de vudeloin » Ven 27 Jan 2012 17:55
Evidemment, pour ne pas trop chagriner notre ami Kerxizor, je ne ferai pas ici le bilan des « reaganomics » ni de la politique économique de Margaret Thatcher qui a tout de même eu la chance, pendant le trop long mandat qu’elle a fait subir aux Britanniques, de tirer parti à la fois de la rente pétrolière de la mer du Nord comme du fameux « chèque « britannique, mais soit.
Eh oui, n’oublions jamais que le délicieux Royaume Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord (l’une des dernières colonies d’Europe) bénéficie tout de même, depuis l’époque de Miss Maggie, d’une réfaction de sa contribution au financement de l’Union Européenne, le fameux «chèque britannique » qui lui a permis, pour le coup, de financer quelques unes de ses politiques, notamment celles de réduction de l’imposition des plus aisés et des plus grandes entreprises sur le dos de la contribution de la France, des Pays Bas ou encore de l’Allemagne.
Si nous avons été suffisamment stupides pour l’accepter et que nous sommes suffisamment idiots pour laisser le système perdurer, isn’t it ?
Quant aux USA de Reagan, question à cent sous ?
Vraiment une baisse de la dépense publique ?
Alors que le pays en question s’est lancé, tant sous Reagan que sous Bush père, dans je ne sais combien de programmes militaro spatiaux et combien d’aventures militaires extérieures ?
D’où vient l’endettement de ce pays, donc, s’il y a aussi peu d’agents du secteur public dans les effectifs salariés occupés ?
Il est vrai qu’aux USA, quatre heures de service dans un fast food suffisent pour être « employé ».
Ensuite, je ne peux évidemment passer sous silence le fait que les Etats-Unis comme le Royaume Uni sont tout de même à l’origine d’une bonne partie du bordel ambiant sur les marchés financiers, ni que la douce Queen Elizabeth II est probablement le chef d’Etat du plus grand nombre de paradis fiscaux et de territoires dits non coopératifs dans le monde !
Les Français sont de dangereux perfectionnistes…
Quant au modèle allemand, outre l’utile indication d’ubil sur la place de l’Eglise, au demeurant largement subventionnée par l’impôt ecclésiastique (Kirchensteuer), dans un grand nombre d’activités de service public qu’elle assume, je me permettrais juste de souligner une fois encore que l’existence d’une sorte de néo lumpen proletariat constitué par les cinq millions de travailleurs payés moins de cinq euros de l’heure ne me paraît pas forcément représenter un modèle à suivre…
Les Français demeurent attachés, à leur grand tort, à un minimum de droits sociaux…
Revenons à la France et à nos « dépenses publiques ».
Si vous avez bien lu mon message du 16 janvier, une piste de réflexion était ouverte à la sagacité de l’intellectuel collectif que représentent les lecteurs et contributeurs de ce forum.
Cette piste, c’est celle de la dépense fiscale, des dispositifs dérogatoires d’application de nos impôts (cela vaut aussi pour les cotisations sociales, je vous le précise d’emblée) qui mobilisent, année après année, des sommes sans cesse plus importantes.
Vous me parlez de la nécessité de réduire les impôts pour assurer la compétitivité de nos entreprises ?
Mais que n’a-t-on pas fait depuis 1974 et plus encore depuis 1985 ?
Le taux de l’impôt sur les sociétés a été ramené de 50 à 33,33 % des résultats fiscaux, les crédits d’impôt largement accrus, le report en arrière et en avant des déficits déclaré illimité, le régime d’imposition des groupes largement perfectionné !
Les cotisations sociales normalement dues par les entreprises ont été allégées, jusqu’à disparaître pour toute rémunération à temps complet payée au SMIC ( évidemment, il faut lire un bulletin de paie de smicard pour s’en rendre compte…), de nombreux régimes dérogatoires ont été mis en place tantôt pour l’implantation Outre Mer que dans les zones franches ou les zones prioritaires d’aménagement du territoire !
Quant aux impositions locales dues par les entreprises, elles ont commencé par être plafonnées à la valeur ajoutée, puis on a lissé l’effet des embauches et des investissements, puis on a fini, par touches successives, baissé encore le plafond de la taxe professionnelle, avant de procéder à la mise à mort de la bête.
