Cela fait un petit moment que j'observe les pronostics sur ce forum et je remarque plusieurs biais qui reviennent à chaque fois parmi les contributeurs :
- Une large surestimation de l'ancrage local et de la prime au sortant, qui ne sont plus du tout d'actualité pour des élections législatives, à l'exception de quelques désormais rares députés.
- Des pronostics souvent faits en regardant dans le rétroviseur, avec certaines conclusions empiriques tirées hâtivement (Le président sortant a toujours eu sa majorité deux mois après son élection/sa réélection ; Cette circonscription a toujours été à gauche/à droite ; etc) qui biaisent par conséquent le raisonnement. Je pense que c'est le point le plus litigieux car il ne tient pas compte des évolutions démographiques souvent rapides d'une circonscription à une autre, les électeurs de 2002, 2007 ou même 2012 n'étant plus ceux de 2022. Cela parait évident dit comme ça mais on ne pourra plus laisser le passé préjuger le futur.
- Un raisonnement classique de "réserves de voix" qui a pris du plomb dans l'aile compte tenu du déclin du front républicain et du caractère clivant de la majorité présidentielle qui lui a été ici très préjudiciable. Un électeur de gauche peut désormais préférer le RN à un candidat dit "centriste", un électeur dit centriste peut préférer le RN à un candidat de gauche et un électeur RN peut également préférer un candidat de gauche à un électeur centriste.
Je ne jette la pierre sur personne, cette élection était incroyablement compliquée à pronostiquer, avec qui plus est des victoires obtenues à l'arrachée, qui témoignent de clivages de plus en plus importants au sein de l'électorat. Mais elle contribuera à nous montrer bien plus prudents sur les élections à venir. Je pense que les instituts de sciences politiques devront davantage se pencher sur les mécanismes de reports de voix, tant ils sont devenus complexes.