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Arguments de fond pour la proportionnelle

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Arguments de fond pour la proportionnelle

Messagede Baudran V » Dim 15 Déc 2024 22:17

Pourquoi parler de la proportionnelle ou la question de la représentativité de la représentation nationale

Le mal-être civique actuel a des causes que tous ceux qui se soucient du bien commun, élus, penseurs, journalistes doivent identifier en vue de sa résorption. Or, ce mal-être est lié à la défiance des citoyens pour les gouvernants. Les citoyens ne s'identifient plus aux politiques : ceci pose évidemment la question de représentativité de ces derniers et donc en particulier celle de la représentation nationale.
Certains pensent que voter à nouveau résoudra ce problème. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il ne suffira cependant pas de revoter pour que les choses s'arrangent dans notre démocratie fragilisée, les résultats d'une nouvelle élection ne seront pas forcément différents ou plus satisfaisants que ceux de la précédente et les électeurs pourraient en vouloir à ceux qui paraîtraient à l'origine de l'instabilité en les faisant voter et revoter au motif que leur vote n'a pas été satisfaisant.
Notre démocratie est affaiblie pour une raison majeure simple mais dont on parle peu : du fait d'un mode de scrutin archaïque, que le monde démocratique ne nous envie pas, la représentation nationale ne représente pas la nation car elle ne représente pas fidèlement le poids des courants d'opinion.
Pire, non seulement elle déforme et fausse cette représentation, mais elle ne permet pas de dégager de majorité ou produit soit des majorités pléthoriques non représentatives, soit pas de majorité…
C'est un mauvais système qu'il est nécessaire de corriger pour pleinement renforcer sinon rétablir le caractère réellement démocratique de notre vie parlementaire et la confiance des citoyens. Les seize arguments ci-après sont cumulatifs, on peut toujours en contester un ou plusieurs, mais leur masse plaide globale orienté même dans le même sens.
Le débat mérite en tout cas d'être posé avec sérieux et dans le respect par les acteurs du débat public.

Voici donc 16 arguments de principe et de fond pour la proportionnelle.

1. La première question que doit se poser une personne honnête et un vrai démocrate, ce n'est pas "est-ce que ce mode de scrutin va donner les résultats que je souhaite ?" mais "va-t-il être représentatif du peuple français et lui donner une assemblée capable d'accomplir sa mission dans de bonnes conditions ?". Se poser la question du "est-ce bon pour moi et mon parti" est une forme de corruption de l'esprit civique et républicain. Ce genre de questionnement égoïste est certes humain mais disqualifiant : en démocratie, on respecte les aspirations du peuple, on ne cherche pas à leur imposer une distorsion au prétexte qu'on a des préférences personnelles. Les électeurs sont dégoûtés quand ils ont l'impression que l'on tripatouille le mode de scrutin pour avantager ou désavantager tel ou tel.

2. La représentativité de la nation au travers de la représentation nationale est la base de sa légitimité démocratique. Si par exemple, quand il y a 3 partis en lice, le premier en voix peut devenir le troisième en sièges et le troisième en voix le premier en sièges, c'est qu'il y a plus qu'un gros problème. C'est que le principe de base de la démocratie représentative est violé.

3. Evidemment, ce genre d'affirmation peut troubler et provoquer chez certains un déni de réalité caractéristique appelé dissonance cognitive mais précisément, les gens lucides regardent en face cette réalité qui les choque quand ils ont compris que c'était la réalité. N'écartons pas les faits, prenons les pour bases et appuyons-nous aussi sur les principes démocratiques. Fuir la réalité politique et masquer cette fuite avec des arguments de convenance en jouant sur les mots ou en recourant à des généralités non démontrées n'est pas éthique.

4. Notre mode de scrutin n'existe pas dans les grandes démocraties qui ont majoritairement adopté soit la proportionnelle intégrale, soit des modes de scrutin mixtes, soit le majoritaire à un seul tour (pour éviter les magouilles partisanes de second tour). D'Israël aux Etats-Unis, de l'Allemagne à l'Italie, on ne connaît pas cette aberration qu'est notre système actuel qui fausse la représentation nationale en modifiant et donc en faussant les rapports de force politiques réels.

