Politiquemania

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De 2017 à 2019, un bouleversement de la carte électorale ?

Forum de discussion axé sur les élections européennes en France du 26 mai 2019. Discutez de la campagne, des candidats et des partis en présence.

Re: De 2017 à 2019, un bouleversement de la carte électorale ?

Messagede pmf » Mar 19 Mar 2019 16:24

Je pense que le Département de Haute-Loire pourrait bien accorder un bon résultat à la liste de Les Républicains avec la première place aux Européennes et je considère que l'origine politique géographique de Laurent Wauquiez y contribuera.
Concernant le Département du Cantal, la prévision est plus délicate car ce Département n'est pas uniforme avec un bassin de vie de Aurillac qui est cité en exemple en matière de créations d'emploi au même titre que les bassins de vie de Vitré, de Les Herbiers, de Houdan, de Avranches, et un secteur de Saint Flour plus rural et plus conservateur notamment autour de Mauriac.
J'en arrive au Département de Vendée en rappelant que les Députés de Vendée sont pour quatre d'entre eux membres du groupe La République en Marche et pour le cinquième du groupe Modem. Relevons aussi que ces cinq Députés ont été élus pour trois d'entre eux face à des candidats Les Républicains, pour un face à un candidat UDI et pour le cinquième face à un Député socialiste. J'ajouterai que Philippe de Villiers, qui conserve une certaine influence en Vendée, fait preuve d'une certaine bienveillance à l'égard de la Majorité Présidentielle et cela aura des effets dans les isoloirs vendéens.
Enfin, considérer que la Bretagne intérieure serait conservatrice est un peu globalisateur car l'intérieur des Côtes d'Armor a été souvent représenté par des Conseillers Généraux communistes et on pourrait parler du Finistère intérieur et de sa propension à élire des Conseillers Généraux socialistes.
Alors, c'est vrai le Morbihan intérieur est assez attaché aux valeurs conservatrices catholiques mais cet effet est quelque peu atténué par le Morbihan littoral.
Enfin, reste le cas de l'Ille et Vilaine intérieure où le secteur le plus attaché au catholicisme est celui de Vitré mais ce n'est pas du conservatisme au sens Bellamy et il faut ajouter que Pierre Méhaignerie, très écouté dans ce secteur, a soutenu en 2017 ardemment la Majorité Présidentielle en renouant alors avec les idées de son père Alexis Méhaignerie, MRP, puis Centre Démocrate et proche de Pierre Abelin ce qui n'en faisait pas un conservateur mais un démocrate chrétien humaniste héritier de Marc Sangnier.
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Re: De 2017 à 2019, un bouleversement de la carte électorale ?

Messagede SALVAT » Mar 19 Mar 2019 18:25

Cher pmf,
je serais moins affirmatif que toi sur le soutien de Philippe de Villiers envers le président macron au point de jouer de son influence dans son département de Vendée en faveur de la liste LREM-MDM.
S'il y eut lune de miel et connivence affirmée jusqu'en juin/juillet 2018, il y eut rupture attestée au travers des déclarations de l'ancien ministre en octobre 2018 : les 10,11,12 et 14, des critiques acerbes ont fusé et la déception a été dévoilée publiquement.
je crois qu'il va rester en dehors de la bataille électorale à venir.
La Vendée votera cependant, majoritairement, pour la liste présidentielle si je me permets cette prévision.

Pour le Cantal, la rupture MEZARD/macron laisse le parti présidentiel sans leader : les amis politiques qui sont aussi les amis personnels du nouveau conseiller constitutionnel ne vont pas se démener. Ce qui dégage la voie pour LR qui, au surplus, va ré-apparaître comme le rassembleur du monde agricole et artisanal dominant, sur le plan social et, sur le plan politique, de la droite et du centre--(l'UDI n'y fera pas un gros score, même dépassant sa moyenne nationale).
Le FN devrait y réaliser son plus mauvais score national (autour de 10%).

Bertrand SALVAT

*j'ajouterais au profit de LR, la structure démographique du Cantal (32% de plus de 60 ans) ....des retraités certainement mal portés à voter pour la liste macron
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Re: De 2017 à 2019, un bouleversement de la carte électorale ?

