Une analyse sur la fiscalité écologique:
https://aoc.media/analyse/2018/11/23/gi ... -limpasse/En gros, l'élasticité-prix de la demande de carburant est faible, du moins à court terme: quel que soit le prix, on en consomme autant. (Sachant toutefois que la renonciation à certains trajets non indispensables peut être faite depuis longtemps et que le parc automobile tient déjà compte de la nécessité d'une consommation raisonnable, à la différence des USA p.ex. Par contre, l'éloignement respectif des lieux de travail et de consommation d'une part, d'habitation de l'autre, s'est poursuivi depuis les chocs pétroliers, le coût des trajets étant souvent sous-estimé et le prix de l'immobilier, plus bas en périurbain lointain, tendant à le contrebalancer voire plus: il tend d'ailleurs à inciter à habiter loin des zones de création d'emploi). L'incitation à se diriger vers les véhicules les moins consommateurs semble une politique plus prometteuse.
(A cet égard, l'annonce d'un plan spécifique -même s'il reste à préciser, il s'agirait de suppléments d'aide en plus du crédit d'impôt et autres, tenant compte là de la mauvaise qualité du matériel enlevé en plus de celles pour la bonne qualité de ce qui est posé- pour l'abandon des chaudières au fioul individuelles complète utilement un trou dans le dispositif, jusqu'à présent réglé parfois par des rustines comme la prime à la cuve (dont le chèque-énergie est une extension valable pour plus de paiements). Le fioul, avec la nécessité de remplir sa cuve à coups de pleins de plusieurs centaines de litres à parfois plus d'un euro le litre et jamais moins de 60 centimes, est d'ailleurs bien plus terrible pour la trésorerie des ménages que les pleins de carburant. Il faudrait aussi, au passage, en finir avec le peu de chaudières et poëles à charbon restants)
L'aspect inégalitaire est aussi noté: les plus riches consomment en fait trois fois plus de trajets (bien que n'ayant pas autant à habiter loin pour trouver un logement à portée de leur bourse - l'article ne précise pas s'il s'agit seulement de trajets automobiles) que les plus pauvres (1er décile vs dernier) mais cette dépense pèse, malgré tout, moins dans leur budget (4% pour le décile le plus haut contre 7,5 pour les deux déciles les plus bas - là , l'auteur joue un peu: le décile le plus bas doit avoir moins de trajets, même si parfois un job précaire implique un long aller-retour pour travailler une heure ou deux).
Plus largement, ceux qui ont une sensibilité environnementale veulent plus de moyens sur la transition disons active, qui inclut notamment le changement des véhicules et logements (plus largement, fort peu de monde conteste les aides, à la rigueur le détail de leur ciblage et surtout leurs baisses, comme la suppression du crédit d'impôt sur les fenêtres):
https://www.francetvinfo.fr/economie/tr ... 47937.htmlUn point sur les barrages dans le Gard: on notera un nombre non négligeable de barrages bloquants, totalement ou seulement pour les poids lourds. Et il en manque encore: un barrage non-indiqué s'est dédoublé avec une opération escargot-klaxon en plus.
https://www.francebleu.fr/infos/economi ... 1543056776J'ajouterais que la manifestation parisienne était mentionnée sur les barrages mais la capitale est clairement trop loin à tous points de vue. La mobilisation ne va vraisemblablement s'arrêter après le jour de cette manifestation parisienne plutôt modeste - mais symbolique, avec des barricades ce qui historiquement n'est pas sans rappeler des choses. On aura ainsi compté 8000 manifestants à Paris mais 1619 actions (barrages, escargots ...) sur le territoire. Soit en moyenne 5 manifestants parisiens envoyés par une équipe locale, ce qui n'est pas rien mais est bien plus flou: certains manifestants ont dû participer à 2-3 actions différentes et les manifestants ont surtout dû venir des départements relativement proches (monter de loin, avec tous ces barrages! et le prix du carburant! est trop difficile).
https://www.francebleu.fr/infos/economi ... 1542969116Cela ne va probablement pas s'arrêter là : dimanche tous les habitués seront disponibles, lundi les commerçants (et les chômeurs et inactifs) seront encore là ... il peut y avoir des actions pendant un moment. Le froid et l'approche des fêtes et vacances de Noël, fatal aspirateur à mouvements sociaux, vont aussi jouer. Des actions policières pourraient par contre s'avérer contre-productives.
Socialement, le hiatus peut se développer entre les actifs occupés bloqués (plutôt salariés, un peu plus CSP+) et le noyau des bloqueurs formé d'indépendants et surtout d'inactifs et chômeurs ou précaires - inversement, quasiment aucun salarié ne peut utiliser son droit de grève pour les rejoindre sur son temps de travail faute de préavis me semble-t-il; plus de monde sur la place de grève sans préavis syndical qu'avec, cela pose question.
Politiquement, le hiatus entre l'Assemblée et la rue est important: le projet de budget incluant la vague suivante de hausse de taxes a été largement voté, comme si de rien n'était.
Les députés LREM semblent pédaler dans la semoule face à des revendications qui dépassent le prix du carburant voire le pouvoir d'achat. Le dialogue semble difficile avec le mouvement (or idéalement dans un schéma classique, chacun finit par rentrer chez soi en ayant le sentiment d'avoir eu gain de cause); le souhait profond de beaucoup étant probablement que les politiques classiques avec leur lot d'inconvénients s'en aillent et non qu'ils restent et lâchent quelques bricoles comme l'abandon provisoire de nouvelles taxes. Le député LREM du Gard cité (désolé pour l'apparence de tropisme local là mais c'est le seul dans l'article) indique qu'en parlant à quatre gilets jaunes, il a su que trois n'avaient pas voté en 2017: difficile à extrapoler précisément mais il semble clair (jaune clair ^^) que les dégoûtés de la politique participent.
https://www.francetvinfo.fr/economie/tr ... 43629.htmlOn a ainsi l'abandon provisoire de l'annonce de la vignette poids lourds (n'en déplaise à ceux qui villipendent S. Royal pour l'abandon de l'écotaxe, possiblement nécessaire mais difficile à faire passer):
https://www.francetvinfo.fr/economie/tr ... 47187.html Face à la suppression au moins partielle de la détaxation des carburants pour les professionnels, ceux-ci (chauffeurs de VTC, routiers, entreprises de BTP) tendent à se mobiliser davantage ou à menacer les élus, comme une députée LREM du Jura par la Capeb départementale (le national affirme que le texte est dû à la pression des gilets jaunes... il se peut que cela en majore l'ampleur au lieu de la diminuer)
https://www.francetvinfo.fr/economie/tr ... 48277.html .
Si je devais comparer les gilets jaunes à quelque chose de connu, ce serait au final les
piqueteros argentins du début des années 2000, la tendance politique correspondante étant avant tout le dégagisme. Mais là c'est plus désordonné. Pour répondre à la question du sujet, c'est une crise politique parce que les politiques en place sont mis en cause mais aussi parce que l'action politique et les corps intermédiaires sont chahutés aussi même sans être la cible.