Jean-Philippe a écrit:C'est un peu comme quand Robert Hue et Alain Madelin soutenaient tous les deux Macron en 2017, non ?
Au niveau du grand écart idéologique, l'analogie est bonne. Par contre, l'influence qu'a eue Dick Cheney jadis sur la droite US est sans commune mesure avec celle qu'a pu avoir Madelin sur la droite française à l'époque. De même, AOC est nettement plus marquante pour la gauche US que Hue pour son pendant français.
Quant à l'appel des Cheney à voter pour Kamala Harris, si les deux n'ont plus aucune fonction élective aujourd'hui, il n'en reste pas moins vrai que plus d'élus républicains (anciens ou actuels) livrent ce genre d'appels, plus les électeurs ayant voté pour Haley lors des primaires républicaines pourraient être tentés de les écouter et de les suivre. Et ces électeurs n'ont même pas forcément besoin de voter Harris : si ils s'abstiennent ou votent pour un petit candidat cela pourrait déjà être suffisant pour poser un gros souci à Trump.
Nouveau point d'étape avant le débat de cette nuit entre Harris et Trump.
1) au niveau financement des campagnes, cela continue à donner le tournis. En août, la campagne Trump a levé 130 millions de dollars de dons, chiffre assez colossal. La campagne Harris en a amassé dans le même temps... 361 millions de dollars !!! Chiffre tout bonnement incroyable dans le sens premier du terme. Honnêtement, je ne pensais pas qu'il soit possible pour une campagne, quelle qu'elle soit, de recevoir autant de dons en un mois. La campagne Harris nage désormais tellement dans un océan de cash que la candidate a décidé d'être généreuse, et a dérouté une partie des fonds de sa campagne vers le parti démocrate et les fonds de campagnes des candidats démocrates aux échelons du Congrès. Si Harris devait emporter la Maison Blanche, elle préférerait avoir un Congrès à majorité démocrate plutôt que républicaine. Ce qui est hallucinant d'ailleurs, c'est que malgré cet afflux de dons record pour la campagne Harris, le parti démocrate et les candidats démocrates au Congrès amassent eux aussi beaucoup plus d'argent que leurs pendants républicains. Du côté républicain, il semblerait que la campagne Trump aurait plutôt tendance à assécher les financements des autres composantes de la sphère républicaine.
Conséquence de tout ça : les démocrates sont en train de construire un très gros avantage dans les opérations de terrain qui se reflète dans les inscriptions électorales : on constate depuis juillet un afflux massif d'électeur jeunes et métissés sur les listes électorales.
https://thehill.com/homenews/4864751-ha ... ndraising/https://thehill.com/homenews/campaign/4 ... -vote-org/2) autre élément à noter, la campagne Harris a fait ce qu'aucune campagne démocrate n'a plus fait depuis celle d'Obama en 2008, elle a nommé un directeur en charge de la prospection électorale en zone rurale.
https://www.politico.com/news/2024/09/0 ... s-00177745Le but n'est évidemment pas de faire basculer des comtés ruraux, mais de mobiliser au maximum les électeurs démocrates dans ces comtés là, histoire d'y faire passer le rapport en faveur des républicains de 70/30 à 65/35. Tout différentiel en faveur des démocrates pouvant être bon à prendre dans les swing states ou dans les districts tangents constitués de comtés ruraux et urbains.
https://www.politico.com/news/2024/09/0 ... s-00177745Harris faisant ainsi campagne également dans la partie rurale de la Pennsylvanie, ce qu'on appelle parfois la
Pennsyltucky (la Pennsylvanie étant constitués de 2 grands îlots urbains démocrates, Philadelphie à l'est et Pittsburgh à l'ouest, avec un immense océan républicain entre les deux, qui ressemble plus à un état du Sud au niveau sociologie).
https://www.pennlive.com/news/2024/08/h ... nties.html3) Trump a finalement du trancher le nœud gordien concernant le référendum sur l'avortement en Floride. Alors qu'il tentait de rester neutre dans tout ça, la pression de son flanc droit devenait intenable. Le candidat républicain a du se résoudre, à son corps défendant probablement, à appeler à voter non à la constitutionnalisation du droit à l'avortement dans la constitution floridienne. La droite religieuse US est aux anges, le candidat doit lui désormais assumer une position très impopulaire chez les électrices et les électeurs indépendants.
https://www.bbc.com/news/articles/cy547v72nd4oEt donc, petit point sondages avant le débat, malgré que je sois de plus en plus convaincu que les sondages actuels ont perdu la boule et ne sont pas très cohérents :). En effet, tout cela est de plus en plus schizophrénique et contradictoire. Au niveau du vote populaire, Harris est désormais en tête. Sur l'agrégat de RealClearPolitics elle a environ 2 points d'avance dans le vote populaire sur Trump, sur FiveThirtyEight elle a environ 3 points d'avance.
