de vudeloin » Jeu 12 Jan 2012 15:26
Intéressant, et je dois dire, d'ailleurs, que la réponse de Kerxizor ne me surprend pas le moins du monde.
Tout simplement parce que, depuis la loi organique sur les lois de finances de 2001 et la répartition du budget en missions, ce n'est plus l'Enseignement scolaire pas plus que la Défense qui viennent en tête des dépenses publiques...
Mais alors quoi, me direz vous ?.
Bonne question...
Eh bien, tout simplement, un « machin « qu’on appelle « Remboursements et dégrèvements », farci de crédits évaluatifs, dont le montant total, calculé pour 2012 à raison des évolutions de notre droit fiscal, se monte à rien moins que 84 883 085 000 euros…
Pas loin de 85 milliards de dépenses (somme à rapprocher éventuellement du déficit annoncé de 80,351 milliards d’euros) pour tenir compte des ajustements de notre droit fiscal sous forme de remboursements d’impôts et de dégrèvements divers.
Rentrons un peu dans le détail de ces sommes.
Deux programmes dans cette mission budgétaire : le premier, ce sont les remboursements et dégrèvements sur les impôts d’Etat.
Montant : 74 573 085 000 euros (le degré de précision de ces montants est relatif, puisqu’en matière budgétaire, la précision au millier d’euros est par nature imparfaite…)
Répartition :
Remboursement de la TVA : 49 256 605 000 euros
Remboursements sur l’impôt sur les sociétés : 10 596 021 000 euros
Prime pour l’emploi : 2 150 000 000 euros
Baisses ciblées de l’impôt sur les sociétés : 2 781 847 000 euros
Ajustements de la taxe sur les produits pétroliers : 910 736 000 euros
Mesures spécifiques sur l’impôt sur le revenu : 1 490 000 000 euros
Bouclier fiscal : 161 961 000 euros…
Le remboursement de TVA, c’est évidemment celui qui procède de la TVA dite déductible des achats des entreprises et qui constitue, d’ailleurs, une ressource de trésorerie non soumise à l’impôt.
Je rappelle, pour les non initiés, que l’impôt sur les sociétés, par principe, est calculé sur le chiffre d’affaires hors taxes de nos entreprises sous forme de société de capitaux, la TVA étant, comme on dit en droit fiscal, un « impôt neutre »…
On peut utilement rapprocher le montant du remboursement de TVA (affectant à la fois les entreprises et sociétés sous forme de sociétés de capitaux et de personnes) qui est donc de 49,256 milliards d’euros avec celui du produit attendu de l’impôt sur les sociétés en 2012, évalué pour sa part à 46,21 milliards d’euros.
Un signe évident, chacun en conviendra, de la charge fiscale insupportable qui pèse sur les entreprises de notre pays !
Un de mes amis, ancien directeur d’un centre des impôts, m’a défini un jour de la manière suivante les crédits de TVA : « ce n’est rien d’autre que du profit gratuit «.
Pour ce qui concerne l’IS, la première partie (environ 10,6 milliards d’euros) constitue l’ajustement des acomptes des entreprises, notamment avec les dispositifs bien connus de report en arrière des déficits sans limitation de durée.
Pour ceux qui l'ignorent sans doute, l'impôt sur les sociétés est en effet comme une sorte de compte en banque des entreprises auprès du Trésor Public qu'elles peuvent d'ailleurs faire varier à raison de leurs besoins.
Ainsi, si en 2011, une entreprise connaît un résultat fiscal déficitaire, elle peut demander le remboursement d'une partie de l'impôt payé les années précédentes, le déficit faisant l'objet du même taux que le profit.
La seconde partie (environ 2,8 milliards), celle des baisses ciblées de l’IS, couvre une part de la dépense fiscale IS, et notamment des mesures comme la défiscalisation de la première tranche de résultat fiscal des PME, l’exonération Corse ou encore les effets du crédit d’impôt recherche.
A noter toutefois que ces calculs n’intègrent aucunement la totalité de la dépense fiscale et des effets des mesures d’application de l’IS tels que la Cour des Comptes les a évalués.