5. Les élections à deux tours sont parfois inévitables comme pour la présidentielle mais plus on s'en passe, plus on respecte un des principes fondateurs du gaullisme et de la cinquième république : le refus du régime des partis. Car entre les deux tours, les partis s'arrangent, ils disent le contraire de qu'ils disaient au second, ils font des combines et forcent le choix des électeurs en limitant et donc en imposant des choix. Limiter le choix des citoyens fait de ces derniers des êtres immatures à qui il faut dire et si besoin imposer le choix qu'il n'auraient pas spontanément si on leur avait donné le choix. Ce vice dans l'information désinforme la démocratie et en fausse le caractère réellement représentatif. Ce système est d'ailleurs fondé sur des règles arbitraires et donc peu légitimes voire absurdes. Ainsi, pourquoi 12.5% des inscrits par exemple ? L'interdiction des triangulaires ou quadrangulaires serait plus saine que tous les marchandages, tripatouillages et pressions qui consternent les citoyens. On pourrait donc envisager comme aux EU ou au RU un scrutin majoritaire à un tour, qui favoriserait un bipartisme, ce serait toujours mieux moralement que le système actuel.

6. Cependant la diversité des courants d'opinion est une réalité qu'il n'est pas sage, intelligent, juste de masquer mais qu'il est conforme au principe de représentativité de refléter fidèlement et finement sans simplifier abusivement le paysage politique. La proportionnelle, si besoin avec une prime à la liste majoritaire, est seule capable de représenter fidèlement les gens, c'est un fait. Elle est le plus en accord avec le principe démocratique du gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple en reflétant le poids réel de l'opinion.

7. L'argument de l'absence de majorité ne tient pas car le système actuel ne produit pas toujours des majorités saines et équilibrées et de plus un dispositif de prime peut garantir la majorité. L'exemple de 2024 est parlant de l'impuissance que peut créer le scrutin majoritaire.

8. Même sans prime on peut et on devrait apprendre en France à construire des majorités de projet car sur chaque vote, une majorité peut se faire. C'est déjà un peu le cas, mais cela pourrait être approfondi et cela apprendrait aux Français à faire plus de compromis et donc à mieux s'aimer les uns les autres. Les partis faillent moralement quand ils ne font que diviser les Français. Il faut leur rappeler aussi leur devoir moral qui est de s'unir et de ne pas se haïr et diaboliser les uns les autres. Trop de partis semblent vouloir maintenir notre peuple dans un climat de guerre civile froide. Les politiques et les élus doivent inciter les gens à discuter, à échanger les arguments. Les invectives et la diabolisation créent une mauvaise ambiance, rendent les gens malheureux et stressés, font naître la haine. Les politiques doivent empêcher cela et favoriser la concorde et la paix civile. La culture du compromis manquent à la France, l'exaltation et le fanatisme, le sectarisme et la haine ne doivent pas être encouragés. Ils conduisant à des guerres froides métaphysiques et quasi religieuses et peuvent parfois amener la guerre civile qui est souvent la plus cruelle des guerres.

9. La proportionnelle est le seul mode de scrutin qui garant le principe d'égalité des citoyens français : le vote de chaque citoyen a le même impact partout, une voix vaut une voix alors qu'avec le système majoritaire, des voix valent moins que d'autres, ce qui est profondément injuste, arbitraire et contraire à l'égalité devant la loi ou isonomie, second principe de la république française. Avec notre mode de scrutin actuel, on pourrait envisager qu'un parti fasse 49% partout en France mais n'ait pas un seul député. Qui peut décemment prétendre que cela est juste et bien ? Si encore on avait la stabilité, mais on ne l'a même pas…

10. Si on refuse le principe de la prime ou de faire preuve d'un peu d'imagination pour élaborer des systèmes mixtes parfaitement envisageables, alors il faut regarder hors de France. Si les Allemands et les Italiens en sont capables, pourquoi pas nous ? Le fait de dire qu'ils ont des traditions différentes ne tient pas : l'universalisme de la raison et de la démocratie et sans employer de grands mots le simple réalisme peuvent très bien répondre cette objection de la prétendue impossibilité d'appliquer la proportionnelle en France. Quand on veut on peut et si cela marche ailleurs, cela peut marcher chez nous.