Messagede Républicain67 » Mar 19 Mar 2019 20:43

L'Alsace est une autre terre de droite (ou plutôt démocrate-chrétienne) où la droite parlementaire ne devrait pas retrouver son ancienne position dominante. Comme en 2014 et lors de la présidentielle de 2017, le RN devrait arriver en tête dans les deux départements, avec très certainement un meilleur score dans le Haut-Rhin. Il est possible que LREM arrive de nouveau en deuxième position derrière le RN chez moi dans le Bas-Rhin et LR en second dans le Haut-Rhin. A la présidentielle, François Fillon n'était arrivé en tête que dans nombre plutôt limité de cantons, notamment dans le sud du Haut-Rhin, le Kochersberg et le Vignoble, zones aisées et conservatrices, alors qu'Emmanuel Macron l'emportait dans les principales agglomérations et Marine Le Pen dans les zones rurales périphériques (vallées vosgiennes, Outre-Forêt, Ried, Alsace Bossue...) et dans des zones de traditions ouvrières, autrefois de gauche comme le Bassin potassique (le canton de Wittenheim est aujourd'hui l'un des plus frontistes de tout le Nord-Est). Cette évolution est perceptible depuis les européennes de 2014 scrutin après scrutin. Le second tour de la présidentielle en Alsace avait vu Marine Le Pen l’emporter dans quatre cantons : Wittenheim, Ensisheim et Masevaux dans le Haut-Rhin, Ingwiller (canton le plus rural de l’ancienne région) dans le Bas-Rhin. La candidate frontiste avait frôlé la victoire dans deux autres zones de force du FN dans le nord de l’Alsace, les cantons de Bischwiller et Reichshoffen. Emmanuel Macron avait lui remporté tous les autres cantons, faisant ces meilleurs scores à Strasbourg et banlieue et à Mulhouse. A l’intérieur de l’agglomération mulhousienne, la fracture est claire du point de vue politique entre la ville-centre et les banlieues sud et ouest ayant voté Macron (de justesse en tête avec Mélenchon) et Fillon et la partie nord (Bassin potassique, ancienne zone minière de gauche où Le Pen a battu des records, comme 56% à Wittelsheim et 61% à Staffelfelden). Est-ce qu’une telle fracture se retrouve autre part en France, à l’intérieur d’une grande agglomération (Marseille mis à part)?
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Re: De 2017 à 2019, un bouleversement de la carte électorale ?

Messagede Azertyuiop » Sam 1 Juin 2019 10:00

Les résultats définitifs ont été publiés : j'ai donc pu faire l'analyse par bureau et par canton de cette élection.

La méthodologie ne change pas par rapport à l'analyse de la présidentielle. Outre-Mer et Français de l'étranger ont été mis de côté. Pour l'analyse des corrélations par canton, j'ai également mis dans la matrice de corrélation le vote de la présidentielle donc il sera possible de voir, à l'échelle des cantons, si les partis conservent la même carte électorale qu'à la présidentielle, etc...
J'ai tenté de faire la même chose à l'échelle des bureaux de vote mais malheureusement, les multiples fusions et changements de nom des communes entre la présidentielle et les européennes rendraient la tâche herculéenne donc j'ai préféré laisser tomber : dommage... Ça aurait sans doute été très intéressant.

N'ont été gardés que les partis ayant dépassé 0,5% des suffrages exprimés, donc Alliance jaune et tous les partis ayant fait davantage. En-dessous, on entre dans le domaine de l'infiniment petit, surtout avec une abstention de 50%, et aucun résultat, même pour les cantons, ne serait significatif. Donc, voici :

L'analyse par canton

L'analyse par bureau

Quelques éléments d'interprétation. On y retrouve certains fondamentaux déjà observés à la présidentielle. Très forte anti-corrélation des votes FI et LR et des votes LREM et RN, qui sont toutefois nettement moins marqués qu'à la présidentielle.

On y retrouve des banalités que tout le monde avait déjà observé le soir du scrutin comme la déportation du centre de gravité de l'électorat LREM vers la droite. Ainsi, alors que les votes Macron et Fillon n'étaient corrélés à l'échelle des canton qu'à 25,5%, les votes LR et LREM sont aujourd'hui corrélés à 53,7% (45,2% à l'échelle des bureaux). Mieux encore : si l'on considère le vote LREM des européennes et le vote Fillon à la présidentielle, ils sont corrélés à 72% !

A l'inverse, le vote Hamon et le vote LREM étaient corrélés, toujours à l'échelle des cantons, à hauteur de 69,14%. Cette corrélation n'est plus que de 23% aujourd'hui entre LREM et PS et de 9% entre G.s et LREM. Ces corrélations sont toutefois toujours positives, montrant une réelle porosité sociologique entre ces deux électorats. LREM est aussi corrélé à 53% avec le vote EELV, presque autant qu'avec LR. L'électorat EELV reste largement Macron compatible mais c'est il est vrai nettement moins vrai à l'échelle des bureaux de vote (corrélation de 33,4% entre EELV et LREM).

Là encore, les bascules Macron vers PS, G.s et EELV sont très visibles puisque le vote PS et le vote Macron de la présidentielle sont corrélés à hauteur de 62,5%, corrélation qui monte à 74% pour le vote EELV et atteint tout de même 53% avec G.s.
Dans l'autre sens, la corrélation est bien moins nette mais on a quand même 28,7% de corrélation entre l'électorat Hamon de 2017 et l'électorat LREM de 2019.

Un point intéressant concernant la FI : son électorat semble nettement plus "populiste" qu'à la présidentielle. En 2017, l'électorat de Mélenchon présentait une vraie porosité qu'avec l'électorat de Hamon, et même entre Mélenchon et Macron, il y avait assez peu d'antagonisme. A l'inverse, il y avait des anti-corrélations assez marquées entre les votes Le Pen et Mélenchon. On notait toutefois une corrélation importante entre Mélenchon et Asselineau.
Renversement de tendance cette année. Nette anti-corrélation entre les votes FI et LREM aujourd'hui à 56% par canton, 50,4% par canton. Il est même un peu corrélé avec le vote RN (autour de 10% dans les deux analyses) et légèrement anti-corrélé avec le vote EELV.

Aucune surprise concernant l'électorat de LP : très corrélé dans les deux cas avec le vote RN et celui de Le Pen à la présidentielle, corrélé aussi avec le vote FI, ce qui n'était pour le coup pas si évident. Corrélations "populistes" pour les Gilets jaunes mais elles ne sont pas très marquées.
Quant à l'UPR, elle confirme son corrélation très forte avec la FI, bien plus qu'avec le RN (même G.s et UE en sont plus proches...)

