Les soirées électorales US se suivent et se ressemblent. Encore une fois, beaucoup parient sur un environnement supposément négatif pour les démocrates, et, encore une fois, ce sont les républicains qui finissent déconfits :
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sur l'élection spéciale dans le district 03 de New-YorkOn est sur la partie occidentale de Long Island, l'archétype même du district de banlieue : un comté du Queens à l'ouest (très urbain et très démocrate), et le comté de Nassau à l'est (beaucoup plus divers et péri-urbain, plus riche, et normalement plus favorable aux républicains). Jusqu'aux années 2000, Long Island était un bastion conservateur, au tournant du siècle, les démocrates se sont mis à gagner du terrain dans cette zone, mais depuis 2016 les républicains ont nettement progressé, notamment du côté de Nassau.
Le district avait été détenu par le représentant démocrate Suozzi (un centriste pur jus) de 2016 à 2022, date à laquelle il ne s'était pas représenté, pour tenter (sans succès) d'obtenir l'investiture démocrate sur le poste de gouverneur. Son retrait avait débouché sur la victoire de Santos, représentant déchu depuis. Les républicains avaient choisi pour affronter Suozzi une candidate très atypique : Pilip, une descendante d'immigrés éthiopiens, juive (elle a même servi au sein de l'armée israélienne), et enregistrée comme démocrate sur les listes électorales de New-York (mais membre du parti républicain). La candidate et les républicains de Nassau ont fait toute leur campagne sur un seul thème : l'immigration, en répétant en boucle que les démocrates étaient laxistes et livraient New-York aux hordes immigrées délinquantes. Suozzi a contré ce narratif en mettant en avant que ce sont les républicains qui avaient bloqué la loi anti-immigration du Sénat pour faire plaisir à Trump, pas les démocrates. Et visiblement, dans ce district de banlieue, le narratif des démocrates a porté. Si les républicains n'arrivent pas à marquer des points sur l'immigration dans ce genre d'endroit, c'est inquiétant pour eux. Je pense que l"anarchie du caucus républicain au Congrès n'aide guère non plus.
Autre élément à noter, le score des républicains a été amputé par une énorme tempête de neige le jour du vote, et comme l'électorat républicain continue à bouder le vote anticipé nettement plus que les démocrates, ça a eu un impact. Mais comme Trump continue à inciter sa base à suivre cette stratégie totalement stupide de bouder le vote anticipé (on a bien vu que le gouverneur républicain de Virginie avait tenté lors des élections de l'automne dernier dans son état d'inciter sa base à investir le vote anticipé, sans trop de succès, la bonne parole trumpiste étant tenace sur le sujet), les démocrates continuent à jouir d'un avantage énorme sur ce plan là .
Alors comme d'habitude, c'est là une élection spéciale avec une participation faible, mais depuis 2016 il se confirme que les démocrates surperforment désormais nettement sur les élections spéciales et intermédiaires, et cela est un gros changement par rapport à la période antérieure. Les 4 autres représentants républicains élus dans des districts new-yorkais ayant voté Biden en 2020 voient en tout cas ce résultat comme un signe négatif pour leur prospection de réélection en novembre (et comme il y a de fortes chances que les démocrates fassent voter une nouvelle carte plus favorable pour eux...).
Toujours est-il qu'il est difficile de ne pas constater que c'est assez inhabituel de voir le parti du président (surtout si il est supposément impopulaire) en place basculer ce genre de district face au parti d'opposition.
https://www.nbcnews.com/politics/2024-s ... se-resultshttps://www.nbcnews.com/politics/2024-e ... rcna1384662)
les républicains ont aussi réussi à paumer une élection spéciale dans un district de la chambre basse de Pennsylvanie. Les démocrates ont en effet conquis un siège ouvert faisant passer le rapport de force dans cette assemblée à 102 contre 100. C'est la sixième élection spéciale dans cette assemblée locale d'affilée que les républicains perdent. Là aussi, l'environnement politique de cet état semble confirmer qu'il est de plus en plus compliqué pour les républicains, Biden ou pas Biden. Là aussi, c'est plus que notable vu le contexte que les républicains n'aient pas réussi à récupérer la majorité dans la chambre basse de Pennsylvanie (certainement le plus important des swing states pour novembre ?) malgré une majorité démocrate très étroite.
