Dites moi, Chroniqueur central, vous connaissez Chypre ? C'est une île à peine plus grande que la Corse, mais nettement plus peuplée (plus de 800.000 côté grec et près de 300.000, côté turc). La capitale, c'est Nicosie avec ses grands immeubles et son réseau d'autoroutes (150 kilomètres), ses deux aéroports internationaux, mais il y a aussi Larnaca, avec là aussi ses autoroutes ses avenues majestueuses, son aéroport international... C'est aussi un des états les plus riches parmi les petits états européens : plus riche que Malte, certes, mais aussi que la Roumanie ou la Bulgarie, pourtant nettement plus peuplée.
Eh bien l'Education Nationale, en France , c'est autant peuplé que Chypre (800.000 enseignants et 300.000 autres fonctionnaires), mais son budget est trois fois supérieur à la capacité de production économique de ce pays, deux fois supérieure à celle d'un pays comme la Serbie et ses 7 millions d'habitant. Et si on compte les universités, alors là, c'est l'Ukraine et ses 45 millions d'habitants
Ne cherchez pas ailleurs une administration aussi lourde, aussi pesante budgétairement, cela n'existe pas, sauf l'armée populaire de Chine qui doit protéger et servir ses 1.3 milliards d'habitants. Il y a dans l'EN un côté quadridimensionnel éblouissant et angoissant. Comment un tel monstre ne peut vivre qu'avec qu'une seule tête, cet État, cette nation qui gère 65.000 établissements, la définition des programmes scolaires, la délivrance des diplômes nationaux, l’organisation des cursus scolaires et universitaires, la planification, de l’évaluation et de l’inspection, la réglementation en matière éducative (avec son BOEN, revue plus gros le bulletin officiel), le recrutement, la rémunération des enseignants et du personnel du Ministère.
Mais là, ou cela se complique, c'est que l'EN ne s'occupe pas de tous les enfants en âge scolaire et une partie d'entre eux sont sous la responsabilité des départements : les enfants handicapés, ceux qui sont en structures médico-éducatives, la plupart privés et financés par les Conseil départementaux au nombre de 1250 en France avec un effectif moyen de 50 enfants. Oui ! Vous avez bien lu : une administration aussi colossale de 15 millions d'élèves n'est pas capable de prendre en charge 60.000 enfants de plus dans son système !! Mais il y a encore pire, il y a les enfants déscolarisés qui restent à domicile, dans la rue et dans les structures de protection de l'enfance dont une grande partie sont là aussi de statut privé, car associative. Leur nombre n'est pas connu, mais connaissant les statistiques de certains départements, je dirais, plus de 15.000 qui s'ajoute au 60.000 enfants handicapés. Il reste encore le cas enfants marginalisés, c'est à dire gardés en classe mais qui ne sont plus que des ombres. Dans un collège de ZEP, on sait parfaitement que la classe d'âge qui parviendra au baccalauréat (général et pro) est très faible. Quand Benoît Hamon annonçait 80% de réussite au Bac dans la classe d'âge de 2014, c'est un fieffé menteur !
Bref le mastodonte est lourd, très lourd et il est, en plus, ségrégationniste vis-à-vis des plus faibles et des plus démunis. Ce genre de "truc", cela ne se réforme pas, cela se détruit et cela se recrée de fond en comble. Les petits raccommodages, c'est fini...Il y a péril en la demeure.
Jadis, il y avait la queue pour passer le CAPES, aujourd'hui, il faudrait presque pleurer pour que étudiants viennent passer le concours. Le taux de démission des enseignants est ainsi passé de 1% en 2012-2013 à 3,18% en 2015-2016. Soit un triplement sur la période. (
http://www.lesechos.fr/politique-societ ... zOLXmFU.99 ).
Donc l'idée de recruter des enseignants pour baisser les effectifs des classes primaires émises par Monsieur Macron ne tient pas la route une seule seconde et il sait très bien que l'EN est un ministère malade qu'il faut réformer en profondeur en le fédérant, le parcellisant et que tout candidat dit réformateur sérieux qui se respecte devrait le déclarer. Monsieur Macron ne le dit pas, donc Monsieur Macron n'est pas un candidat sérieux.