Quant aux électeurs du Parti animaliste, oubliez l'image du bobo écolo parisien qui passe ses journées à refaire le monde devant des pièces de théâtre : le portrait type de l'animaliste serait plus un ouvrier populiste de droite en gilet jaune et qui, probablement, roule au diesel...
D'un côté, les anti-corrélations avec le vote LREM (-40%), PS (-38,4%), G.s (-30,3%) et EELV (-44,45%). C'est donc du vote EELV que les électeurs animalistes sont le plus éloigné !!!
De l'autre côté, les corrélations avec le vote LP (42%), DLF (40,3%), UPR (25%), RN (46,2%) et AJ (26,8%). C'est donc avec le vote RN que le vote animaliste est le plus corrélé !!! Bon, en voyant que le pire département pour les animalistes était Paris et le meilleur, la Haute-Marne, on pouvait s'en douter.

On notera que l'on retrouve ici la fidélité de l'électorat RN à leur parti puisque les votes FN de 2017 et RN de 2019 sont corrélés à 98% ! On est à 90% pour NDA avec DLF aux européennes, 84,6% pour Fillon avec LR, 89% pour Hamon avec G.s et 84% avec le PS, et 87,9% pour Mélenchon avec FI (scores élevés malgré les pertes d'électeurs car ils n'ont pas été compensés par des gains ailleurs). A l'inverse, on est un peu plus bas pour Macron (80,6%), preuve que son électorat s'est renouvelé.
On notera une corrélation de seulement 80% entre le vote UPR de 2019 et le vote Asselineau de la présidentielle.



Je trouve aussi intéressant de toucher un mot sur le vote UDI, bizarrement très peu corrélé au vote LREM et LR (autour de 15% pour les deux) et peu anti-corrélé au vote RN (autour de -12%), voire même corrélé positivement au vote DLF...


Un mot sur la dispersion du vote. LREM reste un vote étonnement homogène mais moins qu'à la présidentielle : 25,3% de coefficient de variation contre 21,6% à la présidentielle au niveau des cantons, et 33,4% contre 26,4% au niveau des bureaux.
A l'inverse, le vote Mélenchon qui était assez homogène, au moins au niveau des cantons, voit son hétérogénéité fortement progresser, comme pour tous les partis dits "populistes". Au niveau des bureaux de vote, son vote est même plus hétérogène que celui du RN...

Il y a sans doute mile choses à dire de plus sur ces résultats mais je laisse le soin à tous les intéressés de regarder les particularités qu'ils trouveront judicieux de relever.

Pour les petits partis (disons, AJ, LP et LO), je rappelle que leur très faible nombre de voix moyen par bureau rend toute l'analyse faite par bureau pour ces partis obsolète et les chiffres donnés doivent être pris avec le plus de pincettes possible, voire ne pas être considérés du tout.
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Re: De 2017 à 2019, un bouleversement de la carte électorale ?

Messagede PhB » Sam 1 Juin 2019 14:30

Encore une superbe contribution, cher Azertyuiop. Merci de partager ce travail.

J'ai une petite remarque toutefois, sur les enseignements qu'on peut en tirer. Une corrélation positive n'indique pas forcément que les électorats concernés sont semblables. Elle atteste seulement que les électeurs des partis corrélés ont une distribution géographique proche (sur le critère géographique choisi : on pourrait avoir des résultats différents si, plutôt que les départements, on retenait une distribution de type villes/campagnes ou selon la richesse, la sociologie etc...).

Il faut d'autres éléments de preuve (suivi sur plusieurs scrutins, sondages qualitatifs effectuant cette recherche, études dédiées...) pour corroborer l'analyse et confirmer que ces électorats ne sont pas seulement concomitants mais qu'ils sont compatibles voire fongibles ou même similaires. De ce point de vue les évolutions entre les scrutins présidentiel et européen me paraissent riches d'enseignements.
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Re: De 2017 à 2019, un bouleversement de la carte électorale ?

Messagede Azertyuiop » Dim 2 Juin 2019 08:14

PhB a écrit:J'ai une petite remarque toutefois, sur les enseignements qu'on peut en tirer. Une corrélation positive n'indique pas forcément que les électorats concernés sont semblables.

En fait si, puisque s'il se trouve que si deux électorats ont des zones de force qui se recoupent beaucoup, au moins quand la corrélation se constate par bureau de vote, cela veut dire que les deux partis pêchent dans les mêmes bassins d'électeurs car ce sont des électorats sociologiquement semblables qui vivent dans un même lieu. Or, avec un vote qui devient de plus en plus un vote de classe, cela va devenir de plus en plus vrai. D'ailleurs, pour constater qu'une corrélation positive est un sacré indice de ressemblance des électorats, il suffit de remarquer que pour les porosités entre électorats que l'on connaît, les corrélations correspondent. La limite de l'analyse serait plutôt qu'elle ne donne qu'une tendance moyenne et ignore de possibles disparités locales très fortes. Par exemple, on sait que les électeurs RN et LR sont bien plus proches en PACA que dans le Pas-de-Calais et dans le Limousin. De même, il y a une étanchéité quasi-totale entre FI et RN en Île-de-France, et même dans presque toutes les grandes métropoles, mais dans le nord de la France et dans le sud-ouest, on trouve des zones où la porosité entre les deux électorats est très réelle.
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Re: De 2017 à 2019, un bouleversement de la carte électorale ?

