront plus importants. Et les
shutdowns ont souvent des répercussions à court terme, rarement de longs termes (celui de 2013 n'a pas empêché les républicains de cartonner aux
midterms de 2014).
Si on doit chercher un début de frémissement suite au vote de la loi fiscale c'est plutôt du côté de la côte de confiance de Trump qu'il faut le chercher je pense. Trump a regrapillé 2 ou 3 points de moyenne depuis début décembre, grâce à des gains chez les républicains et les modérés (grâce à la loi fiscale et aux performances économiques essentiellement). Il tourne désormais à 39-40% de moyenne d'opinions positives, avec un solde de -15 environ. C'est toujours catastrophique pour un président élu depuis un an, mais c'est moins mauvais que ça ne l'a été. Ceci dit, je pense que la personnalité de Trump et son exercice du pouvoir feront certainement qu'il ne pourra pas ni descendre très bas (la base le suivra jusqu'au bout, et il fait tout pour) ni monter très haut (la base des anti est elle aussi difficilement réductible).