https://www.realclearpolling.com/polls/ ... in-vs-westhttps://projects.fivethirtyeight.com/20 ... pular-voteOr, ce rapport de force là ne me semble guère matcher avec les sondages dans les états. A l'époque où c'était Biden le candidat, ce dernier obtenait des sondages très mauvais dans les états très bleus (New-York, Californie, Maryland...). Désormais, Harris obtient dans ces états là des sondages nettement plus raccord avec les précédents habituels. Dans ces états là je prédis déjà des scores catastrophiques pour Trump (mon voyage en Californie cet été m'a encore conforté dans ce sentiment : la haine envers Trump y est toujours très vivace, et c'était à l'époque où Biden étant encore candidat, avec Harris à mon avis ce sera pire pour le candidat républicain). A l'inverse, les sondages dans certains états normalement plutôt rouges (Ohio, Floride et Texas) présentent des rapports de force pas folichons pour Trump. En Ohio, il semble se diriger vers un rapport de force pas forcément plus large qu'en 2016 ou 2020 (R+8 ou R+10 maximum, ce qui laisserait de l'espoir pour le sénateur démocrate sortant Brown dans sa quête du
split ticket ?), en Floride on serait sur un R+5 (ce qui au regard du penchant désormais très pro républicain de l'état est pas transcendant), et au Texas on serait sur un R+5 aussi (ce qui là serait franchement mauvais). Bref, dans ces états là, le candidat républicain ne compenserait pas du tout le retard au vote populaire qu'il accumulera dans les états bleus. Et les swing states étant ce qu'ils sont, ils seront disputés.
Bref, à mon avis, les sondages sur le vote populaire sous-estiment sans doute pas mal l'écart entre les deux ? Mais je pense surtout que les sondeurs cette année pataugent méchamment dans la semoule pour anticiper plusieurs éléments : participation globale, mobilisation différentielle (poids des référendums sur l'avortement notamment auprès des femmes et des jeunes), évaluation d'un éventuel effet de votants Trump "timides"... Si on ajoute à ça le fait que le changement de candidat à la tête du ticket démocrate est à mon avis toujours en cours de maturation dans la tête de certains électeurs, on a là je pense un cocktail potentiellement élevé pour des sondages à prendre avec des pincettes.
Surtout, ce qui me saute toujours aux yeux ce sont les disparités effarantes entre sondages présidentiels (serrés dans les swing states) et sénatoriaux (largement en faveur des candidats démocrates, quasiment partout). Je ne prendrais qu'un seul exemple pour illustrer le problème : l'Arizona.
Agrégat pour la présidentielle : R+1.6 sur RCP, R+0.6 sur 538. Agrégat pour la sénatoriale : D+7.3 sur RCP, D+5.7 sur 538.
On a donc un delta de 8.9 points sur RCP, et de 6.3 sur 538. C'est colossal, et c'est tout bonnement impossible. En Arizona, la candidate républicaine Kari Lake est la candidate sénatoriale républicaine la plus pro Trump et la plus MAGA compatible de tout le pays. Je ne vois pas comment Trump pourrait être aussi compétitif dans cet état, et Lake aussi peu. J'ai beau être très imaginatif, je ne vois pas comment on pourrait avoir autant d"électeurs qui voteraient Trump à la présidentielle et Galego à la sénatoriale. Et on a ce genre de disparités dans quasiment tous les états. Soit les sondeurs surestiment Trump à la présidentielle (ou sous-estiment Harris), soit ils surestiment les candidats démocrates sur les sénatoriales (ou sous-estiment les candidats républicains). Mais l'élément à garder en tête, c'est que les sénateurs sortants ont aux USA un taux de réélection qui dépassent toujours les 90%.
Bref, je continue à prendre tous ces sondages avec d'immenses pincettes à l'heure actuelle. Pour l'heure ils présentent une élection ultra ouverte et serrée, 50/50 dans les swing states. Seule certitude : la nomination de Harris a largement élargi la carte électorale. Les swing states de la Sunbelt sont désormais autant en jeu que ceux des Grands Lacs.
A voir si le débat de la nuit aura un impact ou pas sur ces sondages. Personnellement je continue à voir le ticket démocrate légèrement favori (les casseroles de Trump et la question de l'avortement). Mais une victoire sur le fil de Trump serait loin d'être exclu.
Un autre élément qui me fait pencher là dessus : les courbes de popularité. La nomination de Kamala Harris à la tête du ticket démocrate lui a fait le plus grand bien : sa côte de popularité est passée sur 538 de -17 avant la nomination à -0.5 aujourd'hui.
https://projects.fivethirtyeight.com/po ... la-harris/Trump, après une légère amélioration post tentative d'assassinat, reste lui scotché à un solde aux environs de -10 globalement.
https://projects.fivethirtyeight.com/po ... ald-trump/