Messagede Etienne92 » Mer 5 Juin 2019 13:11

PhB a écrit:Encore une superbe contribution, cher Azertyuiop. Merci de partager ce travail.
J'ai une petite remarque toutefois, sur les enseignements qu'on peut en tirer. Une corrélation positive n'indique pas forcément que les électorats concernés sont semblables. Elle atteste seulement que les électeurs des partis corrélés ont une distribution géographique proche (sur le critère géographique choisi : on pourrait avoir des résultats différents si, plutôt que les départements, on retenait une distribution de type villes/campagnes ou selon la richesse, la sociologie etc...).

Cela serait vrai si on en restait au département. Mais en mesurant au niveau du bureau de vote on est très au delà de la seule similarité de distribution géographique.
Concernant le parti Animaliste, à voir les corrélations décrites cela ressemble plus à une sorte de vote blanc ("rien ne me plaît, je vais voter blanc ! ou alors pour le chien"). D'ailleurs serait-il possible d'inclure dans les calculs de correlation les votes blancs, voire l'abstention ?
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Re: De 2017 à 2019, un bouleversement de la carte électorale ?

Messagede Azertyuiop » Mer 5 Juin 2019 18:59

Etienne92 a écrit:Concernant le parti Animaliste, à voir les corrélations décrites cela ressemble plus à une sorte de vote blanc ("rien ne me plaît, je vais voter blanc ! ou alors pour le chien"). D'ailleurs serait-il possible d'inclure dans les calculs de correlation les votes blancs, voire l'abstention ?

En quoi les corrélations vous font penser à un vote blanc ?

De toute façon, j'ai fait l'analyse par bureau avec l'abstention et le vote blanc, et le vote animaliste s'est révélé être l'un des moins corrélés au vote blanc/nul, que ce soit positivement ou négativement avec seulement 3,67% de corrélation aux blancs et nuls, donc l'analyse est invalidée.

Et même une corrélation (positive) assez faible avec l'abstention.

On remarque que les bureaux FI sont les plus abstentionnistes, puis dans l'ordre UPR, RN, PCF, LP, G.s et LO.

A l'inverse, les bureaux qui ont le plus voté sont les bureaux LREM, puis LR, puis EELV.

Concernant les votes blancs, ce sont dans les bureaux RN qu'on a le plus voté blanc ou nul, puis DLF, puis LO, puis Gilets jaunes. A l'inverse, le vote blanc/nul est très faible dans les bureaux EELV, puis LREM, et très loin derrière, LR.
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Re: De 2017 à 2019, un bouleversement de la carte électorale ?

Messagede Etienne92 » Jeu 6 Juin 2019 10:19

Azertyuiop a écrit:En quoi les corrélations vous font penser à un vote blanc ?

J'y ai vu un vote très anti-système, que j'ai assimilé à tort à un vote blanc.
Merci en tous cas pour les chiffres. Cependant je suis un peu surpris de voir les colonnes Exp'imés et Blancs/Nuls avec des chiffres exactement opposés. N'y a-t-il pas une erreur ?
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Re: De 2017 à 2019, un bouleversement de la carte électorale ?

Messagede Alambic » Jeu 6 Juin 2019 14:53

Bonjour,

J'apporte ma contribution à cette discussion.

J'ai récupéré sur le site data.gouv.fr l'ensemble des résultats des scrutins nationaux au niveau communal (ou d'arrondissement municipal pour Paris, Lyon et Marseille) pour la France métropolitaine entre 2002 et 2019. Les scrutins retenus sont donc 4 présidentielles (2002, 2007, 2012, 2017), une européenne (2019) et un référendum (2005). J'ai regroupé ces résultats de manière à avoir des unités géographiques stables dans le temps (en regroupant des communes nouvellement fusionnées comme si elles avaient toujours été fusionnées ainsi que les communes ayant fait l'objet d'une scission comme si ces séparations n’avaient jamais eu lieu). Pour ceux que ça intéresse, c'est possible de faire ça de manière assez aisée à partir des données de l'INSEE disponible ici (https://www.insee.fr/fr/information/2028028) et en particulier la table de passage annuelle. Je peux d’ailleurs transmettre le fichier consolidé au besoin.

J'ai ensuite réalisé une analyse en composantes principales (ACP) de ces données en me basant sur les résultats en % des inscrits, en pondérant chaque commune par son nombre d'inscrits. Le choix de retenir une analyse à partir des résultats en % des inscrits permet de ne pas introduire de biais s'il existe de l'abstention différentielle entre les scrutins non uniforme géographiquement. Par ailleurs, comme il existe un nombre fini d’options pour chaque scrutin (un candidat, blanc/nul, abstention), j’ai pris comme catégorie de référence celle de l’abstention : l’analyse porte donc sur le choix d’une autre option versus le choix de s’abstenir.

Pour ceux qui ne seraient pas familiers avec cette méthode, l'ACP permet ici d'identifier une géographie électorale et un positionnement des candidats par rapport à cette géographique électorale. En particulier, on va obtenir un certain nombre d'axes permettant de "résumer" le score des candidats : chaque commune aura un score pour chacun de ces axes et chaque candidat aura un unique coefficient de sensibilité pour chacun des axes. Ici, puisque j'étudie plusieurs scrutins simultanément la géographique identifiée est stable dans le temps.

