de vudeloin » Ven 29 Avr 2011 15:07
Comme une regrettable approximation m’a fait oublier quelques détails, rappel des faits sur les municipales parisiennes de 1977.
Lors de cette campagne électorale inédite sous la Cinquième République, attendu que c’était la première fois depuis longtemps que Paris élisait un maire au suffrage universel, choisi parmi les membres du Conseil de Paris, la droite s’était divisée en deux grandes listes, l’une menée par le RPR et Jacques Chirac nommée « Union pour Paris « , l’autre par le ministre giscardien Michel d’Ornano, appelée « Protection pour Paris «.
Une exception à cette règle : le 7e arrondissement où se présentait dès le premier tour une liste d’Union de la majorité, conduite par le député RI Edouard Frédéric Dupont, que l’on retrouvera, en 1986, élu avec le soutien du Front National et qui siégeait déjà depuis 1936 à l’Assemblée Nationale…
Les listes chiraquiennes avaient emporté avec elles l’essentiel des députés de droite de Paris, élus ou réélus en 1973, ainsi que la majorité des conseillers de Paris issus de la droite parlementaire.
Ainsi, les listes Chirac comportaient 15 députés dont 11 conseillers sortants, 20 conseillers sortants et 4 autres « notabilités « locales, notamment d’anciens maires d’arrondissement nommés par l’autorité préfectorale.
Parmi les têtes de liste Chirac, figuraient donc, entre autres, Pierre Charles Krieg ( 1er secteur ), Jean Tibéri ( 3e secteur ), Pierre Bas ( 4e secteur, soit 6e arrondissement ), Maurice Couve de Murville (6e secteur, 8e arrondissement ), Gabriel Kaspereit ( 7e secteur, 9e arrondissement ), Claude Gérard Marcus (8e secteur, 10e arrondissement), Charles Magaud (10e secteur, 12e arrondissement ), Christian de la Malène (12e secteur, 14e arrondissement ), Nicole de Hautecloque, veuve du maréchal Leclerc (13e secteur, 15e arrondissement), Joël Le Tac (16e secteur, 18e arrondissement ), tous parlementaires à l’époque, deviennent les têtes de liste de l’équipe Chirac.
On voit aussi apparaître Bernard Pons dans le 17e arrondissement, où la liste chiraquienne est menée par Bernard Lafay, qui est pourtant élu d’essence centriste et est depuis 1968 député rallié au gaullisme après avoir été Sénateur radical.
Les listes d’Ornano s’avèrent un peu plus pauvres sur le plan des parlementaires engagés : Georges Mesmin et Gilbert Gantier dans le 16e arrondissement, Jacques Dominati dans le 2e secteur ( 2e et 3e arrondissements ) où il affronte Nicole Chouraqui, candidate du RPR, Roger Chinaud dans le 18e arrondissement et, un peu de manière surprenante, Pierre Guillain de Bénouville, le député pourtant apparenté RPR du 12e arrondissement.
Même si, pour ceux qui connaissent un peu la vie de l’intéressé, ce positionnement pouvait ne pas tout à fait surprendre…
Sur le recrutement des candidats, les listes chiraquiennes sont assez nettement RPR ( 51 candidats sur 105 au départ, plus un RPR sur la liste Frédéric Dupont ), mais comprennent aussi 14 CDS ( parti pourtant membre de l’UDF ) et 10 candidats issus du CNI dont le patron de presse et sénateur Raymond Bourgine.
Les listes d’Ornano, pour leur part, ne comprennent que 8 candidats RPR ralliés, 27 membres des Républicains Indépendants ( le parti de Michel d’Ornano ), 23 candidats CDS, 11 radicaux et 36 divers droite.
2 autres RI sont présents sur la liste du 7e arrondissement, également riche d’un centriste du CDS.
Au premier tour, les listes Chirac mènent assez nettement l’affaire.
