de Genaro Flores » Dim 29 Mai 2016 19:04
Le millonisme a encore de beaux jours devant lui !
15 ans après sa démission de son mandat de député de la 3ème circonscription de l’Ain, Charles Millon, 70 ans, continue d’exercer une influence prépondérante à travers cette terre historiquement de droite qui ne m’est pas indifférente pour être proche de mon domicile haut-savoyard (1).
Son héritier naturel n’est autre que le député sortant… Etienne Blanc (2), 61 ans, maire depuis janvier 1991 de Divonne-les-Bains, quatrième commune du Pays de Gex, mais surtout premier vice-président du conseil régional d’Auvergne – Rhône-Alpes depuis janvier dernier. Deux postes qui lui permettront de contrôler encore étroitement cette 3ème circonscription, d’autant plus que son successeur, quel que soit le vainqueur de la primaire à droite, a été, un moment donné, son suppléant.
« Milloniste » de la première heure, Blanc n’a jamais hésité à adopter des positions réactionnaires sur les problèmes sociétaux, bien dans la lignée de son mentor. En 2013, en plein débat sur la loi sur le mariage pour tous dont il a été l’un des plus féroces contempteurs, il se prononcera ainsi pour la poursuite des discriminations à l’égard des homosexuels. Autre exemple, celui de l’affaire Leonarda, toujours en 2013, où il reprendra sur son compte Twitter les propos outranciers tenus par Fabrice Madouas, rédacteur en chef du service société au sein du très droitier hebdomadaire « Valeurs actuelles ».
Investi par l’UDI, Olivier de Seyssel, 53 ans, est également connu pour être un fidèle compagnon de route de l’ancien ministre de la Défense. N’a-t-il pas été l’une des principales figures du think tank « Passionnément Rhône-Alpes », surgi au terme de l’année 2012 pour justement remettre en selle Millon ? A l’image de Blanc dans le Pays de Gex, cet agriculteur dans l’âme s’est érigé un fief électoral autour de Belley, écumant les mandats suivants : député suppléant d’Etienne Blanc entre 2002 et 2012, conseiller régional Rhône-Alpes entre 2002 et 2004, enfin conseiller municipal de Magnieu durant plus de 15 ans.
Autre personnalité belleysane (3) proche de Millon, Jean-Yves Hédon (divers droite), 51 ans, qui n’est autre que le suppléant de la candidate LR Stéphanie Pernod-Beaudon. Conseiller municipal et départemental de Belley depuis les scrutins de 2014-2015, il milite notamment dans l’association « Belley Perspective et Rayonnement » que manage précisément Millon.
Authentique enfant du plateau d’Hauteville (4), situé dans la 5ème circonscription de l’Ain, et domiciliée dans le Pays de Gex, Pernod-Beaudon était quant à elle député suppléante de… Blanc depuis 2012. Du coup, après la démission du Divonnais le 16 mars dernier, entraînant cette partielle, elle n’exerce plus qu’un mandat : la 12ème vice-présidence du conseil régional d’Auvergne – Rhône-Alpes qu’elle a obtenue en janvier dernier du président Laurent Wauquiez (LR), qui tenait ainsi à la récompenser pour avoir été la porte-parole de sa campagne (5). Un poste que cette ancienne professeure de philosophie, âgée de 37 ans, entend bien garder en cas de victoire à la députation, ce qui ne surprendra personne (!), témoignant, in fine, d’un carriérisme pourtant rejeté aujourd’hui par l’immense majorité des Français.
Cette influence milloniste, qu’elle soit assumée ou non par les poulains de Millon, est donc loin d’être une chimère dans cette 3ème circonscription. Elle est prégnante tant au sud du Bugey que dans le poumon économique du Grand Genève qu’est le Pays de Gex, places fortes respectives de Millon, maire de Belley de 1977 à 2001, et de Blanc. A vrai dire, seul le Pays bellegardien dont le canton est aux mains du socialiste Guy Larmanjat depuis juin 2002 semble échapper aux enfants spirituels de Millon.
