de vudeloin » Mar 31 Mai 2011 18:43
Un détour donc par la sympathique et verdoyante région de Champagne Ardennes, qui a donné à François Mitterrand, le 10 mai 1981, la majorité des suffrages en lui accordant, ainsi que nous l’avons rectifié suite à quelques fines observations de lecteurs ( merci Sommar ! ), un peu plus de 51,5 % des votes, soit, grosso modo, son score national en métropole.
La région compte quatre départements, alors tous gérés par la droite : Ardennes ( même si je crois qu’à l’issue des cantonales de 1979, la gauche et la droite sont quasiment à égalité en nombre de sièges au conseil général à Charleville Mézières ), Aube, Marne et Haute Marne.
Avant guerre, comme nous avons eu l’occasion de le pointer, la région fut plutôt radicale socialiste, les élections de 1936 consacrant la suprématie du parti radical sur toutes les forces politiques de gauche comme de droite.
12 radicaux socialistes ( dont les trois élus de la Haute Marne, par exemple ) et 5 élus divers gauche dont un député PCF dans les Ardennes et deux SFIO font pendant à un seul député de droite.
Avec l’avènement du gaullisme, le personnel politique champardennais s’ancre largement à droite.
En 1958, la région compte trois députés issus du MRP, trois députés du groupe des indépendants et paysans et, surtout, six députés de la nouvelle UNR, le parti gaulliste dont l’inspirateur, faut il le préciser, est résident régulier en Haute Marne, du côté de Colombey, aux confins de ce département et de l’Aube voisine.
Plus près de nous, en 1973, la gauche a commencé de reprendre une certaine influence.
Le premier tour des législatives donne en effet la gauche majoritaire dans le département des Ardennes.
Le PCF obtient en effet 31 022 voix (23,3 % des suffrages), le PS, allié aux divers gauche 32 622 voix (24,5 % des voix) et l’extrême gauche 3 839 voix (2,9 % des voix).
A droite, les candidats gaullistes obtiennent 41 256 voix (31 % des votes), les autres candidats de droite 10 402 voix (7,8 %) et les candidats « réformateurs « ou centristes le solde, soit 14 089 voix (10,5 %).
Au second tour, la droite garde deux sièges sur Mézières et Sedan Vouziers et le PS confirme le siège de Charleville et de la vallée de la Meuse.
En voix, cependant, la gauche est devant avec 69 666 suffrages contre 66 865 voix pour les trois candidats de droite.
Dans l’Aube, on compte trois députés UDR sortants dont Robert Galley, ministre des Transports à l’époque et Paul Granet.
Le premier tour de 1973 conduit au vote de 131 110 Aubois et Auboises.
Le PCF réalise 25 133 voix (19,2 %) et place son candidat au second tour sur la circonscription de Troyes, Nogent sur Seine, Romilly sur Seine.
Le PS, qualifié dans les deux autres circonscriptions, obtient 32 159 voix (24,5 %) tandis que les divers candidats de gauche et d’extrême gauche réalisent 3 783 voix (2,9 %), plaçant donc la gauche auboise avec une influence de 46,6 % au total.
Les candidats UDR font 49 907 voix (38,1 %), laissant tout de même 9 154 voix (7 %) aux candidats du Mouvement Réformateur et 9 116 voix (7 % également ) à un candidat de centre droit, Pierre Micaux, dont nous reparlerons.
Au second tour, André Gravelle l’emporte dans la première circonscription, à la surprise générale, le candidat UDR Briot ayant manifestement souffert d’un mauvais report des suffrages de Pierre Micaux.
La Marne, pour sa part, compte trois députés UDR sortants et un député centriste ( Bernard Stasi sur Epernay ) qui va être investi par l’UDR en 1973.
222 028 électeurs s’expriment le 4 mars 1973 au premier tour et, pour la 4e circonscription, celle d’Epernay, réélisent dès le premier tour Bernard Stasi.
Pour autant, le PCF obtient 55 022 voix (24,8 %) et place trois candidats au second tour et le quatrième en seconde position de l’élection.
Le PS, pour sa part, réalise 40 773 voix (18,4 %), ce qui constitue une bonne performance.
Les autres forces de gauche et d’extrême gauche capitalisent 4 516 voix (2 %) ce qui met la gauche, dans son ensemble, à 45,2 % des suffrages.
Les candidats UDR et soutenus par l’UDR ( Bernard Stasi ) sont en tête dans les quatre circonscriptions et cumulent 94 418 suffrages, soit 42,5 % des voix.
On a donc une droite gouvernementale dominante mais une gauche disposant, à peu de choses près, de la même influence.
Sauf que les quatre sièges reviennent à la majorité d’alors.
