Marco35 a écrit:Corondar a écrit:Oui, mais les européennes restent un scrutin à part, qui bat toujours des records d'abstention massive, et qui en 35 ans d'existence n'a jamais structuré le paysage politique français.
Participation aux Européennes 2014 en Ile de France 43,21 %
Participation aux Régionales 2010 en Ile de France : 43,79 %
Première élection européennes : 1979
Première élection régionales : 1986
Je ne suis vraiment pas convaincu par l'argumentation.
Étant donné que mon post était un constat personnel, et non une argumentation, je pense que c'est normal que vous ne l'ayez pas trouvé plus convaincant que ça.
Allons-y pour l'argumentaire donc :
1) je pense que les européennes sont l'élection la moins investie par l'électeur. Ce dernier investit peu d'affect sur son député européen : c'est un échelon de pouvoir lointain, qui lui parait souvent obscur, et dont il a beaucoup de mal à voir l'action dans son quotidien. De cela découle deux attitudes moyennes : l'abstention massive (aux européennes elle est constante, et la pente est quasi exclusivement descendante, de 40 à 60% en gros entre 1979 et 2014, à comparer avec les régionales de 25 à 50% entre 1986 et 2010, et avec parfois des élections nettement plus mobilisatrices que la précédente, comme en 2004), et ce que j'appellerai le vote "plaisir".
2) le vote "plaisir" justement. En effet, lors des européennes, on assiste à des variations assez extrêmes d'un scrutin à l'autre (le cas des Verts par exemple, 7,4% en 2004, 16,3% en 2009 et 9% en 2014, pour le FN, 9,8% en 2004, 6,3 en 2009 et 24,9% en 2014), et l'on voit surtout une grande volatilité dans les enquêtes sondagières (beaucoup plus que pour les autres scrutins). Parce que l'électeur instrumentalise beaucoup plus ce scrutin là que les autres. Il se dit que son choix n'impactera pas vraiment son quotidien et la gestion de ce quotidien par les pouvoirs publics. Du coup, un sympathisant de gauche, de droite, centriste ou du FN (qui pour une présidentielle ou une législative aura plus tendance à suivre son inclination première "légitimiste") se dit qu'il peut ici faire un choix plus audacieux (pour prendre un exemple, je suis militant UMP depuis 2002, la seule fois où je n'ai pas voté pour un candidat de ma formation politique à une élection où je pouvais le faire, c'est à dire que j'avais un candidat UMP parmi les choix proposés, ce furent les européennes 2004 où j'ai voté pour les listes centristes de l'UDF, plus proches de ma fibre pro-européenne)
3) enfin, à chaque élection européenne, le bruit médiatique des commentateurs parle de choc, de recomposition du paysage politique... Et à chaque fois le résultat des européennes n'a pas été suivi d'effet.
En 1979 : ça y est c'est fait, la droite non gaulliste a enfin enterré la droite gaulliste. Giscard a réussi son pari. Le RPR va s'effondrer face à l'UDF. Et bien non, raté.
En 1984 : c'est sur, l'émergence du FN condamne la droite pour les prochaines législatives. Raté, en 1986, c'est la cohabitation.
En 1989 : c'est sur, l'écologie façon Waechter, c'est la force montante, l'avenir, une force apolitique. Encore raté : en France l'écologie sera de gauche, ou elle ne sera pas.
En 1994 : c'est sur, le PS est en voix de décomposition finale. La gauche n'y survivra pas. Raté : non seulement Jospin fait un score plus qu'honorable en 1995, mais il devient premier ministre dès 1997.
En 1999 : la droite française n'aura pas le choix, elle va devoir choisir une ligne anti européenne avec la percée Pasqua-Villiers, et c'est sur l'extrême droite ne se remettra jamais de la scission FN/MNR, elle vit ses dernières heures. Raté, et raté. La droite française est plus européenne que jamais, et le FN se porte mieux que jamais (et ce dès le 21 avril 2002).
En 2004 : annus horribilis pour la droite, vote sanction sur vote sanction. Le premier secrétaire du PS, François Hollande, auréolé de toutes ses victoires, va forcément être le candidat de son parti en 2007, qui ne sera qu'une promenade de santé pour la gauche face au chiraquisme finissant sans éclat. Raté, on aura Royal, et raté, elle perdra la présidentielle.
En 2009 : EELV va enterrer le PS on va voir ce qu'on va voir. Les verts vont conquérir plein de régions en 2010. Raté.
Pour en revenir aux régionales, même en cas de vague, on continue à voir des lignes de force. Malgré ses déroutes de 2004 et 2010, on voit dans le score de la droite ses zones de force (Est, Pays de la Loire, Sud Est). Si on regarde son score aux européennes de 2014, on constate un résultat très lissé sur l'ensemble du territoire. Parce qu'elle a connu une mobilisation relativement faible et homogène de son électorat. Le schéma des régionales ne peut se calquer sur le schéma des européennes.
Maintenant si la question est : le cru régional 2015 sera-t-il bon pour le FN ? Je réponds oui. Il sera même certainement excellent. Mais si la question est : ce cru reproduira-t-il les schémas du scrutin européen de 2014 ? Je réponds non.