Je présente ci-dessous un tableau avec les coefficients de sensibilité par rapport aux axes ainsi que des cartes de France pour chacun des axes. Pour plus de lisibilité, je n'ai pas indiqué sur les cartes les scores par rapport aux axes directement mais le quantile correspondant au score : la commune la plus marquée négativement sur un axe aura donc un score de 0, une commune dans la médiane française aura un score de 0.5 et la commune la plus marquée positivement sur un axe aura un score de 1.

Passons maintenant aux résultats. Je mets dans ce post des liens qui permettent de télécharger des fichiers image assez légers mais peu détaillés et des PDFs beaucoup plus lourds mais beaucoup plus détaillés (ils permettent de zoomer en particulier sur les cartes). La durée de vie des liens est d'une semaine. Je n'aurais préféré inclure les fichiers images directement dans le post mais ça a été infructueux (un peu d'aide pourrait être bienvenue si vous pensez que ça serait plus lisible).

J’ai identifié 4 axes principaux, communs à l’ensemble des élections. Ces axes représentent conjointement 76% de la variance. On peut aller regarder dans des axes mineurs (ça peut avoir un intérêt) mais ils ne sont plus nécessairement communs à l’ensemble des élections – ils peuvent expliquer par exemple une abstention différentielle à un scrutin par rapport à un autre. J’y reviendrai à la fin.

Je vais donner des noms à ces axes qui sont clairement imparfaits (et probablement pas les plus pertinents) mais qui vont faciliter l’exposé par commodité de langage. Pour interpréter ces axes, il convient de regarder le tableau des coefficients de sensibilité des candidats. Lorsqu’un candidat a un coefficient proche de 1 sur un axe, ça veut dire qu’il est positivement très sensible à cet axe : si une commune a un score élevé sur cet axe, le candidat aura un résultat élevé sur cette commune ; si une commune a un score faible sur cet axe, le candidat aura un résultat faible dans cette commune. A l’inverse, si un candidat a un coefficient proche de 0 ou négatif sur un axe, son résultat sera élevé dans les communes avec un score faible sur l’axe et faible dans les communes avec un score élevé sur l’axe. Voici le tableau des coefficients de sensibilité (chaque ligne correspond à une option pour une élection, les colonnes Factor1 à Factor4 correspondent au coefficient de sensibilité d’une option par rapport à chaque axe et la colonne « Uniqueness » correspond à la fraction de la variance du résultat de l’option électorale non expliquée par les 4 axes) :

Lien image : https://we.tl/t-mXp1QEIGiJ
Lien PDF : https://we.tl/t-IA6tHLrYgS

Axe 1 :

Cet axe représente 28% de la variance.

On remarque que, sur l’axe 1, les candidats qui ont des coefficients élevés sont les candidats FN, MNR, Les Patriotes, CPNT, le Non au référendum mais aussi NPA et LO ainsi que certains candidats de droite captant une part d’électorat populaire type Sarkozy, de Villiers ou Dupont-Aignan. A l’inverse, les candidats qui ont des coefficients faibles ou négatifs sur cet axe sont les candidats écologistes, le Oui du référendum, Royal, Hamon, Macron/LREM, Bayrou, Fillon/LR. Je nomme donc cet axe « populaire-populiste » (je suis preneur de vos suggestions sur le vocabulaire). Voici la carte de France correspondant à cet axe :

Lien image : https://we.tl/t-8kezpMN0Es
Lien PDF : https://we.tl/t-ex1qYt1VT3

On distingue sur cette carte de manière nette une opposition entre les grandes villes et leurs banlieues immédiates (scores faibles sur l’axe) vs. des zones plus éloignées. Par ailleurs, on remarque que certaines zones hors métropolitaines présentent aussi des scores relativement faibles, dans l’Ouest (en particulier en Bretagne), sur les littoraux de manière générale ainsi que les zones montagneuses. Il y a des scores faibles très marqués également dans les stations de sport d’hiver et les zones avec des travailleurs frontaliers. Il est intéressant de constater que certaines zones de force du RN ne se retrouvent pas sur cette carte, en particulier le bassin minier et, de manière générale, les zones d’industrie en déclin (Lorraine, bassin potassique). On n’a également pas des scores très élevés sur la cote méditerranéenne de PACA. Continuons pour voir comment ça peut s’expliquer.

Axe 2 :

Cet axe représente 25% de la variance.

On remarque que, sur l’axe 2, les candidats qui ont des coefficients élevés sont les candidats de centre-droit + les écologistes : Lepage/Joly/EELV, Bayrou/Macron/LREM, Madelin, le Oui au référendum, Sarkozy/Fillon/LR. A l’inverse, les candidats qui ont des coefficients faibles ou négatifs sur cet axe sont les candidats d’extrême gauche, communistes, d’extrême droite, CPNT, le Non de 2005. Les candidats de gauche traditionnelle (Hollande, Royal, Jospin) ont également des scores relativement faibles bien que moins prononcés par rapport à des candidats à gauche. Je nomme donc cet axe « libéral-mainstream ». Voici la carte de France correspondant à cet axe :