Enfin, en Haute Marne, la droite UDR conserve les deux sièges.
Au premier tour, les Haut Marnais sont 97 322 à voter pour l’un des candidats en présence.
Le PCF obtient 19 584 voix (20,1 %) et place Marius Cartier, devenu maire de Saint Dizier en 1971, au second tour de la seconde circonscription.
Le PS et les radicaux de gauche du MRG réalisent 14 819 voix (15,2 %) et le candidat MRG est qualifié pour la triangulaire du siège de Chaumont Langres.
Les autres forces de gauche obtiennent 5 599 voix (5,7 %), ce qui permet à la gauche de passer la barre des 40 % sur le département.
19 667 voix (20,2 %) vont aux candidats centristes, l’un d’entre eux se qualifiant pour le second tour sur la 1ere circonscription.
Les deux candidats UDR, bien que placés en tête, recueillent donc 38 653 voix (39,7 %), score qui manifeste d’un recul relatif puisque la gauche, dans sa diversité, s’avère un peu plus influente…
Mais les deux élus de droite sont reconduits.
Les municipales de 1977 manifestent une forte poussée à gauche, puisque des villes comme Charleville, Sedan, Vouziers élisent des municipalités socialistes, tandis que Reims, Epernay ou Châlons sur Marne élisent un maire communiste, que Saint Dizier confirme son ancrage à gauche et que le PCF reste influent sur Romilly sur Seine.
Les législatives de 1978, avec leurs deux sortants PS pour dix sortants de droite, traduisent une nouvelle évolution.
Dans les Ardennes, le nombre de bulletins validés dans les urnes est de 157 420 suffrages exprimés.
A gauche, le PCF obtient 39 945 suffrages (25,4 % des voix).
Progression en voix et en pourcentage pour le Parti communiste, avec deux candidats qualifiés au second tour sur les circonscriptions de Mézières Rethel et de Charleville Revin et la vallée de la Meuse.
Le PS, pour sa part, réalise 41 192 voix (26,2 % des voix).
Le Parti de François Mitterrand est donc en tête de la gauche mais seul son candidat de la 3e circonscription, celle de Sedan et Vouziers, est qualifié au second tour.
Le candidat PS est en effet devancé de 720 voix par le candidat communiste dans la première circonscription et, plus nettement, de 2 208 suffrages dans la seconde.
Les autres forces de gauche et d’extrême gauche réalisent en 1978 5 566 voix (3,5 %) ce qui donne clairement l’avantage à la gauche sur l’ensemble du département avec 55,1 % des voix.
Le RPR, qui a perdu le pouvoir, cumule tout de même 47 107 voix (29,9 %) en présentant, entre autres candidats, Hilaire Flandre, futur sénateur, et Jacques Sourdille, alors secrétaire d’Etat et qui sera lui aussi sénateur plus tard.
Un Jacques Sourdille qui est alors le président du Conseil régional de Champagne Ardennes.
Et qui sera le seul élu de droite au second tour.
Alain Léger, le candidat PCF, l’emporte dans la première avec 998 voix d’avance sur Hilaire Flandre, malgré un report assez médiocre des votes socialistes et René Visse, conseiller général de Monthermé, l’emporte de plus de 5 000 voix dans la seconde circonscription sur le candidat RPR Repeczky, délégué national de l’AOP, le mouvement organisé par les gaullistes en direction du monde du travail et de la classe ouvrière en particulier.
Sur ce siège, le candidat PS devancé par René Visse s’appelle Jean Paul Bachy.
Nous le retrouverons encore dans la vie politique locale.
Seul Jacques Sourdille est donc élu à droite, sur Sedan, avec 607 voix d avance sur le candidat socialiste Jean François Dromby.
Dans l’Aube, 150 493 électeurs ont déposé dans l’urne un bulletin valable.
Le PCF réalise 29 015 voix (19,3 %), soit un gain de voix permettant de maintenir le pourcentage de 1973 et une configuration proche, puisque le candidat PCF de la 3e est de nouveau qualifié pour le second tour.
Le PS cumule 36 603 voix (24,3 %), score très proche de celui de 1973.
Enfin, les divers candidats de gauche et d’extrême gauche rassemblent 5 154 voix (3,4 %), ce qui met la gauche auboise à 47 % au premier tour de 1978.
Une performance qui ne va cependant pas lui empêcher de voir la droite emporter les trois sièges au second tour.
Dans la première circonscription, Pierre Micaux devance Yann Gaillard, futur sénateur et alors candidat radical valoisien, de 458 voix au premier tour et bat le sortant socialiste André Gravelle au second par 22 836 voix (51,2 %) contre 21 744 voix (48,6 %).