En revanche, l’emprise milloniste sur le reste du département de l’Ain s’est considérablement effritée à compter de 2008 lorsque la droite lui barra la route du sénat en présentant contre lui au deuxième tour pas moins de quatre candidats. Certains n’ont en effet jamais digéré son alliance, en tant que président du conseil régional Rhône-Alpes, avec le FN, qu’il tissera sans le moindre état d’âme entre mars 1998 lors de sa réélection et décembre 1998 lors de son invalidation par le Conseil d’Etat.
Quel que soit le lauréat de cette partielle, qu’il s’agisse d’Olivier de Seyssel ou de Stéphanie Pernod-Beaudon, l’ombre de Charles Millon continuera à planer sur cette circonscription. Et c’est bien là que résidera le fait marquant de ce scrutin. Avec toutefois l’abstention qui s’annonce exceptionnelle à un an seulement de l’échéance normale, en particulier dans le Pays de Gex qui regroupe les deux tiers de la population de cette entité électorale. Tournant traditionnellement le dos à l’Ain en allant bosser à Genève, les Gessiens observent en outre, avec amertume, l’absence de candidats de droite émanant de leurs rangs (6).
Sans surprise, la gauche poursuivra son chemin de croix. Emiettée en… quatre candidats (!), elle ne s’est toujours pas remise de ses déculottés survenues :
- Aux municipales de mars 2014, avec les pertes des communes suivantes : Belley dans le Bas-Bugey ainsi que Ferney-Voltaire, Ornex et Prévessin-Möens dans le Pays de Gex.
- Aux départementales de mars 2015, avec les pertes des cantons suivants : Belley dans le Bas-Bugey ainsi que Saint-Genis-Pouilly, dans le Pays de Gex (7).
Se jetant à 29 ans dans l’arène politique, Jean Mercier (EELV), fils de Jacques qui a détenu la municipalité d’Ornex de 2008 à 2014, pourrait bien tailler des croupières au physicien Denis Linglin (PS), 72 ans, maire depuis 2008 de Sergy, dans le Pays de Gex. Les raisons ? Son jeune âge par rapport à son rival, mais aussi les idées écologistes qu’il défend et qui ont eu ces dernières années un réel écho en terre gessienne, notamment la réhabilitation de la ligne de chemin de fer Bellegarde – Divonne-les-Bains afin de désengorger ce territoire à la démographie galopante.
Enfin, le FN devrait pâtir de ses résultats souvent en demi-teinte à l’occasion des partielles, mais plus encore du duel fratricide à droite, qui risque fort de centraliser les débats. Sa présence au second tour est donc loin d’être acquise même si son représentant en la personne du Gessien Gaétan Noblet a pour lui sa jeunesse (il vient de fêter ses 30 ans), mâtinée d’une certaine expérience (il avait déjà postulé en 2012).
G.F.
(1) Charles Millon a été député de la 2ème circonscription de l’Ain entre avril 1978 et avril 1986 puis de la 3ème circonscription de l’Ain de juin 1988 à mai 1995 et de juin 1997 à avril 2001.
(2) Etienne Blanc a été député de la 3ème circonscription de l’Ain entre juin 2002 et mars 2016.
(3) De Belley, capitale historique du Bugey.
(4) Stéphanie Pernod-Beaudon est devenue en 2001, à l’âge de 22 ans, maire-adjointe à Hauteville-Lompnès, sa commune natale nichée dans le Bas-Bugey. Elle le restera jusqu’en 2008 avant d’endosser la fonction de conseillère municipale d’opposition, qui prendra fin en 2014.
(5) Stéphanie Pernod-Beaudon est conseillère régionale depuis 2010.
(6) Concernant les deux suppléants de droite, seule Josette Lamielle (LR), 69 ans, qui épaule Olivier de Seyssel (UDI) est issue du Pays de Gex. Elle a en effet été maire-adjointe de Divonne-les-Bains entre 2008 et 2014.
(7) Créé le 13 février 2014 dans le cadre du nouveau découpage territorial de l’Ain, le canton de Saint-Genis-Pouilly est constitué des quatre plus grosses communes (Ferney-Voltaire, Ornex, Prévessin-Möens et Saint-Genis-Pouilly) de l’ex-canton de Ferney-Voltaire, aux mains d’un divers gauche entre 2011 et 2015.