Si, sans surprise, la liste Frédéric Dupont est élue au premier tour avec un peu plus de 60,2 % des voix ( et près de 61 % dans le quartier de l’Ecole Militaire ), les listes Chirac se positionnent le plus souvent en tête de la droite, sauf dans le 2e secteur ( où Jacques Dominati l’emporte avec 33 % contre seulement 12,5 % pour la liste Chirac – Chouraqui ), dans le 10e secteur ( où Guillain de Bénouville l’emporte de peu avec 24,3 % contre 23,6 % pour la liste Magaud – Chirac ), dans le 14e secteur ( 16e arrondissement, où la liste d’Ornano emporte 36,2 % des voix contre 33,4 % à la liste Chirac ) et dans le 16e secteur ( 18e arrondissement, où la liste conduite par Roger Chinaud, le député du Montmartre chic, fait 27,6 % contre 17,6 % pour la liste Le Tac – Chirac ).
Les listes d’Ornano l’emportent également, lors de la primaire à droite, dans les deux arrondissements de gauche que sont le 19e et le 20e arrondissements, mais avec un pourcentage proche des 20 % et une droite ne disposant que du soutien minoritaire de moins de 40 % des suffrages.
Partout ailleurs, les listes Chirac l’emportent, parfois avec de gros écarts comme dans le 9e où la liste Kaspereit fait 38 % contre seulement 16,8 % pour la liste d’Ornano, dans le 8e où la différence est supérieure à 11 points ( l’arrondissement accordant 66,9 % à la droite ).
Les listes d’Ornano dépourvues du soutien de conseillers sortants ou de députés ( dans les 5e, 10e, 11e et 17e arrondissements ) sont battues à plate couture par les listes Chirac, une forme de record étant établie dans le 5e arrondissement où la liste Tibéri Chirac fait 37,7 % contre 14,1 % à la liste d’Ornano, talonnée dans cet arrondissement par la liste écologiste de Brice Lalonde ( 13,9 % ).
La confrontation entre les forces de droite prend parfois des détours proches de la zone d’influence de tel ou tel élu.
Ainsi, le quartier de Bel Air, lieu d’élection de Charles Magaud dans le 12e arrondissement ( cela correspond aux abords du Bois de Vincennes ) donne t il la majorité à la liste Chirac (27,6 % contre 23,1 % pour la liste d’Ornano ) mais celui de Bercy préfère la liste d’Ornano ( 19,9 % pour Magaud, 23 % pour Bénouville ).
On aura d’ailleurs relevé que, comme aujourd’hui, la droite est moins influente sur Bercy qu’elle ne l’est sur Bel Air.
Même observation dans le 18e arrondissement où la partie du quartier des Grandes Carrières ( la face Ouest de Montmartre ) favorable à Roger Chinaud lui donne 30,7 % ( 15,9 % pour la liste Le Tac ), tandis que la partie de Clignancourt ( notamment le secteur autour du Sacré Cœur et descendant sur les boulevards ) élisant Joël Le Tac votait en sa faveur à 23,2 % des voix ( 24,9 % pour la liste Chinaud – d’Ornano ).
Notons aussi que la droite était plus faible ( avec un peu moins de 40 % des voix ) sur les quartiers de la Chapelle et de la Goutte d’Or, élisant alors un député communiste, Louis Baillot.
Dans le 14e arrondissement, Christian Lunet de la Malène se porte en tête de la droite, emmenant la liste Chirac, avec 27,5 % des votes contre 20 % pour la liste d’Ornano.
L’écart se creuse dans le quartier Plaisance, dont il est le député, où il atteint en effet 30,2 % contre seulement 14,8 % pour une liste d’Ornano qui reste très proche du score de la liste Chirac dans les trois autres quartiers, permettant même à la droite d’être majoritaire sur Montparnasse et le Petit Montrouge.
