Election présidentielle de 1965

[HORATIO]

Mon intime conviction est que le soutien donné par le CNIP à Jean Lecanuet n’était pas le fruit d’une collusion politique mais de personnes ; Antoine Pinay, figure de ce parti et le futur bras droit de VGE se connaissaient depuis longtemps par les biais des ministères :
En 10 ans, Jean Lecanuet a eu 11 postes différents de directeur de cabinet ministériel dont celui des Finances. De 1955 à 1956, il est secrétaire d’Etat.

Ministre des travaux public de 1950 à 1952, candidat à la présidentielle de 1953, Antoine Pinay était ministre des affaires étrangères en 1955 puis ministre des Finances de 1958 à 1960.

En 1965, le ministère des Finances était entre de bonnes mains puisque c’est VGE lui-même qui était à sa tête.

Après son succès de 1965, Jean Lecanuet fonde, en 1966, le Centre démocrate.

En 1972, il fonde avec Jean-Jacques Servan-Schreiber le Mouvement réformateur.

NB : JJSS et Françoise Giroud ont été les fondateurs du journal l’Express qui, à partir de 1964 a décollé dans les ventes.

Toutes ces personnes (sauf Antoine Pinay) se retrouveront tout naturellement dans les gouvernements de VGE.

[vudeloin]

Je pense surtout que, vu ce qui restait du CNIP en 1965, son soutien à Lecanuet était bel et bien une tentative de recomposition de la droite non gaulliste, attendu que le Centre Démocrate ( issu du MRP, qui a disparu corps et biens dans le nouveau parti de Lecanuet ) ne fut que la prolongation naturelle de la présidentielle.
Pour Servan Schreiber, c'est autre chose, notamment parce que ( merci j'étais né en 1973 ), JJSS était d'essence radicale valoisienne et qu'il n'a jamais été membre du CD ou CDP...
Et l'Express, comme l'Observateur, a fait son trou durant la Guerre d'Algérie...
Mais soit, la suite au prochain numéro puisque, de toutes manières, une bonne partie des ex CNIP ont opté pour De Gaulle et d'autres pour la recomposition.

[vudeloin]

Les années 60, on est encore en plein dans les fameuses Trente Glorieuses...
Mais que se passe t il quand même, puisque ubil a rappelé que la France évoluait à cette époque.
Sociologiquement, la population active connaît plusieurs mouvements : un, la baisse continue de la population agricole, puisque le nombre des actifs employés dans le secteur diminue très vite et très fort ( de 20,6 à 15,5 % des actifs entre les recensements 62 et 68 ) : ensuite la consolidation de la population ouvrière et des emplois dans l'industrie qui progresse en fait au même rythme que la population active et constitue 30 % des emplois ; trois, la montée en charge de la population tertiarisée, notamment par la bancarisation croissante de la population mais aussi le développement de nouvelles formes de commerce créatrices d'emplois salariés et l'augmentation des effectifs du secteur public.
Quatre, le nombre des salariés est de plus en plus élevé ( aujourd'hui il n'a jamais été aussi élevé dans notre pays ) et cinq, la hausse globale du nombre des actifs ( 26 millions aujourd'hui contre 19 millions au début des années 60 ) est aussi due à l'augmentation constante de l'activité féminine.
En 1960, un tiers des actifs sont des femmes. Aujourd'hui, nous sommes très près des 50 % et cela change tout...
Ensuite, il y a l'urbanisation, puisque les années 60 sont aussi celles des grands ensembles et des ZUP. Et que ce processus amène à la banlieusardisation d'un nombre croissant d'habitants du pays, comme à une nouvelle forme de ségrégation spatiale qui vide les centres villes anciens de nombre des familles modestes qui pouvaient y habiter.
Enfin, mais le débat reste ouvert sur le tout, les années 60 sont aussi les années de la planification et de la DATAR, c'est à dire de la déconcentration des activités productives, de l'aménagement du territoire et donc, entre autres, de la transformation de nombre de nos villes de province...

[HORATIO]

Pour Servan Schreiber, c'est autre chose, notamment parce que ( merci j'étais né en 1973 ),

On m’a empêché de voter à ce scrutin sous le prétexte que je n’avais qu’1 an :D .