11. Certains diront oui mais le gaullisme c'est le scrutin majoritaire mais c'est faux. En 1945, le Général a fait le choix de la proportionnelle (voir l'article de Dominique Chagnollaud, professeur à Paris II). De Gaulle était un pragmatique. Il est clair que transitoirement le scrutin majoritaire à deux tours a permis de réaliser ce qu'avait résumé André Malraux à savoir qu'entre le PCF et le gaullisme "il n'y avait rien". C'était faux mais bien pratique électoralement pour assurer à la droite de gagner face au PC, parti rebrousse-poil bien commode. Mais on ne peut rester dans cette logique obsolète et qui reposait aussi sur une guerre civile froide qu'il n'est pas sain de vouloir faire durer éternellement.

12. Les majorités pléthoriques outre qu'elles faussent la représentation nationale ont aussi pour conséquence néfaste d'être difficilement gérable. Les élus deviennent alors des godillots ou des rebelles soucieux de faire leur publicité plutôt que de mettre en qualité le travail législatif et de contrôle de l'assemblée. L'opposition si utile et nécessaire en démocratie ne peut faire son travail correctement, la société française ne se reconnaît plus dans son Assemblée et les retours de bâton sont violents (comme en 1997 après seulement quatre ans d'une majorité RPR-UDF disproportionnée).

13. Sur le plan de principe, il faut retenir une chose : l'Assemblée nationale représente la Nation et c'est parce qu'elle avait cette prétention que sous la Restauration on a affublé les députés de la nation du titre de "députés des départements". Car seul le Roi représentait la nation selon l'ancienne monarchie. La "chambre des députés des départements" est devenue "chambre des députés" tout court pour réaffirmer son caractère de représentation nationale. Aujourd'hui, il y a encore ce problème car la représentation nationale est disputée entre le Président de la République et l'Assemblée nationale qui peuvent se prévaloir concurremment du titre de représentant de la Nation. Mais pour que l'AN soit pleinement représentative de la nation, il est donc nécessaire que la circonscription électorale soit nationale. Car sinon, même si on a enlevé le "des départements", le député n'est dans le fait que le représentant de sa circonscription et pas celui de la nation. Pour faire coïncider la théorie et la réalité, il faut que les députés soient élus sur la base d'une circonscription nationale.

14. Est-ce à dire qu'il ne faut pas d'élus des territoires et de circonscriptions locales ? Non car le Sénat est là pour cela, il a cette grande utilité de représenter les territoires. Le Sénat pourrait aussi très bien ne pas être élu uniquement que par des grands électeurs. Les citoyens pourraient lui donner une légitimité supplémentaire par vote au scrutin majoritaire uninominal (à un ou deux tours mais comme vu plus haut à un tour est plus sain pour éviter les combines d'appareil).

15. Certains voudront s'en tirer par une pirouette en disant "ce n'est pas la priorité des Français" (il est vrai que le déclin de la France dans les classements économiques, financiers, scolaires ou scientifiques inquiètent les citoyens). Mais si nous déclinons c'est peut-être que nos politiques ne ressentent pas ce sentiment et cette réalité que vivent les Français et c'est pourquoi ils doivent davantage les représenter. il appartient en outre aux élus de faire preuve parfois de sagesse et de lucidité à long terme, de comprendre que le bien du pays passe par une certaine hauteur de vue. Et puis il faut être honnête, les gouvernants ne font pas que suivre les priorités des Français. Donc ici il n'y a aucune échappatoire pour ne pas enfin traiter ce sujet qui traîne et empoisonne depuis des décennies notre démocratie.

16. Un autre argument faux des partisans du maintien du système actuel est que la proportionnelle ou une dose de proportionnelle induiraient une instabilité gouvernementale mais c'est faux, il suffit par exemple d'inscrire dans la Constitution le principe de la motion de censure constructive qui veut que la motion de censure doit nécessairement prévoir un chef de gouvernement pour remplacer celui qu'elle propose de renverser. La motion de censure constructive existe en Allemagne et dans cinq autres États membres de l'Union européenne ou dans de nombreux pays. En France, la motion de défiance constructive a été introduite, pour la première fois, par la loi no 91-428 du 13 mai 1991 portant statut de la collectivité territoriale de Corse ; elle existe aussi en Martinique, à Saint-Pierre-et-Miquelon ainsi qu'en Polynésie française. D'autres mécanismes peuvent être envisagés, quand on veut on peut trouver des solutions avec un peu d'imagination et de bonne volonté.

