de vudeloin » Mer 12 Sep 2012 11:11
L'examen attentif du projet de loi sur les emplois d'avenir appelle plusieurs observations (je pense, d'un point de vue personnel, qu'on ne peut juger de la réalité d'une politique gouvernementale qu'à la lumière des orientations prises dans les textes soumis à discussion parlementaire, et que le reste procède de l'abstraction).
Le texte entend répondre à une question clé : celle de l'insertion professionnelle des jeunes pas ou peu qualifiés ayant tendance à encombrer les files d'attente de Pôle Emploi plus souvent qu'à leur tour.
Public notamment visé : les 150 000 jeunes sans qualification sortant tous les ans du système scolaire malgré les efforts accomplis par le corps enseignant.
Ajoutons y une bonne louche de discriminations spatiales (traduction : "Ah vous habitez là ? Ce n'est pas un quartier chaud par hasard ?") et plus ou moins raciales ("Ca s'écrit comment, votre prénom ? ") et l'on voit de suite à qui a priori est destiné le dispositif...
Les emplois d'avenir s'appuient toutefois sur l'existant puisque leur définition procède de formules déjà existantes, à savoir le contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE) ou le contrat initiative emploi (CIE), formule dont je m'étonne d'ailleurs qu'elle soit encore en vigueur, vu qu'elle a été créée en ...1995, après la victoire de Jacques Chirac.
Le contrat en question ouvre donc droit à une rémunération au niveau du SMIC, et à l'éventuelle mise en oeuvre d'actions de formation qualifiantes organisées sur ou en dehors du temps de travail.
Bien évidemment, la prise en charge par l'Etat représente au moins les trois quarts du coût salarial prévu.
Les contrats d'avenir ne vont concerner que le secteur dit non marchand : collectivités locales, établissements publics autres que l'Etat, associations à but non lucratif entre autres.
Un effort particulier va également être fait pour le recrutement "d'emplois d'avenir professeur' dans les établissements publics locaux d'enseignement ( le nouveau nom générique des établissements scolaires qui semble offrir la possibilité du recrutement local), ciblant clairement les étudiants boursiers qui auraient quelque difficulté à parvenir au bout de la formation habituelle en la matière, aujourd'hui fixée au niveau Mastère 2 (bac + 5).
Quant aux secteurs d'activité visés par le dispositif, ils sont nommément cités : environnement, médico social, aide à domicile, économie numérique.
Bon, résumons nous...
A mon avis (et j'attends avec la plus grande impatience votre sentiment là dessus), les emplois d'avenir vont créer, notamment dans le secteur public local, une sorte de sous fonction publique, une résurgence de la défunte catégorie D, puisqu'il est temps de mettre un terme (entre autres) à l'avantageuse présentation des "emplois verts" qui visent en réalité des métiers d'agent de salubrité ou de propreté, en clair des balayeurs de rue et ramasseurs de feuilles mortes et de papiers gras.
Quant au médico social et à l'aide à domicile, on peut considérer, sous certains aspects, que les emplois de la filière animation vont être plus ou moins concurrencés par les emplois d'avenir, la différence se faisant sur la formation initiale et les conditions de rémunération des salariés.
Il est vrai qu'au moment où l'on va appeler les collectivités locales à la mesure en termes de dépenses (refrain chanté autant du côté gouvernemental que de l'UMP), solliciter ainsi le principe de réalité en ouvrant le champ, dès le 1er janvier 2013, du recrutement d'un nombre plus ou moins élevé de jeunes salariés sous contrat spécifique, payés avec une aide conséquente de l'Etat est une puissante incitation au recrutement local...
On n'ose également imaginer quel intérêt des associations "charitables" d'aide à domicile vont pouvoir trouver à disposer d'une main d'oeuvre encore plus flexible et moins rémunérée que celle existant aujourd'hui.
Reste le cas des enseignants.
Le projet de loi, de fait, se positionne comme une sorte d'alternative au cursus normal de formation des maîtres par le biais des universités.
Il s'agit en fait de placer sous ce régime les boursiers (et uniquement eux) ayant accompli d'ores et déjà un ou deux ans de formation universitaire et de "caler" le contrat d'avenir sur les trois ans à venir, pour qu'ils parviennent au niveau Bac + 5 requis.
Toutefois, la différence avec la formation universitaire aujourd'hui dispensée est que ces jeunes aspirants professeurs seraient mis en situation durant leur contrat, en apportant leur concours aux activités type soutien scolaire mises en oeuvre dans l'établissement d'accueil.
On a presque envie de dire : rendez nous les Ecoles Normales !
Je ne suis pas certain que la crise de recrutement dans l'enseignement soit durablement résolue par le recrutement d'une catégorie informelle de "sous professeurs", moins bien payés qu'un jeune enseignant débutant...
A vous de laisser toute observation là dessus...