vudeloin a écrit:Quant aux fondements de la dissolution, pour avoir connu cela d'assez près, je me demande encore pourquoi... Alors j'en suis à des conjectures diverses...
Chirac avait été élu en 1995 Président de la République en commençant par se débarrasser d'un Edouard Balladur qui s'y voyait déjà ... Un grand nombre des chefs de droite et du centre qui avaient soutenu cette candidature ont d'ailleurs été " tricards " un certain temps ( à commencer par Nicolas Sarkozy ). Problème : la situation des comptes publics n'était pas florissante et le Gouvernement Juppé avait commencé par mettre un coup de bambou fiscal à l'été 1995.
Hausse de la TVA de deux points, majoration exceptionnelle de l'impôt sur les sociétés et de l'impôt de solidarité sur la fortune ( eh oui ! à l'époque on avait peur de 5 % de déficit public et on augmentait le rendement de l'ISF ! )...Le tout avant le fameux plan Juppé sur les retraites qui avait mis dans la rue des manifestants en masses très compactes et conduit Canal Plus à inventer le Juppéthon !
Bref, à la suite de ce coup de massue fiscal, la situation des comptes publics s'est un peu améliorée et les perspectives s'annonçaient plutôt bonnes au printemps 1997.
L'idée de la dissolution, c'était alors histoire de tirer parti d'un climat amélioré et d'assurer sept ans de chiraquisme pur, avec la reconduction d'une majorité de députés de droite, quand bien même aurait elle un peu rétréci et n'aurait elle pu retrouver l'ampleur de 1993...
De plus, je subodore que, dans le plan, on aurait fini par mettre en oeuvre un report des législatives 2002 après la présidentielle, histoire, sur la base d'une réélection attendue, d'enfoncer le clou et de s'installer durablement au pouvoir.
Mais c'était sans compter sur l'impertinence de l'électorat, comme nous allons encore le voir dans les épisodes suivants...
Rappelons quand même que cette dissolution intervenait quelques mois seulement après le très important mouvement social de l’automne 1995 (tu en parles toi aussi) et après une série d’élections législatives partielles ayant eu lieu entre la fin de l’année 1995 et 1996 qui s'étaient révélées catastrophiques pour le pouvoir en place. C’est vrai que la conjoncture économique a commencé à s’améliorer en 1997 mais ça s’est surtout fait ressentir à partir du second semestre de cette même année et, du coup, c’est le gouvernement Jospin (premier et unique, à ce jour, gouvernement de cohabitation qui ait été de gauche) qui en a bénéficié lors des élections régionales et cantonales… de mars 1998. La dissolution de 1997 fut donc en effet un très mauvais calcul pour Chirac.
A l’opposé des autres dissolutions ayant eu lieu sous la Vème République et qui avaient toutes des motifs légitimes (adoption d’une motion de censure en 1962, grave crise sociale et politique en 1968, élection et réélection de Mitterrand en 1981 et en 1988 alors que la droite était majoritaire à l’Assemblée nationale), celle-ci est apparue comme une « dissolution de convenance » (un type de dissolution parfois pratiqué au Royaume-Uni), ce qui n’a pas vraiment été compris et surtout approuvé par les Français. L’échec qui s’en est suivi devrait, en tout cas et sans doute pour encore très longtemps, dissuader un autre président de la République de recourir à ce genre de dissolution. Il en va sans doute de même, et c’est un autre sujet, avec le recours au référendum suite au résultat de celui de mai 2005.
Outre les scores très importants du FN (sous l’ère « Jean-Marie » Le Pen et alors que la scission mégrétiste devait intervenir un an et demi plus tard, il connaissait là son apogée à des élections législatives) et le regain électoral certain du PCF (le premier et le seul vraiment significatif, à ce jour, depuis le début de son déclin en 1981, regain qui annonçait aussi sans doute les succès électoraux de l’extrême-gauche (LO et LCR) de la fin des années 90 et du début des années 2000, sachant qu’Arlette Laguiller avait déjà fait un score de 5,30 % des suffrages exprimés au premier tour de l’élection présidentielle de 1995), le fait marquant de ce scrutin fut sans doute l’extraordinaire retour de balancier de l’électorat. En effet, après la débâcle historique qu’elle avait connue aux élections législatives de 1993, qui aurait parié, à l’époque, que la gauche serait à nouveau majoritaire à l’Assemblée nationale à peine quatre ans plus tard ? Tout cela confirme en tout cas, qu’en politique, les choses peuvent évoluer extrêmement vite.
On peut aussi revenir sur la constitution du groupe RCV (Radical, Citoyen et Vert) dont l’existence, aux côtés des groupes socialiste et communiste, était emblématique d’une vraie pluralité de la gauche (la « gauche plurielle ») durant cette législature. Les Verts faisaient, pour la première fois de leur histoire, leur entrée à l’Assemblée nationale et le « chevènementisme » avait encore un vrai poids politique au sein de la gauche française, tandis que le PRS (Parti Radical-Socialiste) qui allait devenir le PRG quelques mois plus tard sortait tout juste des « années Bernard Tapie ».
Lors de ces élections législatives de 1997, sept membres du gouvernement Juppé étaient battus : Anne-Marie Couderc, Jacques Toubon et Corinne Lepage (qui n’était pas sortante mais qui tentait de reprendre le siège d’Alain Devaquet) à Paris, Alain Lamassoure dans les Pyrénées-Atlantiques, Jean-Jacques de Peretti en Dordogne, Pierre-André Périssol dans l’Allier et Eric Raoult en Seine-Saint-Denis. Par ailleurs, étaient notamment élus pour la première fois et pour certains d’entre eux, l’unique fois à ce jour : Martine Aubry, Eric Besson (à l’époque avec l’étiquette PS), Jean-Louis Bianco, Marie-George Buffet, Yves Cochet, Renaud Donnedieu de Vabres, Nicolas Dupont-Aignan, François Goulard, Elisabeth Guigou, Robert Hue, Anne-Marie Idrac, Marylise Lebranchu, Maurice Leroy, Noël Mamère, Arnaud Montebourg, Pierre Moscovici, Vincent Peillon, Catherine Tasca, André Vallini et Dominique Voynet. Enfin, après qu’ils aient perdu leur siège en 1993, on comptait, entre autres, parmi les revenants : Jean-Marie Bockel, Michel Crépeau, Michel Delebarre, Raymond Forni, Georges Frêche, Edmond Hervé, François Hollande, Lionel Jospin, André Lajoinie, Jean-Yves Le Drian, Louis Mermaz, Henri Nallet, Jean-Jack Queyranne, Yvette Roudy, Dominique Strauss-Kahn, Michel Vauzelle…