Notre mode de scrutin n'est pas de droit divin, il n'est pas éternel, il peut et il doit être changé et le moment présent est le bon pour le faire. Attendre ne fera que renforcer la crise et nous conduire à un avenir incertain et inquiétant.
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Re: Arguments de fond pour la proprtionnelle

Messagede metre3 » Dim 29 Déc 2024 09:31

Bonjour

Je partage l'analyse mais je ne vois pas pourquoi vous dites au point 5 que l'élection à 2 tours est indispensable pour l'élection présidentielle. Avec une présidentielle à un tour, le-la président(e) serait peut être plus représentatif du souhait de la majorité même relatif des électeurs qu'un deuxième tour qui se joue trop souvent contre que pour.

Pour le Senat, je verrais bien une assemblée des territoires avec 3 scrutins proportionnels : un pour le bloc communal, un pour le bloc départemental et un pour le bloc régional (le découpage, le financement, les rôles et le mode d'élections de ces 3 blocs pouvant par ailleurs faire l'objet de débats et de réorganisation)

Bon dimanche
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Re: Arguments de fond pour la proprtionnelle

Messagede Proximus » Dim 29 Déc 2024 19:37

Je pense qu'il n'y aura pas de passage à la proportionnelle sous ce gouvernement qui y perdrait une bonne partie de ses sièges.
Pour LR notamment je pense que ce serait un casus belli.
Personnellement je ne partage aucun des arguments développés ci-dessus.
S'il y a bien un archaïsme que nous subissons, c'est bien l'élection du président tout les 5 ans qui se transforme pour les pires d'entre eux en roi de France, totalement déconnectés des réalités du pays comme nous ne pouvons que le constater actuellement.

Autant je pense qu'il faut changer nos institutions, autant le mode de scrutin législatif ne me parait pas à changer en premier, en tout cas sûrement pas de cette façon, cela ne fera qu'aggraver la crise politique en éloignant les députés du terrain.
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Re: Arguments de fond pour la proprtionnelle

Messagede tet2lar » Lun 30 Déc 2024 12:01

La proportionnelle à pour moi un immense inconvénient : Elle donne le choix des élus aux partis en leur permettant de les placer en tête de liste. Ce qui est très pratique pour éliminer la représentation de opposition interne. Je pense que le choix de la personne la représentant doit rester la prérogative de l'électeur.

Penser que le changement de mode de scrutin aux législatives modifierait le comportement actuel des partis qui ne visent que la présidentielle me paraît naïf.

Cependant, pour compenser l'inconvénient du biais de représentativité du scrutin majoritaire, je serais favorable à une dose minimale de proportionnelle pour que chaque courant de pensée dépassant un certain seuil puisse avoir des représentants à l'assemblée.
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Re: Arguments de fond pour la proprtionnelle

Messagede Marcy » Lun 30 Déc 2024 13:06

Tant qu'on n'appliquera pas une proportionnelle intégrale, sans seuil, avec une seule circonscription nationale, le mode de scrutin restera suspect de tous les tripatouillages - et à juste titre.
En 1945 Charles de Gaulle est contre le scrutin majoritaire à deux tours aux législatives car ce mode de scrutin aurait favorisé le PCF. En 1958, c'est au contrôle le scrutin majoritaire à deux tours qui contribuera à éliminer pratiquement le PCF de la première assemblée de la Ve République (10 députés !).
Les apparentements de la IVe République avaient pour seul objectif d'éliminer gaullistes et communistes de la représentation parlementaire dans les départements où la Troisième force est majoritaire en voix.
VGE a porté à 12,5% des suffrages exprimes le seuil du maintien au deuxième tour des législatives pour forcer au regroupement les composantes de ce qui est devenu l'UDF.
Le scrutin majoritaire s'accompagne, tant aux législatives qu'aux départementales, de charcutages dans la démimitation des circonscriptions avec l'espoir pour le pouvoir de créer des réserves d'Indiens d'opposants.
Bref, tout autre mode de scrutin que la proportionnelle intégrale dans une seule circonscription nationale, sans seuil, ne sert que des intérêts partisans.
La proportionnelle intégrale correspond à une règle simple, appliquée dans une démocratie comme l'Afrique du Sud, et qui aura le mérite de clôturer un débat très français.
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Re: Arguments de fond pour la proprtionnelle

Messagede metre3 » Lun 30 Déc 2024 13:55

tet2lar a écrit:La proportionnelle à pour moi un immense inconvénient : Elle donne le choix des élus aux partis en leur permettant de les placer en tête de liste. Ce qui est très pratique pour éliminer la représentation de opposition interne. Je pense que le choix de la personne la représentant doit rester la prérogative de l'électeur.