https://www.nytimes.com/interactive/202 ... ecial.html3) les habitants de Renton, dans l'état de Washington ont voté par référendum une très forte hausse du salaire minimum. Encore une initiative référendaire remportée par les libéraux.
https://www.seattletimes.com/seattle-ne ... y-results/Bref, les républicains parlent beaucoup sondages et (im)popularité de Biden, mais si on fait le bilan électoral des 18 derniers mois, ils devraient peut-être sérieusement commencé à se poser quelques questions ?
Dans l'intervalle, le gain d'un siège à la Chambre fédérale par les démocrates complique encore plus l'équation pour le caucus républicain, dont toutes les actions continuent globalement à m'estomaquer.
Johnson a fait revoter l'impeachment de Mayorkas par 214 voix contre 213 avant l'élection de New-York parce qu'il savait qu'après il n'aurait plus les voix. Un impeachment qui n'est là que pour faire plaisir à la base mais qui n'apportera rien concrètement (dans l'article d'impeachment il n'y a aucun crime ou délit signalé). Cela confirme juste que si le Speaker galère déjà à impeacher un membre du Cabinet, il a certainement pas les voix pour impeacher Biden (Joe en tout cas, Hunter peut-être, mais comme lui n'est pas impeachable :) ). Et pendant que la Chambre perd son temps dans ce genre de théâtre politique vide de sens (à part pour la base républicaine), elle ne vote toujours pas les aides internationales, la loi contre l'immigration, le budget... Ce 118e Congrès est d'ores et déjà le Congrès le moins productif sur le plan législatif depuis la grande dépression des années 1920, et le dysfonctionnement du caucus républicain est total.
Concernant les aides internationales (votées massivement par le Sénat avec 70 voix), pour le moment Johnson dit qu'il ne le proposera pas au vote (alors que si il le faisait on aurait une majorité écrasante pour les ratifier), pour faire plaisir à Trump et à l'aile droite (qui semblent vouloir donner carte blanche à Poutine en Ukraine). Mais il y a un paquet d'os sur le chemin : beaucoup d'élus républicains sont pour ces aides (aussi parce que dans le lot il y aussi des aides à Israël), si les démocrates arrivent à trouver 216 voix ils peuvent forcer la main au Speaker pour imposer un vote, et que le Speaker tient un discours diamétralement opposé aux républicains du Sénat sur tout ça (pour le Speaker pas d'aides sans la loi immigration, pour les républicains du Sénat pas de loi immigration avec les aides). Rappelons quand même que la loi immigration en question a été coécrite par des républicains et des démocrates, qu'elle est la plus répressive des 20 dernières années (avec des financements étendus et des lois très coercitives), et que c'est la première fois depuis 15 ans que les démocrates sont prêts à la signer sans mettre sur le tapis la naturalisation des dreamers. Je reste ébahi par le fait que les républicains assument aussi publiquement de rejeter une loi de ce genre au seul motif avéré de faire plaisir à Trump en empêchant l'administration démocrate de lutter contre l'immigration clandestine. Encore une fois, je ne doute pas que la base républicaine se délecte de tout ça, mais l'électorat indépendant de banlieue j'ai un doute ?
https://www.politico.com/live-updates/2 ... p-00141296https://www.npr.org/2023/12/21/12210404 ... in-decadesEt j'ai beaucoup de mal à voir comment les républicains vont pouvoir vendre aux électeurs que le blocage de ce Congrès très improductif pourrait être de la faute des démocrates ? Si on compare avec le bilan législatif des démocrates sur la période 2020-2022 (où ils disposaient pourtant d'un trifecta très court au Congrès), l'écart est saisissant. Et je pense que le pire est à venir : début mars on remet une pièce dans le juke-box du budget. D'ici à ce que les républicains se remettent à jouer de nouveau avec le poste de Speaker (entre le pataques sur l'immigration, les aides internationales et le budget et une "majorité" qui s'est réduite encore, j'ai de plus en plus de facilités à imaginer que Johnson subisse le même sort que McCarthy ?).