de cevenol30 » Mer 22 Juin 2016 00:13
Au-delà des raisons internes à la gauche (la "grande primaire" étant prévue pour décembre, si elle n'a pas lieu on fait la "petite" un peu plus tard en janvier: éventuellement), le but est aussi, calendairement, de détourner l'attention du vainqueur de la primaire de droite de décembre, qui aura de toute façon un trou d'air médiatique pour cause de rééquilibrage des temps de parole (le PS a connu cet effet aussi et s'en est sorti).
L'élection du président au suffrage universel, qui plus est un président fort dont le choix est "le" grand choix de société, "la" grande élection, est une copie du modèle américain et pose aussi la question du choix des candidats au duel final.
Les Américains ont fini, pas tout de suite, par arriver aux primaires ouvertes aux électeurs.
En France, c'est normalement le premier tour qui tient ce rôle de primaires au sein d'un camp, notamment à droite.
Mais avec la multiplication des partis et l'affaiblissement/éparpillement des candidats (lié à l'éloignement du spectre des "grands hommes", fort contestés au demeurant mais pas excessivement dans leur parti), avec les risques de dérapage par élimination au premier tour, s'introduit le besoin de choisir un candidat, passé (je pense là plus au PS, où on aura tout vu) des congrès à un vote des adhérents puis aux adhésions "spéciales" facilitées et enfin aux primaires ouvertes aux électeurs de son camp.
Aux Etats-Unis, le président en exercice pouvant se représenter (en fin de premier mandat) participe à une primaire de son parti, ce qui avec le temps est devenu une simple formalité mais par le passé il y a eu des défaites, départs ou sérieux chahutages (le dernier en 1976, Ford réussissant de justesse à gagner la réinvestiture face à Reagan).
Le PS n'avait pas, lorsqu'il a inscrit la primaire dans ses statuts, prévu d'exception lorsque le sortant vient de ses rangs. Or, Hollande étant de plus en plus contesté, modifier cette disposition serait passé pour un tripatouillage grossier. Reste la possibilité d'en désigner un seul en Bureau National dans une primaire ouverte à d'autres partis, ce qui est à peine moins grossier mais préserve au moins en théorie la possibilité de choisir.
Sur le fond, le rôle d'une primaire (ou autre processus de désignation à la limite, dès lors qu'il y a plusieurs prétendants) reste de choisir et légitimer une candidature.
Que le président sortant ait à être choisi au niveau d'un parti peut être logique: il peut toujours y avoir quelque autre prétendant déclaré en interne au parti et en pratique, il faut bien qu'à un moment le parti prenne clairement la décision de soutenir (le sortant) et de faire campagne pour lui.
Qu'il ait besoin d'être légitimé comme candidat sans que ce soit une pure formalité (se déclarer et recevoir dans la foulée le soutien enthousiaste des instances en liesse) en dit long, par contre, sur la perception de son bilan par certains de ses soutiens de départ: s'il n'y avait ni trahison ni échec, tout serait plus simple...
Sur la question du mandat unique, je ne partage pas le point de vue lu ici.
Historiquement, une constitution républicaine avait prévu le mandat unique. On connaît la suite; le président a voulu faire modifier la Constitution pour pouvoir faire un second mandat et ne pouvant l'obtenir de gré, il l'a fait de force et ce fut le Second Empire... depuis, les réélections ont été possibles et ce n'est que récemment qu'on les a limitées à une seule (personne ne s'étant jamais présenté pour tenter le 3e mandat). Face à l'ego potentiellement fort dimensionné de ses présidents, la République plie pour mieux ne pas rompre.
Par ailleurs, il serait bon que l'exercice du pouvoir, a fortiori démocratique, reste en contact avec la volonté populaire (l'élection n'étant pas la seule modalité de son expression, surtout en cours de mandat). Le mandat unique (à tout niveau) porte le risque d'avoir des élus sous-marins de l'oligarchie (encore plus que maintenant) qui raconteraient ce qu'il faut pour être élus pour l'intérêt général, feraient tout et surtout son contraire, notamment servir les intérêts de secteurs pouvant les embaucher par la suite, une fois en poste sans que personne n'y puisse rien (même pas les menacer de ne pas les réélire: ça ne gênerait que les partis, qui peuvent alors être éphémères aussi) et continueraient leur vie professionnelle au service des mêmes intérêts qu'ils auront déjà servi au pouvoir... et ainsi de suite avec d'autres pantins au mandat suivant.