Fabien a écrit:Concernant le décalage entre les grands élus socialistes, l'appareil, et les militants d'un côté, et les sympathisants (au sens large) et électeurs de l'autre, il faut rappeler le précédent du référendum de 2005.
Les premiers avaient alors majoritairement opté pour le OUI, quand les seconds avaient nettement choisi le NON, notamment en dehors des grands centres urbains à profil tertiaire/ville universitaire.
Ce schisme sociologico-politique est à mon avis un fait politique majeur de ces vingt dernières années, et le PS n' a pas fini d'en subir les effets ( par exemple il est rappelé dans le documentaire diffusé hier sur la 3 que le référendum est en grande partie à l'origine du départ de Mélenchon, sans lequel le PS n'aurait probablement aujourd'hui guère de concurrence sur sa gauche- serait-il pour autant dans un meilleur état, ça reste à voir...).
Pendant une bonne dizaine d'années, le PS a réussi tant bien que mal à faire cohabiter en son sein ceux qui acceptent avec enthousiasme les logiques néo-libérales qu'incarne l'union européenne et ses traités, et ceux qui, sans forcément aller jusqu'au bout de leur logique, les jugent incompatibles avec leurs idées. Aujourd'hui, le parti à la rose est rattrapé par ce clivage, comme le montre le départ vers Macron d'une partie de l'aile dure de la frange euro-libérale du PS. Et ce départ arrive après la "fronde" en sens inverse de l'aile gauche devant l'incroyable zèle du gouvernement "socialiste" à appliquer les politiques néo-libérales exigées par Berlin et Bruxelles, et notamment, exemple le plus emblématique, le démantèlement partiel du code du travail connu sous le nom de "loi El Khomri"...
On notera cependant que, s'ils tendent à se figer peu à peu, les clivages au PS sont longtemps restés fluides.
Qui, par exemple, se souvient que Bernard Cazeneuve fut un "noniste" en 2005? Oui, on parle bien de ce même Cazeneuve qui, place Beauvau, mit en oeuvre avec une froideur et une détermination glaçantes la politique de répression du mouvement social la plus impitoyable jamais vue depuis la grande époque de Pasqua (cf. par exemple l'absence du moindre mot de regret pour la mort de Rémi Fraisse, ou les techniques de répression mises en oeuvres pendant le mouvement contre la loi travail, visant indistinctement manifestants pacifiques et casseurs, et même plus les premiers que les seconds, et l'impressionnant nombre de "bavures" systématiquement couvertes et justifiées...)
D'un côté votre analyse me semble plutôt pertinente en soit, de l'autre elle l'aurait été bien davantage en cas de victoire de Montebourg... car Hamon est tout sauf anti-européen. Il est même probablement bien davantage pro-européen que Fillon par exemple... Sans aller sur les positions d'Europe Ecologie-Les Verts, il est certes pour une autre Europe, mais certainement pas pour une Europe des nations comme Mélenchon et Le Pen.
Je cite France TV Info qui reprend des propos d'Hamon : "La France ne sera pleinement indépendante et audible que dans une Europe forte et unie. L'orientation actuelle de l’union européenne n’est plus possible, mais sa simple contestation ne suffit pas. C'est pour cela que je propose un nouveau contrat politique pour l'Europe, qui s’articule autour des progrès de la défense européenne, d'un grand plan d'investissement vers la transition écologique pour mettre fin à l'austérité, joint à un processus de convergence sociale et fiscale mettant fin aux différents dumpings." "Je ne veux pas être un de ceux qui ferment la porte et éteignent la lumière en disant 'l'Europe, c’est terminé'. Je ne briserai pas le projet européen", a-t-il déclaré début janvier, jugeant "important de redire qu’aujourd’hui on peut être dans la coopération en Europe et dans le progrès social à la fois".
Le candidat socialiste plaide en outre pour davantage de coopération européenne en matière de défense et pour la mutualisation des moyens de renseignement au sein d'une agence européenne.
http://www.francetvinfo.fr/politique/ps ... 37361.html
On voit qu'il croit en une autre Europe qui serait bien davantage sociale et écologique, mais est clairement pour un approfondissement de l'intégration européenne dans certaines domaines (économique et social, défense et renseignement par exemple)... franchement difficile de dire en lisant cela qu'il n'est pas plutôt pro-européen dans le contexte français... soutenir une défense européenne davantage mutualisée et probablement une armée européenne commune à moyen-long terme, notamment, je ne crois pas que ce soit très populaire ni chez la majorité des cadres socialistes ni chez les cadres républicains aujourd'hui....
Après, Hamon sur la carte des résultats du premier tour on ne peut pas dire non plus qu'il recueille vraiment le vote exclusif des classes populaires, loin de là : il était notamment en très bonne position dans l'Ouest, région globalement de bonne santé économique par rapport au reste du pays... et était souvent en excellente position aussi dans les métropoles et à Paris intramuros en premier lieu... là sur le second tour c'est plus équilibré et donc difficile de conclure quoi que ce soit car les reports de voix des électeurs de Montebourg sont plutôt très bons... mais globalement j'ai l'impression que l'électorat bourgeois de gauche s'est plutôt fortement mobilisé en faveur d'Hamon, de même qu'un électorat populaire mais sans doute davantage l'électorat populaire issu de l'immigration récente (en atteste son score en Seine-Saint-Denis par exemple)... Valls lui doit s'en tirer correctement parmi l'électorat populaire non issu de l'immigration récente et surtout il faut le dire l'électorat qui partage certaines valeurs avec le centre voire le centre-droit (petits patrons peut-être notamment).
Sinon, sur le fond vous avez plutôt raison à la base, mais je crois que l'électorat socialiste eurosceptique a en grande partie déjà abandonné le PS pour Mélenchon... l'électorat qui reste, et notamment le cœur de celui-ci, est probablement assez nettement proeuropéen dans le contexte français (ce qui explique d'ailleurs en partie la mauvaise performance de Montebourg).
Pour finir, effectivement les clivages au PS ont très souvent évolué dans le temps, et les personnalités aussi... on notera d'ailleurs que Peillon est passé de l'aile gauche à l'aile droite du parti au cours de sa carrière, en finissant sur une position relativement centrale... Valls également d'ailleurs était plutôt noniste en 2005 même s'il a changé d'avis au tout dernier moment.. Pour Cazeneuve, cela dit, je pense qu'il n'a jamais vraiment soutenu les positions de la gauche du PS, mais comme les 2/3 des cadres normands du PS il était fidèle à Laurent Fabius et l'a probablement soutenu longtemps dans tous ses positionnements très mouvants au sein du PS... ce qui explique certainement ce vote non de 2005, qui comme celui de son leader était sans doute purement tactique.