Lien image : https://we.tl/t-C5baynDGa6
Lien PDF : https://we.tl/t-iG07oKBNxm

On distingue sur cette carte des scores élevés dans la partie aisée de la région parisienne (Ouest, autour du bois de Vincennes, Fontainebleau, Chantilly/Senlis), dans certaines zones de l’Ouest (Vendée, Loire-Atlantique, Maine-et-Loire, Mayenne, Golfe du Morbihan, Nord-Finistère, Calvados côtier + banlieue non populaire de Caen, Sud-Manche), sur les contreforts Sud du Massif Central, dans la partie aisée de la région lyonnaise, dans les Savoies, dans le Doubs (hors zone proche de Montbéliard), en Alsace (à l’exception du bassin potassique), autour de Pau, de Toulouse, etc. A l’inverse, les zones avec des scores faibles regroupent un certain nombre de zones avec des difficultés économiques de diverses natures : par exemple, liées au déclin industriel ou agricole (bassin minier, Nord des Ardennes, Calais/Dunkerque/Boulogne-sur-Mer, certaines régions de la Somme, de l’Aisne ou de l’Oise, les régions industrielles de Moselle/Meurthe-et-Moselle, le bassin potassique d’Alsace, est de la Saône-et-Loire, autour de l’Etang de Berre, la région d’Alès, le Sud du Languedoc-Roussillon après Montpellier, Saint-Nazaire, banlieue Sud de Rouen, région du Havre, Montluçon, le long de la vallée de l’Yonne), des banlieues populaires de grandes villes (Seine-Saint-Denis, certaines communes du Val-de-Marne, Vénissieux/Vaulx-en-Velin, Hérouville-Saint-Clair/Colombelles/etc., La Trinité à coté de Nice) Il y a également des zones dont je connais moins la situation économique : les zones montagneuses des Pyrénées, le Médoc, un certain nombre d’endroits dans le massif central (Haute-Vienne, Creuse, Puy-de-Dôme), dans la Nièvre, etc.

On retrouve donc ici certaines zones de force du RN que l’on n’observait pas sur le premier axe. Il est intéressant de constater que sur ces zones là le RN est en concurrence avec la gauche classique et que les partis libéraux-mainstream sont totalement rejetés. On remarque à nouveau qu’à l’exception de la région de l’Etang de Berre, le littoral méditerranéen de PACA n’est pas excessivement marqué par des scores faibles – ce qui accrédite l’analyse qui fait du vote RN dans ces zones un vote différent du vote RN du bassin minier.

Axe 3 :

Cet axe représente 19% de la variance.

Cet axe est facile à dénommer et interpréter. On remarque que, sur l’axe 3, les candidats qui ont des coefficients élevés sont les candidats de gauche ou d’extrême gauche : NPA/LO/PS/PCF/FI. Les candidats Verts/EELV ont des coefficients élevés mais moins marqués que pour les autres candidats de gauche. A l’inverse, les candidats qui ont des coefficients faibles ou négatifs sur cet axe sont les candidats de droite : UMP/LR, UDI, DLF, CNPT, MPF, RN/MNR, Villiers. La situation des candidats centristes est plus fluctuante : le Bayrou de 2002 est à droite, celui de 2007 a un coefficient très nettement plus élevé qui reflue en partie en 2012 ; Macron a un coefficient proche de celui de Bayrou 2007 et il retombe au niveau des candidats de droite classique aux européennes 2019. De manière intéressante (mais pas surprenante), le Non de 2005 a un coefficient relativement élevé sur cet axe. Je nomme donc cet axe « gauche ». Voici la carte de France correspondant à cet axe :

Lien image : https://we.tl/t-CtI9PJrhKa
Lien PDF : https://we.tl/t-pyCq4U8Wwe

Là on retrouve une carte classique. Les zones avec des coefficients élevés sont les zones de gauche : Paris-Est, la banlieue sud de Rouen, la plaine de Caen, la Bretagne à l’exception de la plus grande partie du Morbihan et du Pays de Léon, l’Aunis, la région de Poitiers, la région de Niort, l’Aquitaine (à l’exception de la région de Libourne, du Bassin d’Arcachon et du Pays Basque), la région Midi-Pyrénées (à l’exception de l’est du Tarn et du Nord de l’Aveyron, avec une situation plus contrastée le long de la vallée de la Garonne après Toulouse), la région Limousin (sauf l’Est de la Creuse), la plaine de la Limagne et le bocage Bourbonnais, l’arrière-pays de Languedoc-Roussillon, les Cévennes, le Diois, la région de Besançon, le Nord Jura, autour de Château-Chinon, le pays de Briey. Les zones avec des coefficients faibles sont les zones de droite : les zones frontalières de la Belgique, la baie de Somme, toute la région Champagne-Ardenne, l’Alsace et la Moselle, le Haut-Doubs, la Bresse, le Beaujolais, le Roannais, le pays de Gex, la Haute-Savoie, l’Ouest de l’Isère, le Var, les Alpes Maritimes, le Nord des Bouches du Rhône, le Comtat Venaissin, les contreforts Sud du Massif Central, l’embouchure de la Garonne, la Vendée littorale, un certain nombre de zones dans l’Ouest intérieur (Mayenne sauf Laval, Manche sauf régions de Cherbourg et Granville, Pays d’Auge, Bessin, Perche, Maine et Loire sauf Angers, Nord des Deux-Sèvres), Sologne, Beauce, Gatinais, Puisaye, Brie, Valois, Pays de Bray, Fontainebleau, Ouest de Paris conservateur (Versailles, Saint-Cloud, Saint-Nom-la-Bretèche, etc.) et la Corse.

