«Avec cette étape, la liberté de la science continue de régresser», regrette l'actuel vice-chancelier et ministre des Sciences autrichien, Reinhold Mitterlehner. La liberté tout court, actuellement, au pays d'Erdogan.
Pullo a écrit:L'ancienne ministre Meral Aksener, qui a quitté le MHP, parti ultra-nationaliste, a lancé le 25 octobre son propre parti, le Iyi Parti ("Bon Parti" en turc) :
http://www.rfi.fr/europe/20171025-turqu ... er-erdogan
http://www.francetvinfo.fr/monde/turqui ... 38143.html
http://www.lepoint.fr/monde/la-dame-de- ... 283_24.php
Le nouveau parti rassemble des dissidents du MHP et même du CHP (centre-gauche kémaliste). Meral Aksener a été ministre de l'Intérieur dans le gouvernement (juin 1996-juin 1997) de Necmettin Erbakan, le père politique d'Erdogan. Est-ce suffisant pour menacer la domination des islamo-conservateurs de l'AKP à droite ? Depuis 2007, l'AKP n'a jamais été sous la barre des 40% des suffrages...
Au final, le système éducatif turc paye un lourd tribut à l’obsession des autorités pour la diffusion de la morale religieuse. En dépit d’une hausse quasi constante du budget du ministère de l’éducation nationale depuis une décennie (9,47 % du budget de l’État et 2,18 % du PIB en 2006, 13,88 % du budget et 3,46 % du PIB en 2016), la qualité de l’enseignement est en baisse. Au classement du Programme pour le suivi des acquis des élèves (PISA), un indice triennal créé en 2000 par l’Organisation de coopération et de développement économiques, la Turquie a connu un sérieux plongeon entre 2012 et 2015 : de la 43e à la 52e place (sur 70 pays) pour les sciences, de la 41e à la 50e place pour la lecture, de la 44e à la 49e place pour les maths.
Le tropisme religieux du gouvernement n’est bien sûr pas seul en cause. Des réformes erratiques, comme celle en cours de discussion sur l’examen d’entrée au lycée – la sixième en quinze ans sur ce thème –, ont causé leur lot de dégâts. Mais les controverses qu’il suscite masquent les autres enjeux et détournent de ces derniers les ressources et les énergies. « Notre système éducatif est confronté à d’énormes problèmes, en termes de qualité, d’égalité, mais personne n’en parle, regrette Batuhan Aydagül. Dans les débats du soir à la télé, on ne parle jamais du classement PISA de la Turquie, mais en permanence de laïcité, d’Atatürk et de la religion. »
La dégradation de l’enseignement public pousse naturellement les parents à chercher d’autres voies. Depuis l’arrivée au pouvoir de l’AKP, la part d’élèves scolarisés dans le privé est ainsi passée de 1,9 % en 2002/2003 à 7,6 % en 2016/2017, selon un rapport de l’ERG. Dans le même temps, la proportion d’écoles privées a explosé, de 2,8 % à 15,9 %. Selon Egitim-Sen, pas moins de 1 177 écoles privées ont ouvert en 2016/2017, un record. Et les jeunes rêvent d’un ailleurs. « Mes enfants me disent que le principal sujet de conversation des jeunes au lycée en ce moment, ce sont les possibilités d’aller étudier à l’étranger. Tout le monde veut partir », confie Ilknur Kaya, accusant le gouvernement de vouloir « niveler par le bas l’enseignement public ».
Erdogan et l’AKP parviendront-ils à leurs fins ? Leurs efforts conduiront-ils à l’éclosion d’une « jeunesse religieuse » ? Les militants d’Egitim-Sen et le corps enseignant se battront pour défendre une autre vision de la société, assure Feray Aytekin Aydogan. « Aucun professeur qui pense à l’avenir des enfants et du système éducatif n’appliquera les nouveaux programmes. Ils verront que ces programmes sont inapplicables », affirme la syndicaliste. Mais s’opposer à la volonté du gouvernement a un prix. Sous couvert de purges anti-gülenistes, plus de 1 500 membres d’Egitim-Sen ont été expulsés de la fonction publique et près de 1 200 autres mutés.
Reste à faire confiance à cette jeunesse de Turquie. Et à faire preuve d’un peu de philosophie. « Historiquement, la Turquie n’a jamais résolu ses conflits de manière démocratique au Parlement mais a toujours choisi l’éducation comme un moyen de faire progresser une idéologie par rapport à une autre, à travers la jeunesse, en essayant de contourner ainsi la recherche d’un consensus, théorise Batuhan Aydagül. Ce qui est sûr, c’est que ça ne marche pas. Si c’était le cas, il n’y aurait pas d’islamistes et ni de mouvement kurde en Turquie. Tout le monde serait laïc et patriote. »
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