Quatre, le nombre des salariés est de plus en plus élevé ( aujourd'hui il n'a jamais été aussi élevé dans notre pays ) et cinq, la hausse globale du nombre des actifs ( 26 millions aujourd'hui contre 19 millions au début des années 60 ) est aussi due à l'augmentation constante de l'activité féminine. .

Etions-nous dans une situation de plein-emploi ?
Quelle était la durée hebdomadaire du travail ?
Social : Le SMIC existait-il ? Les congés payés ? Quel était le niveau de protection sociale ?

[ploumploum]

Je peux vous répondre à quelques questions.
La France était en quasi plein emploi avec un taux autour de 2% de chômage. Il y avait un seuil technique de personnes sans emploi
Le Smic (indexé sur la croissance) existait et était appelé le SMIG (Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti , basé sur l'inflation)
Les congés payés existaient : 3 semaines dans les années 60 depuis la décision de Guy Mollet en 56, puis 4 en 1969 (après Mai 68 et les accords de Grenelle, mais là c'est une autre histoire...)

[vudeloin]

Effectivement, peu de chômeurs en 1965. Quelques centaines de milliers de personnes d'ailleurs souvent dans l'incapacité de travailler... Je me souviens d'une époque où Jacques Chirac, Ministre en charge des questions de l'emploi, se fixait comme objectif de ne pas dépasser les 500 000 chômeurs...
Alors, évidemment, on travaillait plus longtemps ( 40 heures officielles et souvent au dessus ) et les femmes travaillaient moins.
Et puis, on commençait à fermer les puits de mine, à désaffecter les voies ferrées sous utilisées ou prétendues telles, à fermer les usines à Paris et en banlieue, parfois pour les déménager en province, mais aussi pour réduire le nombre des ouvriers dans la capitale et autour...
Mais, dans le même temps, la société évoluait, et une bonne part de la progression du travail féminin est due, notamment, à la montée en charge de l'emploi industriel ( pas seulement tertiaire ) occupé par les femmes.
C'est là d'ailleurs, sur la période, une des raisons du maintien d'une proportion encore élevée d'emplois industriels et d'emplois ouvriers, dans cet ensemble, au sein de la population active.
La rupture, de ce point de vue, c'est la fin des années 70 et la mise en oeuvre des premiers grands plans de licenciement dans l'industrie...
Mais nous en reparlerons.

[HORATIO]

@ ploumploum,
Merci pour ces informations.

La France était en quasi plein emploi avec un taux autour de 2% de chômage. Il y avait un seuil technique de personnes sans emploi.

Je pensais que le seuil technique était de 3%, c’est donc 2%, il n’est guère possible d’arriver à moins.
La France des années 1965 était donc dans une situation de plein-emploi avec un certain niveau de protection sociale.

@ vudeloin
La France des années 1965 n’allait pas si mal que cela.
« Nous en reparlerons ».
On ne peut pas revenir en arrière ?
Si l’élection présidentielle de 1965 était à refaire aujourd’hui, Charles de Gaulle ne serait-il pas réélu dès le premier tour ?

[vudeloin]

Pour rappel, j'indique tout de même que le SMIC a été créé par la loi du 2 janvier 1970 qui abandonnait la seule référence à la garantie du pouvoir d'achat, retenue pour le SMIG ( et de fait, inspiré par l'échelle mobile des salaires ) au profit de celles de la garantie du pouvoir d'achat et de la prise en compte de la croissance.
D'où le débat sur les " coups de pouce " que nous avons régulièrement !

[HORATIO]

@ Zimmer
Ce qui étonnant, c’est ce score de 14,05 % de Jean-Louis Tixier-Vignancour dans le Var, il n’avait aucune attache particulière dans ce département. Aucune raison ?

L’ex-candidat à la présidentielle de 1965 a cherché la confirmation à cette percée en se présentant aux législatives de 1967 à Toulon. On parle d’ « échec sévère » sans réussir à trouver son score.

[ubil]

@Horatio: par rapport au score de Tixier-Vignancourt dans le Var, je sais qu'on y a vu une manifestation du vote pied-noir. En effet, les pieds-noirs se sont beaucoup implantés dans ce département lors de l'indépendance algérienne, et Tixier-Vignancourt était le seul candidat de l'élection de 1965 à manifester son attachement pour l'ancienne Algérie française..