Axe 4 :

Cet axe représente 4% de la variance. Cela est faible mais cet axe est néanmoins particulièrement intéressant à mon sens.

On remarque que, sur cet axe 4, les candidats qui ont des coefficients élevés sont les candidats Le Pen et Mégret essentiellement ainsi que Chevènement en 2002 et, de manière plus modérée, les candidats communistes, Sarkozy 2007 et le Oui de 2005. Je ne rentre pas dans le détail des candidats qui ont des coefficients ou négatifs sur cet axe car ils sont très nombreux, je remarque juste que les candidats NPA/LO apparaissent comme ceux qui ont les scores les plus faibles sur cet axe. On remarque également que le coefficient du candidat Le Pen (ou de la liste RN) sur cet axe a tendance à baisser fortement au fil du temps alors que le coefficient du même candidat sur l’axe 1 augmente tendanciellement (ex : en 2002, coefficients de 68% sur l’axe 1 et de 56% sur l’axe 2 ; en 2017, coefficients de 92% sur l’axe 1 et de 12% sur l’axe 2). Je nomme donc cet axe « FN canal historique ». Voici la carte de France correspondant à cet axe :

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On retrouve effectivement la carte des zones de force du FN historique (ça ressemble furieusement à la carte du FN 1984). Sans trop développer, les zones avec des scores élevés sont l’ensemble du littoral méditerranéen (enfin on retrouve enfin le survote FN sur cette carte !), le Vaucluse, la vallée de la Garonne, la région de Lyon, le Nord du Doubs, l’Alsace, l’intérieur de la Moselle et de la Meurthe-et-Moselle, une bonne partie de la région parisienne, l’Oise, l’Ouest de l’Aisne, le sud du Nord. Les zones à scores faibles sont assez nombreuses mais en particulier tout l’Ouest (à l’exception de quelques communes dans le golfe du Morbihan dont la Trinité sur Mer !), tout ce qui est au sud de la Garonne, le Massif central et la jonction jusqu’à l’Atlantique.

Maintenant que j’ai présenté ces cartes, je voudrais revenir sur quelques enseignements à en tirer. Je ne vais pas être exhaustif mais je crois intéressant de comparer les candidats en eux mais aussi d’observer l’évolution dans le temps du positionnement des candidats d’une même famille politique. Je donne quelques exemples qui me paraissent éclairants (Bayrou/Macron/LREM, Le Pen/RN, Chirac/Sarkozy/Fillon/LR, Jospin/Royal/Hollande-Melenchon/Hamon-Melenchon/LFI-PS-Gs).

Je commence donc (par Bayrou, Macron et LREM. Si on compare le Bayrou de 2007 au Macron de 2012, on remarque que Macron est nettement plus faible sur le 1er axe (-2% vs. 12%) alors qu’ils sont similaires sur les axes 2 et 3 (en particulier, ils sont tous les deux au centre gauche sur cette analyse). Cela signifie que Macron est plus rejeté par l’électorat « populaire-populiste » et plus favorisé par l’électorat « métropolitain » par rapport à Bayrou. Si on regarde le positionnement de la liste LREM, on remarque que ce rejet/adhésion s’est encore accentué aux européennes par rapport à 2017 (-16% sur l’axe 1 en 2019) et que la liste est maintenant positionnée sensiblement plus à droite (14% en 2017 vs. 39% sur l’axe 3 en 2017) – les choses restant stables sur l’axe 2. Il me semble qu’on a beaucoup souligné dans les résultats le glissement à droite de LREM (ce qui s’observe ici) mais pas du tout le premier point.

Si on regarde maintenant l’évolution des différents candidats Le Pen et de la liste RN, on observe une nette tendance au renforcement du coefficient sur l’axe 1 (en particulier entre 2002 et 2007), une situation relativement stable sur l’axe 2 (ça veut dire qu’il n’y a pas de renforcement disproportionné du RN dans les zones en difficulté industrielle par rapport à la moyenne nationale), une évolution un peu plus contrastée sur l’axe 3 (JMLP 2002 apparaissait plus à droite, sa fille moins à droite bien que la tendance aille en l’inversant depuis 2017) et enfin un net recul de la sensibilité par rapport à l’axe FN canal historique (observable clairement lors du passage du père à la fille en 2012 : on est à 56% en 2002 puis à 38% en 2007 pour le père et à 17% en 2012 puis 12% en 2017 pour la fille). Ceci explique donc pourquoi on n’observe pas particulièrement de dynamique RN en PACA : le sur-vote historique a tendance à s’estomper et l’accentuation à droite du RN est un peu moins forte que par le passé. J’en profite pour dire également qu’au regard de ces cartes, il n’y a pas deux RN mais peut-être quatre RN : un où le RN est en concurrence pour un électorat populaire avec des candidats de droite « populaire » (géographie de l’axe 1), un où le RN est en concurrence avec un électorat populaire dans des zones en déclin économique avec des candidats de gauche traditionnelle (géographie de l’axe 2), un où le RN est effectivement un parti d’extrême droite (axe 3) et, enfin un où le RN est l’héritage (qui tend à s’estomper) du FN historique avec, si concurrence il y a, une concurrence avec le PC.