J'avoue que je ne vois pas la différence avec le mode de scrutin actuel, les primaires législatives étant rares, c'est bien quasiment toujours les partis qui désignent les candidats et seuls quelques francs-tireurs bien implantés peuvent se passer d'une imprimatur et être élus !
A contrario, les présidentielles présentent presque plus de diversité surtout avec des résultats de primaires inattendus et des "affaires" opportunes, même si le résultat semble souvent connu d'avance, une fois la liste close.
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Re: Arguments de fond pour la proportionnelle

Messagede pba » Mer 1 Jan 2025 20:18

Voir l'analyse suivante :

-https://www.lagrandeconversation.com/debat/politique/le-vote-proportionnel/ (débat septembre 2013)
avec Terra Nova

Cette étude test différentes hypothèses de proportionnelle et de scrutins mixtes .

Leur conclusion " Quant à nous, la proposition qui nous a paru la plus pertinente est un système mixte avec de l’ordre de 75% des députés élus localement suivant le principe majoritaire et 25% élus suivant un principe de proportionnalité compensatoire au niveau national, l’électeur votant une seule fois."


Pour ma part, je précise qu'il existe de multiples possibilités soit de proportionnelle (selon le niveau de territoire: nation, région ou département; seuil ou non et si oui lequel; possibilité ou non de vote préférentiel, voir unique transférable comme en Irlande)

le vote unique transférable:
Les politologues ont souvent considéré le vote unique transférable (VUT) comme l'un des systèmes électoraux les plus attrayants, mais il n'a servi que dans des cas très limités lors d'élections parlementaires nationales - en Irlande depuis 1921 (voir Irlande : un système typique de vote unique transférable), à Malte depuis 1947 (voir Malte - Vote unique transférable adapté) et à une occasion en Estonie en 1990. Il sert également en Australie, pour les élections à la Chambre de l'assemblée tasmanienne, à l'Assemblée législative du territoire de la capitale australienne et au Sénat fédéral (voir Vote alternatif en Australie) ainsi qu'en Irlande du Nord, pour les élections locales. Les principes du système furent élaborés indépendamment, au dix-neuvième siècle, par Thomas Hare en Grande-Bretagne et Carl Andræ au Danemark. Le VUT sert pour des circonscriptions plurinominales; on demande aux électeurs de classer les candidats en ordre de préférence sur leur bulletin de vote de la même façon que dans le vote alternatif ou préférentiel. Dans la plupart des cas, cette indication de préférence est facultative, les électeurs n'étant pas obligés de classer tous les candidats en ordre de préférence; s'ils le désirent, ils peuvent en marquer seulement un. Après que le total des suffrages concernant le premier choix a été compté, le décompte commence par l'établissement du « quotient » de voix requis pour l'élection d'un seul candidat. Le quotient est calculé à l'aide d'une formule simple :

Quotient = (suffrages/sièges+1) + 1

La première étape consiste à compter le nombre total de voix de premier choix pour chaque candidat. Tout candidat qui a reçu plus de voix de premier choix que le quotient est immédiatement élu. Si personne n'atteint le quotient, le candidat ayant recueilli le plus faible nombre de premiers choix est éliminé et ses voix de deuxième choix sont redistribuées aux candidats qui demeurent dans la course. En même temps, les voix de surplus des candidats déjà élus (c.-à-d. les voix qui dépassent le quotient) sont redistribuées selon les deuxièmes choix exprimés sur les bulletins de vote. Afin d'être juste, tous les bulletins de vote d'un candidat sont redistribués, mais chacun de ceux-ci ne reçoit qu'une fraction procentuelle d'une voix, de sorte que le total des suffrages redistribués est égal au surplus du candidat (sauf en Irlande, où on utilise un échantillon pondéré). Si un candidat a obtenu 100 voix, par exemple, et que son surplus s'élève à 10 voix, alors chaque bulletin de vote sera redistribué à une valeur de 1/10e de voix. Ce processus continue jusqu'à ce que tous les sièges de la circonscription aient été attribués.