Ceci dit, l’élément sans doute principal de ces municipales 1977, en tout cas pour la droite, c’est que, de manière générale, les listes d’Ornano tendent à incarner, du point de vue de leurs zones de forces, les bastions traditionnels de la droite parisienne ( arrondissements bourgeois de l’Ouest, quartiers centraux marqués par la présence de professions libérales et, de manière un peu surprenante mais en réalité liée aux engagements des uns et des autres, quartiers du 18e et du 12e où sont élus des parlementaires disons emblématiques de ces listes ).
Les listes d’Ornano sont, à bien y regarder, assez proches dans leur zone d’influence, de ce qui reste aujourd’hui à la droite parisienne, et encore, pas en totalité.
Le vote chiraquien de 1977, lui, mord assez largement dans des électorats moins favorisés que le vote giscardien et des quartiers mixtes ( notamment peuplés d’un certain nombre de commerçants et d’artisans ), voire des quartiers populaires de l’Est, ne sont pas loin de lui donner des scores intéressants.
Mais des scores qui s’inscrivent toutefois en retrait de ce qui fut observé durant les années 60, avec le renforcement du gaullisme.
Les faits sont liés : en juin 1968, où l’UDR obtient la quasi-totalité des députés parisiens, elle obtient 33,3 % des voix des Parisiens.
Les listes Chirac, aux municipales de 1977, se situent à 26,2 %.
Ce qui ne retire rien au fait que les listes Chirac sont, de manière générale, plus fortes que les listes d’Ornano à l’Est de Paris et qu’elles subissent donc moins les effets de la coupure entre les deux parties de la capitale.
Pour les forces de gauche, les données sont tout à fait différentes.
En 1977, le Parti Communiste qui compte plusieurs députés ( Gisèle Moreau dans le 13e, Jacques Chambaz dans le 11e, Daniel Dalbéra et Lucien Villa dans le 20e, Paul Laurent et Henri Fiszbin dans le 19e, Louis Baillot dans le 18e ), dispose d’une primauté à gauche et mène donc l’essentiel des listes de gauche, singulièrement dans les arrondissements où la gauche est sortante et majoritaire.
C’est ainsi le cas dans le 18e, le 19e ou le 20e arrondissements.
Les listes de gauche vont cependant être concurrencées par les listes écologistes ( comme quoi rien ne vient de rien ), qui vont en effet réaliser plus de 10 % des suffrages alors que les listes d’Union de la gauche devront se contenter de 32,1 % des suffrages au premier tour.
Si la gauche respecte le vieil équilibre entre l’Est de la capitale et l’Ouest, en marquant notamment son territoire à l’Est, les écologistes sont dans une situation assez originale, Nord Sud, en ce sens qu’ils sont en général plus forts sur la rive gauche et au Sud de Paris que dans la partie Nord et sur la rive droite.
Le second tour mènera la gauche à la victoire dans 6 secteurs : le 2e, le 9e, le 11e, le 16e, le 17e et le 18e secteurs ( 2e, 3e, 11e, 13e, 18e, 19e, 20e arrondissements ), notamment grâce au report des votes écologistes et la droite emportera les 11 onze secteurs en ballottage, mais avec des majorités parfois faibles.
Trois secteurs ont en effet donné de courtes majorités aux élus de droite : le 8e secteur ( 10e arrondissement avec 51,8 % ), le 10e secteur ( 12e arrondissement avec 51,8 % également ), le 12e secteur ( 14e arrondissement avec 50,9 %).
On notera que le basculement de ces arrondissements sera à la base de la victoire de la gauche en 2001.
En termes d’élus, la gauche obtiendra donc 40 mandats, la liste Frédéric Dupont les 4 du premier tour, les listes d’Ornano, devenues listes uniques de droite, les 6 élus du 12e et les 9 élus du 16e et les listes Chirac, le solde, c'est-à -dire un total de 50 élus.
Une comparaison peut fort utilement être produite entre les pourcentages de l’année 1977 et ceux des dernières municipales en 2008.