Dans la seconde, Robert Galley, alors Ministre de la Coopération, est réélu au premier tour avec 27 249 voix (52,7 %) sur 51 769 exprimés.
Enfin, dans la troisième, Paul Granet arrive en tête du premier tour avec 18 136 voix (32,8 %) et l’emporte au second tour contre le communiste Georges Didier avec 29 878 voix contre 26 175, soit 3 703 voix d’avance.
De fait, si la droite a perdu l’un des sièges ardennais, elle a repris le siège PS aubois.
Dans la Marne, malgré les municipales, la droite emporte les quatre sièges de député.
274 022 bulletins ont été validés dans les urnes marnaises.
Le PCF, avec 66 382 voix (24,2 %) met ses candidats en tête de la gauche, comme en 1973.
Il a notamment investi ses trois maires ( Claude Lamblin à Reims, Jean Reyssier à Châlons et Jacques Perrein sur Epernay ) mais aucun de ces candidats ne parviendra à l’emporter au second tour.
Le PS, en seconde position à gauche, fait 52 028 voix (19 %), et réduit l’écart sur le PCF d’un peu plus d’un point.
Les autres forces de gauche et d’extrême gauche cumulent 7 729 voix (2,8 %), ce qui met la gauche marnaise à 46 %.
La droite garde donc la main sur le département, avec Jean Louis Schneiter, courtier en champagne, élu au second tour avec 54,1 % des voix face au maire communiste de Reims Claude Lamblin.
Au premier tour, Schneiter a devancé Jacques Kosciusko Morizet, ambassadeur de France et grand père de Nathalie Kosciusko Morizet, actuelle Ministre.
Dans la seconde circonscription, Jean Falala, qui deviendra maire de Reims en 1983, est réélu, notamment en devançant au premier tour Jean Marie Beaupuy, que nous allons retrouver bien des années plus tard, du côté du Modem.
Jean Falala l’emporte largement avec 56,1 % des voix et plus de 8 000 voix d’avance.
Jean Bernard, alors maire de Vitry le François ( il sera sénateur plus tard ), est élu avec 54,7 % des voix sur le siège de Châlons et Vitry qui intègre notamment les cantons de l’Argonne.
Enfin, Bernard Stasi, contraint au second tour par présence d’autres candidats de droite, est réélu avec 59 % des voix.
En Haute Marne, 115 099 électeurs ont déposé un bulletin dans l’urne.
Le PCF obtient 23 525 voix (20,4 %), influence très proche de celle de 1973 avec les mêmes effets, à savoir que Marius Cartier, maire de Saint Dizier, est au second tour.
Le PS progresse, avec 23 810 voix (20,7 %) et son candidat est qualifié au second tour sur le siège de Chaumont Langres.
Il progresse d’autant plus que le MRG avait un candidat sur le même siège et que les divers candidats de gauche et d’extrême gauche réalisent finalement 7 129 suffrages (6,2 %) ce qui place la gauche haut marnaise à 47,3 % des suffrages au premier tour.
A droite, la concurrence RPR UDF se traduit par l’échec du sortant RPR Favre sur le siège de Chaumont.
Il est en effet battu de 3 458 voix par le candidat giscardien Charles Fèvre, maire d’Arc en Barrois qui est élu au second tour face au socialiste Jean Carrier avec 34 541 voix contre 29 150, soit une avance de 5 391 suffrages.
Dans la seconde circonscription ( Saint Dizier, Joinville, Wassy ), Jacques Delong, le « filleul « du général de Gaulle est arrivé en tête au premier tour avec 21 160 voix.
Le total de la gauche ( LO, PCF, PS ) est de 27 703 voix contre 26 103 suffrages pour la droite RPR UDF et gaullistes divers.
Mais le second tour permet la réélection de Jacques Delong, face au communiste Marius Cartier, avec 29 252 suffrages contre 25 963 voix.
Ou comment la longue histoire des reports de voix et de la dynamique électorale peut encore trouver illustration.
Résultat : la gauche a poussé entre 1973 et 1978, gagnant plus de quatre points dans les Ardennes, de quatre et huit dixièmes de point dans l’Aube et la Marne, de plus de six points en Haute Marne, mais elle n’a emporté aucune position élective de plus au bilan régional.
Seule nuance : alors que le PS tend à s’affirmer à gauche, il perd ses deux députés et c’est le PCF qui se retrouve avec deux élus ardennais, là où il n’en avait pas.
Quant à la droite, un peu moins RPR et un peu plus UDF, elle garde encore 10 des 12 sièges de la région.
Et arriva 1981, que nous allons raconter dans un autre message…