Ainsi, on ne traite plus aujourd’hui dans le cadre de la dépense fiscale IS des effets du régime des groupes, qu’on peut aujourd’hui estimer à plus de 40 milliards d’euros de pertes de recettes fiscales, somme procédant notamment de la structuration juridique et comptable des groupes, pour tout dire de la pure optimisation fiscale.
De même qu’aucun calcul n’existe, a priori, sur le fait que l’ensemble des taxes prétendument assises sur les salaires (alors qu’elles n’en constituent qu’une traduction mutualisée) sont déductibles du résultat de l’entreprise, de même que sa contribution éventuelle au financement des collectivités locales par le truchement de la contribution économique territoriale.
Pour ce qui concerne la prime pour l’emploi, je ne reviens évidemment pas sur son montant (un peu plus de 2 milliards d’euros pour 9 millions de personnes concernées) mais sur un ajustement de la législation qui a fait rentrer les salaires perçus pour les heures sup’ défiscalisées dans les salaires sous plafond pour y prétendre.
Résultat bien connu : les salariés qui font des heures sup’ déclarées, depuis 2007, ne paient certes pas d’impôt sur le revenu sur la rémunération de ces heures mais touchent moins de prime pour l’emploi en contrepartie.
A noter que le RSA « complément d’activité » présente la même caractéristique que les heures sup’ et que son montant vient s’imputer sur le plafond de salaires retenu pour application de la PPE.
Les heures sup’ défiscalisées ne figurent pas en tant que telles dans l’estimation des crédits de la mission.
Les mesures relatives à l’impôt sur le revenu, ici regroupées, portent sur un certain nombre de niches fiscales, la plus fournie étant celle des emplois à domicile (1,29 milliard d’euros sur 1,49 au total).
Enfin, celles relatives à la taxe sur les produits pétroliers concernent, par exemple, la détaxe partielle du carburant des taxis…
Le second programme de la mission porte sur les impositions locales.
Il représente un volume de crédits évaluatifs de 10,31 milliards d’euros, dont 5,61 milliards consacrés aux remboursements et dégrèvements de contribution économique territoriale.
3,5 milliards d’euros sont ensuite consacrés aux allégements de taxe d’habitation en direction des redevables les plus modestes.
Bon, je ne vais pas épiloguer sur le thème (nous aurons d’autres messages pour ce faire) mais juste deux trois points sur le différentiel de dépenses de santé entre la France et les Etats-Unis, notre système de santé n’utilisant que 11,4 % du PIB pour se financer alors que les USA en sont à 16 %...
Un, la France a fait le choix de la protection sociale solidaire (les actifs bien portants payant pour les malades)
Deux, les USA privilégient la couverture individuelle, et il s’avère que le montant de dépenses est plus élevé, affirmant par là même la supériorité du modèle français de couverture collective et solidaire sur le système assurantiel.
Trois, la question posée est aussi celle du poids des dépenses publiques.
Les dépenses de santé étant largement socialisées en France, elles sont, aussi largement, intégrées dans le volume des dépenses publiques, volume que beaucoup critiquent en mettant justement en avant le modèle US.
Sauf que la dépense publique de santé aux USA, c’est Medicare et Medicaid, c'est-à -dire l’équivalent local de la CMU.
La comparaison devrait donc se faire, réimputation faite du montant des dépenses financées par le modèle assurantiel…
Dernier point : on peut aussi juger de l’efficacité de la dépense à raison des résultats atteints.
En France, l’espérance de vie en 2011 est de 78 ans pour les hommes et 84 ans et demi pour les femmes.
Aux USA, l’espérance de vie est d’environ 76 ans pour les hommes ( cinq ans de moins pour les Noirs) et 81 ans pour les femmes.
Nous sommes classés 6e dans le monde de ce point de vue, les USA 33e, derrière des pays comme Chypre, la Bosnie ou la Jordanie et presque à égalité avec l’Albanie ou Cuba.
S’il fallait prouver que la dépense publique est le mode le plus efficace pour ce qui concerne le financement de la santé, je crois que nous aurions là quelque élément de preuve.
Le pire, c’est que le mauvais état sanitaire d’une bonne part de la population états – unienne est, aussi, un handicap pour l’emploi et la croissance aux USA.
On ne travaille pas efficacement quand on est mal soigné !