Si l’on décide de classer le score des listes de droite, en 1977, nous sommes en présence des données suivantes :
En tête le 7e, où la liste unique de la droite est élue avec 60,2 % au premier tour
2 – 16e avec 69,7 % et 100 % au second tour
3 – 8e avec 67 % et 97,75 % au second tour
4 – 17e avec 65,3 %
5 – 6e avec 63,8 %
6 - 9e avec 61,8 %
7 – 1er avec 60,7 %
8 - 15e avec 57,4 %
9 – 5e avec 56,4 %
La droite fait 54,5 % en moyenne au second tour
10 – 4e avec 52 %
11 – 12e avec 51,8 %
12 – 10e avec 51,8 %
13 – 14e avec 50,9 %
14 – 2e avec 50,8 %
15 – 11e avec 46,7 %
16 – 3e avec 46,6 %
17 – 18e avec 47,5 %
18 – 13e avec 43 %
19 – 20e avec 43 %
20 – 19e avec 42 %
Le classement du premier tour 2008 donne les résultats suivants ( scores cumulés des listes UMP Modem et divers droite, sans ajout des votes sur les listes FN )
1 – 16e avec 76,9 %
2 – 8e avec 75,5 %
3 – 7e avec 69,9 %
4 – 6e avec 56,8 %
5 – 15e avec 54,9 %
6 – 5e avec 54,2 %
7 – 17e avec 53,9 %
8 – 1er avec 51,8 %
Il s’agit là des huit arrondissements qui demeurent à droite majoritairement aujourd’hui.
On observera que ces huit arrondissements votaient à droite en 1977 de manière majoritaire, avec un score au-delà de la moyenne de la ville et que la seule exception concerne le 9e arrondissement.
9 – 12e avec 40,8 %
10 – 4e avec 39,5 %
11 – 14e avec 39,3 %
12 – 9e avec 38,8 %
13 – 2e avec 33,1 %
14 – 4e avec 30,4 %
15 – 3e avec 29,8 %
16 – 18e avec 29,8 %
17 – 19e avec 28,7 %
18 – 10e avec 28,7 %
19 – 11e avec 28,5 %
20e – 20e avec 23,8 %
On notera l’écart important entre l’arrondissement classé 8e pour l’influence ( le 1er arrondissement où la gauche est devant dans le plus peuplé des quartiers, celui des Halles, mais battu dans les trois autres quartiers plus bourgeois ) et le suivant ( le 12e arrondissement ) avec une différence de 11 points.
Cette distribution de l’influence de la droite ne semble, sur le court terme, ne lui laisser que peu de chances de reprendre la mairie de la capitale.
Observons aussi, pour la droite, une perte sensible d’influence dans certains arrondissements de l’hypercentre de Paris, avec notamment une perte de 16 points en 30 années dans le 9e,, de 19 points dans le 10e et de 13 points dans le 11e, en tout cas au premier tour.
Et a contrario, un renforcement relatif de la droite dans ses bastions du 8e ( gain de 8,5 points ) et du 16e ( gain de 7,2 points ).
Les pertes sont également fortes dans le 2e ( près de 17 points en 30 ans sur un arrondissement giscardien en 1977 ), comme sur le 18e ( plus de 15 points perdus ) et le 20e ( près de 14 points perdus au premier tour ).
De telles évolutions montrent la perte de soutien des listes de droite dans les couches moyennes et populaires qui avaient pu être tentées par le chiraquisme ( et qui culmineront en 83 et 89 avec le double grand chelem ), comme l’existence d’un électorat plus centriste, parfois susceptible de voter pour un candidat non gaulliste ou chiraquien ou d’être tenté par le vote écologiste.
Ainsi en est il du 5e arrondissement où la liste Modem dépasse les 14 %, du 7e ( où elle est proche des 16 % ) et du 14e, où Marielle de Sarnez frôle les 14 %.
Ces quartiers, notons le, avaient accordé un certain volume de suffrages aux listes Paris Ecologie en 1977.