Maintenant, on peut observer l’évolution des candidats de droite : Chirac, Sarkozy, Fillon et la liste LR 2019. Sur le 1er axe, on observe pas mal de variation mais on observe que Chirac et Sarkozy étaient relativement élevé sur cet axe (35% en 2002, 21% en 2007, 40% en 2012 à chaque fois au premier tour) alors que Fillon (16%) puis LR (9%) sont nettement plus faibles : cela indique une perte notable d’une partie de l’électorat populaire. Sur le 2ème axe, Chirac présente un score moins élevé que ses deux successeurs (Sarkozy 2007 et 2012 à 83%, Fillon à 90%) car probablement perçu comme moins libéral (Chirac 2002 est à 67% vs. Madelin à 75%). A noter que le score de la liste LR s’inscrit en retrait net (77% vs. LREM à 84%) – ce qui est cohérent avec le fait que les électeurs libéraux se soient tournés nettement vers LREM. On remarque sur le 3ème axe une nette droitisation des candidats après 2007 : Chirac est à -7%, Sarkozy 2007 à -2% mais Sarkozy 2012 à -12%, Fillon à -15% et LR 2019 à -21%. Enfin, sur le 4ème axe, on observe assez nettement le caractère exceptionnel du vote Sarkozy 2007 qui a capté une partie du vote FN canal historique : le score sur cet axe en 2007 est de 23% alors qu’il est de 2% en 2012, de -5% pour Fillon, -7% pour la liste LR 2019 et était de -6% pour Chirac en 2002.

Enfin, je termine par les candidats de gauche. On observe pas mal de variations sur les différents axes. Sur le 1er axe, Hollande (25%), Melenchon (35% en 2012, 12% en 2017) et Jospin (18%) obtiennent des scores corrects alors que Royal (-1%) et Hamon (-17%) présentent des scores plus marqués. On peut donc dire que Royal et Hamon apparaissent plus rejetés par les électeurs que j’ai nommé populaires-populistes. Sur le 2nd axe, Royal et Hollande apparaissent au même niveau (25%) alors Jospin est en retrait (14%). Le caractère plus antilibéral de Melenchon apparait clairement : il fait -1% en 2012 et 14% en 2017 (vs. Hamon à 46% - ce qui indique bien que des électeurs plus libéraux d’Hamon ont refusé de rejoindre Melenchon). Sur le 3ème axe (gauche), Jospin (68%) et Hamon (69%) apparaissent moins marqués (68%) que Royal (85%), Hollande (79%) ou Melenchon (autour de 80%). On voit donc qu’il s’agit là du seul réel point de stabilité des candidatures à gauche alors que les coalitions électorales au regard des deux premiers axes sont plus variables : on remarque néanmoins que le seul candidat leader de gauche ayant gagné a réalisé les scores les plus élevés (25%) sur les 2 premiers axes. Si on regarde maintenant par rapport à 2019, on est frappé par la similarité entre les coefficients PS et Generation.s avec les coefficients d’Hamon. En revanche, pour Melenchon vs. LFI, on voit clairement qu’il perd du terrain sur le 2nd axe de manière nette (14% en 2017, -25% en 2019). Je m’abstiens de commentaire sur les scores écologistes mais on voit quand même que le profil des coefficients est tout de même très différents de la gauche traditionnelle : en particulier, des coefficients nettement plus faibles sur le 1er axe par rapport aux candidats de gauche ayant eu traditionnellement le leadership et des coefficients nettement plus élevés sur le 2ème axe. Il n’est donc pas certain qu’il soit si aisé de faire une coalition de la gauche suffisamment large autour des écologistes (seuls les profils EELV, PS et Generation.s sont proches).

Je m’arrête là dans l’analyse. Je vous laisse explorer le tableau des coefficients vous-même pour le reste. Je signale juste qu’on peut dégager d’autres axes même s’ils sont plus marginaux en termes de contribution à la variance. Ces axes supplémentaires sont de trois types : il y a des axes qui sont communs à l’ensemble des élections mais concernent des familles politiques moins importantes (par exemple, il existe un axe qui explique le sur-vote/sous-vote écologiste et un autre le sur-vote/sous-vote communiste au-delà des 4 axes déjà identifiés), il y a des axes qui expliquent les différences de participation systématique pour un scrutin particulier (par exemple, le 5ème axe en termes d’explication de la variance est un axe qui est lié à l’abstention différentielle au 1er tour de 2002 avec l’Ile-de-France très clairement identifiée et le Sud-Ouest) et, enfin, il y a des axes qui expliquent la géographie particulière d’un candidat (pensez au vote Fillon autour de la Sarthe ou au vote Chirac autour de la Corrèze). Je peux fournir des cartes correspondant à ces différents axes si ça vous intéresse.

Je finis sur un dernier point : je n’ai pas trop parlé du positionnement des « petits » candidats par rapport aux axes, je vous laisse regarder ça vous-même. Analyser ça a en général un sens mais il faut faire attention aux conclusions qu’on en tire : pour certains petits candidats, la variance non expliquée par l’ensemble des 4 axes peut être très élevée (l’exemple caricatural est Asselineau et l’UPR qui ont des variances non expliquées supérieures à 85% – ce qui s’explique en réalité car il existe un axe mineur qui détermine ce vote-là, qui est donc très spécifique – ou le parti animaliste qui a une variance non expliquée de 92%).
Alambic
 
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