La droite libérale en Pologne tient toutes les rênes du pouvoir et sera mise au défi de procéder à des réformes attendues, après la victoire dimanche de Bronislaw Komorowski à la présidentielle contre le conservateur Jaroslaw Kaczynski qui ambitionnait de remplacer son frère défunt.
M. Komorowski, fidèle allié du Premier ministre pro-européen Donald Tusk, a recueilli 53,01% des voix contre 46,99% pour le candidat du parti nationaliste eurosceptique Droit et Justice, selon des résultats définitifs publiés lundi après-midi.
Sa victoire met fin à une difficile cohabitation entre le gouvernement et la présidence, qui dispose en Pologne d'un pouvoir de veto législatif. Elle prive dans le même temps le parti libéral Plateforme civique d'une excuse pour retarder les réformes, notent les analystes.
"Le Premier ministre a perdu un alibi pour ne pas faire de réformes", commentait lundi le quotidien conservateur Rzeczpospolita.
Le président conservateur Lech Kaczynski a fait usage 18 fois du veto pendant son mandat entamé à l'automne 2005 et écourté par sa mort dans un accident d'avion en avril. De son côté, la majorité n'a eu de cesse d'évoquer un risque de blocage présidentiel de ses initiatives.
"Plateforme ! Tu as maintenant tout le pouvoir. Montre nous ce dont tu es capable, il te reste un an", lançait, sur un ton de défi, le tabloïde Fakt.
Devant le risque de contagion de la crise financière européenne à ce pays de 38 millions d'habitants, relativement épargné, le gouvernement va naviguer entre la nécessité de mesures budgétaires impopulaires et la perspective des municipales cet automne et des législatives un an plus tard, estiment les analystes.
"Sauf crise majeure extérieure, le gouvernement sera très prudent pour ne pas entamer ses chances aux élections, mais suffisamment rigoureux pour éviter les risques de crise financière en Pologne", souligne Witold Orlowski, économiste de PriceWaterhouseCoopers.
"Nous avons un déficit public qui est trop élevé et une dette qui n'est pas immense, de l'ordre de 50% du PIB", a-t-il précisé.
Le déficit des finances publiques a fortement augmenté l'année dernière atteignant 7,2% du produit intérieur brut (PIB) et la Commission européenne a enjoint le pays de le ramener sous la limite des 3% d'ici à 2012.
La Pologne, seul des 27 membres de l'Union européenne à avoir maintenu la croissance en 2009, "n'est pas en crise, mais la situation est dangereuse", a dit à l'AFP M. Orlowski.
"La Plateforme civique est entre le marteau et l'enclume, entre l'attente de réformes et les élections qui approchent. Il n'y aura pas de réformes cette année", a prédit Stanislaw Mocek, politologue de l'Académie polonaise des sciences.
Parmi les réformes impopulaires évoquées pour éviter un dérapage budgétaire figurent celle des retraites, celle du système de protection sociale des agriculteurs et celle du secteur de la santé.
La priorité est "un budget très économe et responsable", a affirmé lundi au quotidien Dziennik Gazeta Prawna le ministre des Finances Jan Rostowski : "le monde extérieur est très dangereux et la crise des finances publiques qui frappe de nombreux pays d'Europe menace aussi la Pologne".
Mais, note Stanislaw Mocek, "le gouvernement est dans une situation difficile, car Komorowski a fait quelques promesses pendant la campagne et le gouvernement devra les réaliser, alors que l'Etat doit faire des économies".
Berlin voyait lundi dans le choix de M. Komorowski "un signal pro-européen fort" dans une Pologne qui assumera dans un an la présidence de l'UE. Le chef de l'Etat français Nicolas Sarkozy s'est dit "persuadé" que cette élection permettrait au pays d'affirmer "encore son rôle en Europe".
http://www.francesoir.fr/presidentielle ... x-liberaux