Républicain67 a écrit:Comment explique-t-on l'élection d'un sénateur RN en Seine-et-Marne? Ce n'est clairement pas un bastion du parti lepéniste. Sur le papier, il avait plus de chances de victoires en Moselle, dans l'Oise ou dans les Pyrénées-Orientales.
Concernant les Pyrénées-Orientales (où on élit seulement 2 sénateurs, qui plus est au scrutin majoritaire) ou l'Oise (élection de 4 sénateurs), je pense que le seuil était beaucoup trop élevé pour envisager réellement une élection de sénateurs RN. On s'est probablement un peu enflammé dans les chances du RN, notamment dans le premier département, car le mode de scrutin rendait les choses très difficiles pour lui malgré sa forte progression locale ces dernières années.
Pour la Moselle (5 sénateurs) l'élection d'un sénateur RN était tout à fait possible, compte tenu de l'implantation locale du parti mais ce n'était toutefois pas évident non plus vu l'ancrage de la droite classique dans le département et la présence de plusieurs listes de ce camp qui étaient plutôt complémentaires car ayant des électorats différents et qui pouvaient toucher un large spectre d'électeurs, allant des élus centristes aux élus tentés par la droite radicale.
Concernant la Seine-et-Marne, étant donné qu'elle compte 6 sénateurs, le seuil nécessaire pour être élu commençait déjà à être plus accessible.
Toutefois, il est évident qu'elle ne constitue pas un bastion RN proprement dit, contrairement aux départements précédemment cités qui commencent à devenir très favorables au parti, notamment à la Présidentielle (avec toutefois un bémol pour la Moselle, qui est très divisée électoralement selon ses communes).
Aussi, je partage la surprise de beaucoup sur le score du RN dans le département (qui est l'un de ses tous meilleurs scores nationaux d'hier, pas si éloigné de son score en pourcentage dans le Pas-de-Calais par exemple), mais je le redis c'est un département où pour être élu sénateur il n'était pas nécessaire de faire un score faramineux non plus.
Je pense qu'il est difficile de trouver une explication unique car on doit l'avouer c'est un résultat vraiment inattendu.
J'imagine que l'implantation du candidat tête de liste a dû jouer, il avait fait un score non négligeable aux dernières Municipales à Nangis dans un contexte très défavorable à son parti, et il a mis en grande difficulté aux Législatives la successeur de Christian Jacob, qui l'a emporté d'une très courte tête au second tour.
On notera que dans l'ancienne circonscription de Jean-François Copé, située à l'autre bout du département, le RN a réussi à cette occasion à se faire élire contre toute attente.
Aux Législatives on avait ainsi déjà observé un phénomène de rupture du plafond de verre pour le RN dans les territoires franciliens les plus éloignés de l'agglomération parisienne.
Il est ainsi probable que le candidat RN ait surfé sur plusieurs phénomènes parallèles : les fractures territoriales entre agglomération parisienne et territoires franciliens plus éloignés, le poids des émeutes urbaines qui a été très fort dans ce type de territoire qui n'avait vraiment pas l'habitude de subir ces formes de violences et dégradations, et probablement un sentiment de relégation et d'éloignement des décisions de la part des petits élus locaux, qui doit être important dans un département aussi hétérogène en termes de dynamiques territoriales et de politiques publiques.
On avait déjà constaté ce dernier phénomène dans les Bouches-du-Rhône, département aussi très fragmenté territorialement, ce qui a pu expliquer les scores de la liste Guérini en 2014 puis de la liste Ravier en 2020, qui allaient déjà à l'encontre des équilibres politiques attendus.
Bien entendu, ce ne sont que des pistes, elles ne peuvent pas tout expliquer. On doit le dire aussi, si le RN a progressé quasiment partout hier par rapport aux Sénatoriales de 2017 (sauf dans le Val-de-Marne), sa progression a été très différenciée selon les départements, et dans certains cas on a eu vraiment des évolutions importantes, que l'implantation territoriale du RN n'explique pas toujours complètement.
On est aussi peut-être face à des mutations plus profondes de la politique française et de la carte électorale, avec des territoires autrefois rétifs au RN, qui deviennent de moins en moins défavorables à ce parti. On ne le mesure peut-être pas encore pleinement.