de vudeloin » Sam 22 Oct 2011 15:17
Que ce soit complexe n'empêche cependant pas d'essayer d'éviter de tomber dans le travers du simple exposé des faits ou plutôt de dépêches contradictoires.
Au risque de me répéter, donc, quelques éléments.
Dans le mode de construction européenne actuel, tel que résultant du Traité de Lisbonne, avatar en vigueur du Traité de Rome ( le traité de Maastricht n'étant qu'une étape sur ce processus permanent de réécriture « monnetienne » des textes européens ), la Banque Centrale Européenne joue un rôle ...central.
Elle a recueilli des Etats membres de l'Euroland ( comme on dit) le pouvoir de contrôler et de procéder à l'émission monétaire.
C'est à dire que le droit de battre monnaie, symbole éminemment régalien du pouvoir politique, a été transférée à l'excellente institution domiciliée à Francfort sur le Main.
Et l'organisation européenne ainsi définie nécessite, de la part des Etats, de suivre un certain type de politique économique et budgétaire, résumée dans le fameux triptyque de la limitation des déficits au taux de 3 % du PIB, de la dette des Etats à 60 % des PIB et des taux d'intérêt de long terme.
Soyons clairs : depuis une bonne dizaine d'années, aucun des pays membres de l'Euroland, à part sans doute le Luxembourg, véritable plaque tournante du bordel ambiant sur les marchés financiers, ne s'est trouvé en situation de respecter durablement ces critères.
Et la surchauffe financière de 2008, marquée entre autres par la faillite de Lehman Brothers, la révélation du schéma de Ponzi mis en place par l'ahurissant Bernard Madoff et la dévaluation subite de la qualité des agences de notation, comme des valeurs cotées à Wall Street comme à Paris, s'est conclue par une fascinante crise de confiance des banquiers entre eux mêmes qui a motivé une vigoureuse mobilisation des Etats.
Tous les pays développés se sont largement endettés pour donner au secteur bancaire les moyens de fonctionner de nouveau à peu près normalement, c'est à dire d'une part refinancer les établissements aux prises avec des actifs appelés à une rapide dépréciation ( notamment ceux contenant des subprimes en direct ou en sous jacent), et permettre le refinancement même des activités bancaires puisque l'essentiel de l'activité de nos établissements de crédit consiste, tout simplement, à inscrire à son bilan des virements effectués par d'autres établissements en contrepartie de ceux opérés à leur intention.
Les choses sont donc revenues à la normale pour le secteur financier, puisque les banques et les compagnies d'assurance ont évité, de par l'intervention des Etats, et leur endettement, de se retrouver dans un schéma de blocage intégral des opérations de paiement qui aurait conduit à une sorte de faillite hallucinante de l'ensemble de l'économie mondiale, de proche en proche.
Seulement voilà , tout le monde aura remarqué que les Etats se sont endettés auprès des marchés financiers, c'est à dire de ceux là qui, d'un seul coup, s'étaient grippés pour tout ce qui concerne l'interbancaire.
C'est là où l'on voit qu'une dette publique est une nécessité puisque, sans cette dette, les banques se seraient probablement entredéchirées avant de de dissoudre, dans le chaos de l'absence de contrepartie.
Le seul problème, c'est que l'endettement des Etats a beaucoup augmenté et qu'ils n'ont pas tous les moyens de faire face à la situation.
Comme en plus, une fois que les milliards fournis par les Etats ont mis de l'huile dans les rouages de l'interbancaire, les mauvaises habitudes n'ont pas changé et les banques (et compagnies d'assurance) ont poursuivi leurs pratiques antérieures.
Celles fondées sur la recherche de sources de profit les plus rentables possibles, au premier rang desquelles pouvaient fort bien se trouver quelques dettes souveraines d'Etats fragilisés.
Je ne vais pas être trop vilain mais le fait est que les politiques d'austérité, de restriction des dépenses publiques n'ont pas trop arrangé l'affaire...
Pourquoi ?
Parce que, dans un contexte où les banques continuent d'utiliser leurs liquidités sur les segments de marché les plus spéculatifs, et donc négligent de participer au financement de l'économie productive, de l'investissement en moyens de production des entreprises, et j'en passe, si la puissance publique décide, elle aussi, de réduire ses dépenses et ses propres investissements, on aboutit très vite à un ralentissement de l'activité économique, cause de nouvelles difficultés.
Moins d'activité et de croissance, c'est, pour un Etat, moins de recettes fiscales et donc moins de moyens de faire face au service de la dette et aux nécessités de rechercher l'équilibre budgétaire.
Pour la Grèce, on arrive évidemment au fin du fin dans le délire absurde qui cumule à la fois ce détournement de l'activité bancaire vers les activités pour compte propre ( largement encouragées depuis 1984 et le recours de plus en plus massif à la levée de ressources sur les marchés à titre onéreux ) et austérité budgétaire sans résultats patents.
Aujourd'hui, les banques vont probablement être appelées à prendre leur part dans la résolution de la crise grecque, c'est à dire qu'il va leur falloir renoncer à une bonne part de ce qu'elle attendait du remboursement de la dette publique hellène.
Qu'on se comprenne bien, nos banques et compagnies d'assurance n'ont jamais été OBLIGEES de souscrire des titres de dette publique grecque, elles se sont, en réalité, senties obligées de le faire, au seul motif que le taux d'intérêt fort élevé accompagnant les bons du Trésor grec et les obligations de long terme ( je ne sais pas comment cela s'appelle en demotiki) était un bon moyen de valoriser l'utilisation de l'argent disponible.
Eventuellement, de réaliser une bonne « culbute « dans une opération de compte propre, mais surtout, de quoi majorer le rendement de quelques uns de leurs « véhicules « de placement, y compris et surtout ceux proposés à la clientèle des particuliers.
Pas de panique, si le rendement de votre assurance vie baisse un peu en 2011 ou 2012, ce sera juste que votre compagnie d'assurance aura « pris sa perte « ( comme dirait DSK) dans le règlement de la crise grecque.
Ceci dit, si le sinistre est ainsi résolu, il importe de rappeler que la part de la dette souveraine grecque dans la masse globale des dettes souveraines demeure assez réduite, de même que la part de la Grèce dans l'Euroland.
Quant aux dispositifs de mutualisation que l'Europe entend mettre en oeuvre, ils n'auront de sens, faut il le souligner à nouveau, que si la maîtrise publique joue quelque peu sur le secteur financier.
Outre la question clé du rôle de la BCE qui doit quitter le champ stupide et idéologique de la lutte contre l'inflation et la hausse des prix ( ce qui n'est pas la même chose ), celle de la maîtrise publique des banques et assurances est clairement posée.
Le désordre financier actuel ne marque t il pas, d'une certaine manière, le fait que nous soyons arrivés au bout d'un processus de dérégulation financière enclenché dès la décision de Richard Nixon, à l'août 1969, de faire payer la facture de la guerre du Vietnam aux autres pays du Monde, et marqué par la suspension des aides directes de la Banque de France à l'Etat, la loi bancaire de 1984 et la poursuite de la construction européenne, avec la fameuse indépendance de la BCE ?
La banque est sans doute une chose trop sérieuse pour la laisser aux banquiers !