de alamo » Lun 12 Juin 2017 12:31
On attendait le traditionnel vote « moutonnier », on l’a eu.
D’ailleurs, le bureau de vote est dans ma rue à moins de 100 mètres, avec tous ces bêlements j’ai du fermer les fenêtres malgré le beau temps…
Plus sérieusement, le vote d’hier est allé encore plus loin que les précédents dans une direction pas forcément saine :
Il y a encore 20 ans, les Etats-Unis paraissaient un pays incongru, fausse démocratie où un électeur sur deux ne votait pas, pour le plus grand bonheur des deux volets du « double parti unique » ; hier avec 48,5% de votants, on est largement au niveau US
De même on moquait les pays à bipartisme plus ou moins obligatoire, avec leur alternance sans changement réel ; à l’Assemblée Nationale dans une semaine nous aurons quasiment le parti unique.
On parle de 400 ou 430 députés LREM/MODEM, mais en fait il faudrait y ajouter les ralliés du troisième tour, tous ces sortants socialistes, PRG, UDI ou LR (et même un écolo dans le Doubs) contre lesquels LREM ne présentait pas de candidat et qui feront partie de la majorité présidentielle.
Comme la seule force d’opposition officielle est l’alliance LR/UDI qui est d’accord avec à peu près tout le programme de Macron, on aura une Assemblée où l’opposition réelle ne pèsera au mieux qu’une cinquantaine de députés (PS, FI, PCF/FdG, Marine Le Pen toute seule de son parti, peut-être NDA du sien, même Lasalle disparaît) ; noua allons avoir une assemblée de droite à 90% (parce que pour ceux qui ne l’auraient pas remarqué, le programme de Macron, c’est une vraie politique de droite : ultra-libéralisme, retour sur les acquis sociaux, libre-échangisme sans limites, soumission à Bruxelles et à l’oligarchie financière, atlantisme…)
Les chiffres globaux repris pour ne pas dire serinés par les médias ne veulent pas dire grand-chose, tant les situations pouvaient être différentes. Comme je le disais, à LREM/MODEM il faudrait en fait ajouter les « macron-compatibles », comme on dit, plus ou moins assumés. L’élu UDI du 1er tour dans la Somme est bien évidemment un candidat de la majorité présidentielle, comme nombre d’autres probables élus du 2ème tour.
Le score de 10% donné au PS par les médias est (comme souvent) très flatteur : d’une part parce que certains candidats estampillés (plutôt discrètement) PS sont en fait des candidats de Macron, comme certains du PRG que l’on additionne en bloc au PS, et l’addition des « divers gauche » est flatteuse : on y trouve aussi bien un Falorni ou un Hutin (MRC ex RPR) que des élus ultra-marins siégeant aux côtés du PCF ; en réalité le « vrai » score du PS doit se situer à peu près au niveau de celui de B. Hamon à la Présidentielle.
Idem mais en bien moindre mesure à droite : où classe-t-on T. Solère qui avait une candidate LR contre lui par exemple ?
Côté FI/PCF, on voit que l’essentiel des potentielles victoires vient des candidatures uniques de premier tour, difficiles à classer chez l’un ou chez l’autre.
D’une manière générale, cette élection législative se distingue des précédentes (outre par son taux d’abstention record) en ce qu’elle a vraiment consacré un vote pour l’étiquette et non la personne des candidats.
La prime au sortant n’existe plus, l’ancrage local a été plus un handicap qu’un avantage, et les seuls ou presque à se déplacer pour voter l’ont fait pour balayer les « anciens » partis. On voit d’ailleurs que les sortants socialistes sans concurrence macroniste (Valls, Touraine voire Le Foll) font de moins bons scores que ceux qui ont porté l’étiquette LREM.
D’où un « raz-de-marée » LREM (à relativiser quand même, ça pèse entre 15 et 16% du corps électoral inscrit), mais aussi une bonne tenue de la FI, qui réussit son pari de devancer le PCF dans la majeure partie des circonscriptions où ils étaient en concurrence, ce qui était attendu sur la majeure partie du territoire, à influence historique du PCF faible ou moyenne, moins dans certaines circonscriptions de la banlieue parisienne (d’Ivry, de Montreuil par exemple). Pas partout d’ailleurs, à Gennevilliers ou au Havre, les candidats PCF ont devancé leurs adversaires FI
Donc on peut dire que JLM a réussi son pari d’affaiblir encore le PCF, de laminer le PS et de faire disparaitre EELV. Pour se retrouver temporairement roitelet d’un champ de ruines, avec une gauche radicale tout confondu qui ne sera pas beaucoup plus nombreuse que dans l’assemblée sortante (et sans les frondeurs socialistes ou verts à côté).
Dans de nombreuses circonscriptions, la concurrence entre FdG et FI conduit à l’élimination des deux alors qu’une vraie dynamique unitaire aurait conduit au deuxième tour avec de vraies chances de victoire : Nanterre, Denain, Douai, Alès, Marseille 7, Firminy, Vénissieux, Noyon, etc… la liste est longue, je n’ai pas épluché les résultats mais en picorant au hasard on trouvera même des circonscriptions dans des départements comme la Nièvre ou autres.
Dans d’autres, FI a gagné le droit d’aller se prendre une tôle au deuxième tour, un score de premier tour minable et une retard de 20 ou 30 points n’étant pas l’idéal pour aborder le deuxième tour, surtout en comptant sur des reports de voix d’électeurs que l’on a injurié au premier. A. Corbière parlant ce matin (répétant la phrase même) de ses «amis communistes», ça faisait un peu marrer.
Même dans des circonscriptions très à gauche, comme Ivry ou Aubervilliers, ce n’est pas gagné d’avance…
Les électeurs ont donc voulu à tout prix le renouvellement, la nouveauté etc…
En tout cas ceux qui se sont déplacés, mais les autres n’ont pas voulu non plus sauver les sortants et les militants enracinés.
JLM a beau dire qu’il n’y a pas eu de majorité pour approuver la casse du droit de travail, il n’y en a pas eu non plus pour s’y opposer.
L’attrait pour la nouveauté à tout prix, ce n’est pas nouveau justement, le « bougisme » fait des ravages, déjà en 2007 j’entendais le père d’une camarade de classe de ma fille me dire qu’il voterait Sarkozy « parce qu’il allait faire bouger les choses » (dans quel sens ?) alors qu’il avait totalement le profil de ceux qui seraient le plus touchés par la casse sociale, la flambée de la précarité et le flingage des retraites (contrairement à moi…)
Or ce n’est pas parce que quelque chose est nouveau que c’est forcément bien. Plus exactement semble nouveau, en fait, parce que l’on met de nouvelles têtes sur les vieilles politiques, ce n’est que du ripolinage.
On l’a déjà vu au fil de ce forum, nombre de candidats « société civile » de LREM ont une conception assez élastique de la morale.
On avait dans l’Assemblée sortante quelques élus « à casseroles », on va en avoir de nouveaux qui ont déjà les casseroles avant même d’entamer leur premier mandat public. Aux côtés de vieux routiers recyclés qui vont avoir du mal à dissimuler les leurs, Ferrand en tête…
Combien de mois vont s’écouler avant que l’on ne voit dans des manifs des gens hurler contre les « réformes » (nom donné en novlangue libérale à la régression) et vitupérer les ripoux , alors qu’ils auront voté hier et dimanche prochain « pour donner au Président les moyens de sa politique » ?