Les députés fraudeurs mis à l'amende AFP 21/12/2010 | Mise à jour : 07:53
Le député qui omettra sciemment de déclarer son patrimoine ou mentira sur ses revenus encourra 30.000 euros d'amende mais pas la prison, a décidé l'Assemblée nationale au terme d'un long bras de fer qui a vu Christian Jacob, hostile à cette incrimination pénale, battre en retraite.
Dans la nuit dernière, dans une ambiance électrique et au terme d'une longue suspension de séance, le patron des députés UMP a dû retirer un amendement de suppression pure et simple de la mesure qu'il avait déposé - avec le secrétaire général de l'UMP Jean-François Copé, absent de l'hémicycle, et plusieurs députés UMP - sur le projet de loi sur l'élection des députés. Cet amendement, approuvé hier après-midi par la commission des Lois, a provoqué un tollé à gauche et jusque dans les rangs de la majorité et mis dans l'embarras le gouvernement.
La plupart craignaient l'impact de ce "très mauvais signal" envoyé par l'Assemblée aux Français. Cela va "alimenter les mauvais procès d’intention qui pèsent sur les élus", avaient aussitôt réagi les députés PS en se demandant si cet amendement était motivé par "un réflexe corporatiste" ou des "convenances personnelles".
Le consensus avait pourtant prévalu au sein de la commission qui avait décidé, le 8 décembre, que les députés omettant "sciemment" de déclarer une partie de leur patrimoine ou fournissant "une évaluation mensongère" seraient passibles de deux ans de prison, de 30.000 euros d'amende et d'une peine d'inégibilité. Les déclarations des députés sur leur patrimoine et leurs revenus doivent être adressées à la Commission pour la transparence financière de la vie politique (CTFVP).
Pas question d'accepter cette nouvelle incrimination pénale, ont réagi MM. Jacob et Copé, jugeant "inutile que la Commission devienne une sorte d'autorité judiciaire préalable ou une juridiction de fait, dotée de pouvoirs d'investigation". En séance publique, le gouvernement, par la voix d'un Philippe Richert (Collectivités) visiblement gêné aux entournures, n'a "pas donné une approbation" à l'amendement tout en s'en remettant, prudemment, à "la sagesse" de l'Assemblée.
Tout aussi offensif que la gauche, le président UMP de la commission des Lois, Jean-Luc Warsmann, a fait basculer le débat. La création de cette incrimination pénale "n'est pas une lubie" ni "une volonté de laver plus blanc" mais vise à combler "un angle mort" dans la législation. "On ne peut pas envoyer le message ce soir que lorsque quelqu'un fraude délibérément, il ne se passe rien !", a-t-il asséné.
Pour permettre à M. Jacob - dont c'est le premier revers un mois après son élection à la tête du groupe UMP - de retirer son amendement tout en sauvant la face, la majorité a revu le texte et enlevé la peine de deux ans de prison encourue, les autres sanctions (30.000 euros d'amende et inéligibilité) étant maintenues. Un nouveau dispositif voté par 54 voix contre 33. Le PS, le PCF et le Nouveau Centre ont refusé catégoriquement d'accepter la disparition de toute peine de prison.
"Franchement, quel signal allons-nous donner à nos compatriotes !", a déploré le patron des députés NC, François Sauvadet. "Quand on vole une mobylette, c'est trois ans d'emprisonnement. Et quand un homme qui a été chercher le mandat auprès des citoyens ment sciemment, vous n'acceptez pas qu'il encoure une peine d'emprisonnement. C'est inacceptable", a lancé Jean-Yves Le Bouillonnec (PS). Cet amendement revient à dire aux élus "mentez, trichez, vous n'irez pas en prison !", a renchéri Maxime Gremetz (PCF). Le vote sur l'ensemble du texte aura lieu le 12 janvier.
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