Première étape (merci Strauss Kahn) : suppression de la part taxable des salaires et remplacement par une dotation incluse dans la DGF et évoluant comme elle depuis 2004.
Comme la DGF est gelée pour les années 2011 à 2013 (en principe), je vous laisse imaginer la perte de recettes pour les collectivités locales, perte compensée ailleurs et notamment par les autres segments de fiscalité locale (taxe foncière par exemple)…
Seconde étape (merci Sarkozy) : disparition définitive de la taxe professionnelle et invention de la contribution économique territoriale, mariage pas très réussi (pour moi, c’est comme l’accouplement de la carpe et du lapin) entre la bonne vieille patente d’avant la TP (c’est la cotisation foncière) et un complément de TVA (c’est la cotisation valeur ajoutée).
En 25 ans, chers lecteurs et contributeurs, les multiples baisses d’impôt et de cotisations sociales mises en œuvre pour renforcer nos entreprises et assurer leur compétitivité, ont représenté plus de 700 milliards d’euros de mesures nouvelles, une facture annuelle de 30 milliards d’euros qui ne me semble pas s’être profondément traduite par une amélioration de la situation de l’emploi…
Pour mémoire, l’impôt sur les sociétés rapporte, je le rappelle, 50 milliards d’euros à l’Etat, y compris avec les redressements, mais 110 milliards d’euros sont mobilisés pour en réduire la portée et le rendement chaque année !
Pour quels résultats ?
Prenons la question industrielle…
L’une des premières entreprises re privatisées en 1986 fut le groupe Pechiney Ugine Kuhlmann qui disposait de positions fortes notamment dans le domaine des aciers spéciaux mais aussi de la production d’aluminium.
Question à cent sous : connaissez vous encore une usine Pechiney dans notre pays ?
Ne cherchez pas trop puisque le groupe est passé, depuis, sous la coupe du groupe australo canadien Rio Tinto Alcan, avec le paradoxe qu’une partie des activités de l’ex groupe Pechiney a finalement été investie par le … Fonds Stratégique d’Investissement.
Usinor Sacilor ont fini, après les plans acier et la privatisation, par fusionner avec l’Arbed luxembourgeoise et Aceralia (Espagne) dans le cadre d’Arcelor Mittal, sauf que le Lor semble de plus en plus inutile, depuis la mise à l’arrêt du haut fourneau de Florange par Mittal, dont je rappelle que le siège social est en Hollande.
Prenons Renault, dont le capital a été largement ouvert, notamment dans le cadre de la fusion avec Nissan.
Le groupe au losange est aujourd’hui une entreprise compétitive, notamment parce qu’elle contribue au déficit commercial extérieur de la France en réimportant dans notre pays les véhicules Dacia, ou ceux produits dans ses ateliers espagnols (ceux de la FASA, « Fabricacion de Automoviles Sociedad Anonyma devenue Renault Espana) ou slovènes, sur le site de Novo Mesto.
Et je peux multiplier les exemples pour ne préciser que l’essentiel.
C’est qu’à force de lâcher la bride sur le cou de nos grands groupes, de les laisser faire leurs choix de gestion en toute indépendance et sans contraintes fiscales excessives (le niveau réel de l’impôt sur les sociétés en France est inférieur celui de l’Irlande), nous avons juste vu se gaspiller dans le privé ce qui était auparavant dans la sphère publique…
Je vais même vous dire, Kerxizor, cela fait aussi quelques années que l’Etat, dans sa grande mansuétude, supporte le poids des décisions de gestion d’entreprises qui n’utilisent pas leurs liquidités pour investir en France, y développer la recherche, y créer des emplois.
Il le supporte en mettant à son compte les dépenses de traitement social du chômage et du sous emploi qui découlent de ces choix.
Faute d’un niveau de création d’emplois suffisant, d’un réel développement de la valeur ajoutée et de la productivité (généraliser la création d’emplois de service sous payés ne peut constituer un projet économique viable), nous n’avons aujourd’hui que la distribution de dividendes à opposer à celle de revenus de transfert venant compenser les manques criants d’offre sur le « marché du travail ».
La suite au prochain numéro puisque, comme vous l’avez lu, la question des dépenses publiques renvoie immédiatement à celle des recettes…