SALVAT a écrit:merci beaucoup, PhB, pour toute cette matière qui va alimenter ma réflexion.
Une précision : la construction d'une ligne LGV n'enlève aucun "moyen" à la régénération du réseau existant.
Juridiquement fondé, mais macroéconomiquement faux, hélas, pour plusieurs raisons :
* RFF assume aujourd'hui la dette faramineuse des lignes TGV déjà construites, et ces frais financiers le (la ?) contraignent à se serrer la ceinture pour toutes ses actions
* pour "garantir" la "solvabilité" des lignes nouvelles, on exige des régions traversées qu'elles subventionnent très généreusement leur construction... cet argent n'ira pas ailleurs, donc pas dans l'entretien du réseau existant. Sans compter (c'est l'expression appropriée !) que ce système est scandaleusement injuste puisque les régions denses et prospères doivent moins payer que les régions rurales et en crise, puisque la demande de transport y est plus solvable... Ainsi les pauvres doivent payer pour accéder aux mêmes services que les riches !
* en ces périodes de disette budgétaire l'Etat et les collectivités territoriales regardent à 2 fois avant d'apporter de l'argent au réseau ferré, que ce soit pour sa régénération ou son extension. Bizarrement les routes restent "gratuites", en clair subventionnées à 100%, et aucune "dette" n'a été identifiée pour le coût de leur construction... Les montants accordés, respectivement, à l'entretien et à l'extension des réseaux routiers et ferroviaires (mais aussi fluviaux, aériens et maritimes...) résultent donc de choix politiques plus ou moins assumés par les décideurs concernés. Quand en plus on y introduit, par le biais européen, une idéologie libérale d'autofinancement qui ne s'applique pas à la route, et de "concurrence libre et non faussée" au sein de chaque mode de transport (encore que, quand on regarde le "modèle économique" des compagnies aériennes "low-cost" et high subsidies...) mais ni libre ni "non faussée" entre des modes différents, on constate les dégâts...
* en outre les constructions en PPP induisent des frais financiers beaucoup plus lourds qu'une gestion en direct, ne serait-ce que parce que les groupes privés empruntent à des taux nettement plus élevés que l'Etat ou même RFF, mais aussi pour d'autres raisons.
Un cas particulièrement édifiant à cet égard est
la ligne franco-espagnole Perpignan-Figueras : construite en temps et en heure (17/02/2009) en PPP, elle débouchait sur... un champ d'oliviers (ou peu s'en faut) puisque la ligne espagnole Figueras-Barcelonne n'était pas prête. La mise en service, très partielle avec terminus à Figueras, n'a pu se faire que 18 mois plus tard, et la pleine exploitation n'est pas encore lancée. Du coup l'Espagne, seule responsable du retard(*), a dû verser une indemnité de 108 M€ en plus de la subvention de
600 M€ et prolonger de 3 ans la durée de la concession, pour une infrastructure dont le coût était initialement estimé à 952 M€ (01/2003) et serait proche de 1,1 milliards in fine. Ainsi le concessionnaire a payé moins de 400 M€ (au lieu de 500, soit une réduction de 20%) une infrastructure de 1,1 Milliards qu'il exploitera pendant 53 ans. Les contribuables, qui assument presque les 2/3 du coût total, et les passagers participent généreusement à l'équilibre financier du projet. Une construction en direct par RFF :
- aurait pu être interrompue pour se caler avec les délais espagnols, histoire de ne pas avancer inutilement de l'argent
- n'aurait pas eu à assumer les taux d'intérêts bancaires correspondant aux premières années de fonctionnement à vide (et aurait eu des taux plus avantageux)
- n'aurait pas entrainé le versement de 108 M€ d'indemnités du public au privé.
SALVAT a écrit:RFF n'investit sur une LGV qu'à raison des revenus attendus par celle-ci qui constituent une enveloppe gagée, couverte par un emprunt dont les intérêts sont inclus dans le total. loi de Robien si je me souviens bien.
Pas de LGV, pas d'enveloppe, pas d'emprunt, pas un sou supplémentaire en poche.
C'est pourquoi la légende entretenue par des groupes et hélas par des partis politiques ( parfaitement hypocrites parce qu'ils savent) d'un reversement possible de sommes d'un chapitre (LGV)sur un autre (réseau historique existant) ne tient pas...non plus que l'inverse (pompage imaginaire ou imaginé des fonds dédiés au réseau traditionnel au profit des LGV) : pour être complet, cette règle n'a pas joué lors de la construction de la LN1 ni de Paris-lille mais depuis la séparation RFF/SNCF, RFF étant, chacun le sait, l'Etat qui se doit d'être rigoureux sur le plan de sa gestion financière ce que ne fut pas (et aujourd'hui ? ) la SNCF.
Bertrand SALVAT
Effectivement les comptes sont séparés entre la SNCF et RFF, mais c'est de la poudre aux yeux : il suffit, par exemple, de réviser discrètement la tarification de l'"accès au réseau" pour transférer des montants significatifs entre ces deux sociétés (et, certes, les concurrents de la SNCF).
(*) : la France avait pris ses précautions en achevant à temps les connexions entre cette ligne et le réseau RFF