Sur toute la planète,les travaux des épidémiologistes et modélisateurs battent leur plein.
Au Etats-Unis, l'Institute for Heath Metrics and Evaluation (IHME) de l'Université de l'Etat de Washington a mis en ligne les résultats de son modèle de prévision, au niveau des USA et de chaque Etat, des besoins hospitaliers à mobiliser (lits et ICU (soins intensifs)) et des décès à attendre.
https://covid19.healthdata.org/projections Il prévoit environ 80 000 décès (fourchette entre 40 000 et 150 000) d'ici le mois de juin,nombre cohérent avec la fourchette 100 000 - 200 000 annoncé par le Dr Anthony Fauci lors d'une de ses dernières intervention aux côtés de Trump, et nombre cohérent avec ce que l'on voit maintenant se profiler en Europe: déjà plus de 20 000 décès, sans compter les décès en EHPAD (voire à domicile) et alors que nous sommes encore au début de la courbe des décès.
En France, l'Université de Rennes avait effectué un travail analogue (daté du 16 mars et présenté dans Le Monde du 21 mars) au profit du ministère de la santé, avec comme principal objectif d'évaluer les besoins hospitaliers,région par région.
https://sfar.org/download/covid-19-fore ... 1585650560Cette estimation avait considéré trois hypothèses sur la contagiosité initiale (avant contremesures) du virus (le fameux R0 des épidémiologistes) et avait également évalué le nombre de décès d'ici le 15 avril (en ordre de grandeur):
- R0 de 1.5 - 1 000 décès
- R0 de 2.25 - 3 200 décès
- R0 de 3 -11 000 décès
Avec 3 000 décès au 30 mars pour l'hôpital seulement,il semble bien que le R0 initial était de l'ordre de 3 ou supérieur à 3.
Enfin, hier 30 mars,au Royaume-Uni,l'équipe COVID 19 d'Impérial Collège a diffusé une estimation, pour 11 pays européens significativement touchés à ce jour:
- du R0 initial,avant le confinement, et du R0 après le confinement;
- du nombre de personnes infectées au 28 mars;
- de l'impact de contremesures prises (diverses variantes de confinement), via le nombre de morts évités.
https://www.imperial.ac.uk/media/imperi ... 3-2020.pdfCette estimation se base sur l'information donnée par la courbe des décès dans chacun des 11 pays (surtout Italie et Espagne), en intégrant le délai moyen de 3 semaines (essentiellement entre 15 jours et un mois) entre infection et décès.
Concernant la contagiosité initiale du virus, elle estime le R0 initial à un niveau très élevé (un peu moins de 4) et donc un nombre élevé de personnes infectées (au 28 mars);c'est une bonne nouvelle pour 99 % des intéressés et une beaucoup moins bonne pour les autres:
- Italie: 9.8 % soit 5.9 millions
- Espagne: 15 % soit 6.9 millions
- France: 3 % soit 2 millions
- R.U. : 2.7 % soit 1.8 millions
- Allemagne: 0.7 % soit 600 000
Mais le plus notable dans cette étude est qu'elle évalue à peine en dessous de 1 (0.97) le R0 après confinement; autrement dit, l'épidémie ne s'éteint que très très lentement,malgré le confinement; ce résultat est cependant à prendre avec prudence; compte-tenu du délai de 2 à 4 semaines entre infection et décès, ce n'est qu'à partir de mi-avril que l'on connaîtra vraiment l'efficacité du confinement.
Par ailleurs, si en valeur absolue, ces nombres sont entachés d'une forte incertitude (pour la France,fourchette entre 700 000 et 5 millions), il me semble que le ratio du nombre des contaminés dans chaque pays rapporté au nombre italien peut constituer un bon indicateur de ce que sera le bilan final de l' épidémie:
- Espagne: même ordre de grandeur que l'Italie, voire un peu supérieur;
- France: 1/3 du bilan italien
- R.U.: même ordre de grandeur que pour la France
- Allemagne: 30 % du bilan français.
En valeurs absolues, si les résultats de cette étude devaient se confirmer dans les prochaines semaines,et en supposant le confinement efficace, avec un taux de létalité de 1%, le bilan total pourrait donc s'élever à environ:
- 60 000 décès en Italie et Espagne;
- 20 000 décès en France et en Grande-Bretagne;
- 6 000 décès en Allemagne.
Il reste l'espoir lié aux incertitudes et au fait que, par le passé, les modèles se sont beaucoup trompés...