On peut également avoir une correction proportionnelle (appelée aussi système mixte avec compensation ) comme préconisée par l'étude citée et souvent citée par F.Bayrou : il s'agit de cpmenser partiellement les partis "désavantagés"par le résultat d'un scrutin majoritaire .

Je conseille le panorama suivant des modes de scrutin :
https://aceproject.org/main/francais/es/esf03.htm


Pour ma part, en considérant qu'un mode de scrutin doit à la fois représenter et permettre de gouverner, je suis défavorable à une RP intégrale (voir les difficultés en Israel), à un scrutin uniquement majoritaire et à une prime majoritaire globale telle que préconisée par le RN (300 sièges sur 577!!!) ou même partielle car trop incertaine à mettre en oeuvre .
J'inclinerais vers un scrutin mixte avec vote préférentiel permettant de tisser un lien entre électeur et candidat ou un scrutin de compensation .
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Re: Arguments de fond pour la proportionnelle

Messagede ChristianC. » Sam 4 Jan 2025 10:27

Baudran V a écrit:Pourquoi parler de la proportionnelle ou la question de la représentativité de la représentation nationale

Le mal-être civique actuel a des causes que tous ceux qui se soucient du bien commun, élus, penseurs, journalistes doivent identifier en vue de sa résorption. Or, ce mal-être est lié à la défiance des citoyens pour les gouvernants. Les citoyens ne s'identifient plus aux politiques : ceci pose évidemment la question de représentativité de ces derniers et donc en particulier celle de la représentation nationale.
Certains pensent que voter à nouveau résoudra ce problème. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il ne suffira cependant pas de revoter pour que les choses s'arrangent dans notre démocratie fragilisée, les résultats d'une nouvelle élection ne seront pas forcément différents ou plus satisfaisants que ceux de la précédente et les électeurs pourraient en vouloir à ceux qui paraîtraient à l'origine de l'instabilité en les faisant voter et revoter au motif que leur vote n'a pas été satisfaisant.
Notre démocratie est affaiblie pour une raison majeure simple mais dont on parle peu : du fait d'un mode de scrutin archaïque, que le monde démocratique ne nous envie pas, la représentation nationale ne représente pas la nation car elle ne représente pas fidèlement le poids des courants d'opinion.
Pire, non seulement elle déforme et fausse cette représentation, mais elle ne permet pas de dégager de majorité ou produit soit des majorités pléthoriques non représentatives, soit pas de majorité…
C'est un mauvais système qu'il est nécessaire de corriger pour pleinement renforcer sinon rétablir le caractère réellement démocratique de notre vie parlementaire et la confiance des citoyens. Les seize arguments ci-après sont cumulatifs, on peut toujours en contester un ou plusieurs, mais leur masse plaide globale orienté même dans le même sens.
Le débat mérite en tout cas d'être posé avec sérieux et dans le respect par les acteurs du débat public.

Voici donc 16 arguments de principe et de fond pour la proportionnelle.

1. La première question que doit se poser une personne honnête et un vrai démocrate, ce n'est pas "est-ce que ce mode de scrutin va donner les résultats que je souhaite ?" mais "va-t-il être représentatif du peuple français et lui donner une assemblée capable d'accomplir sa mission dans de bonnes conditions ?". Se poser la question du "est-ce bon pour moi et mon parti" est une forme de corruption de l'esprit civique et républicain. Ce genre de questionnement égoïste est certes humain mais disqualifiant : en démocratie, on respecte les aspirations du peuple, on ne cherche pas à leur imposer une distorsion au prétexte qu'on a des préférences personnelles. Les électeurs sont dégoûtés quand ils ont l'impression que l'on tripatouille le mode de scrutin pour avantager ou désavantager tel ou tel.

2. La représentativité de la nation au travers de la représentation nationale est la base de sa légitimité démocratique. Si par exemple, quand il y a 3 partis en lice, le premier en voix peut devenir le troisième en sièges et le troisième en voix le premier en sièges, c'est qu'il y a plus qu'un gros problème. C'est que le principe de base de la démocratie représentative est violé.

3. Evidemment, ce genre d'affirmation peut troubler et provoquer chez certains un déni de réalité caractéristique appelé dissonance cognitive mais précisément, les gens lucides regardent en face cette réalité qui les choque quand ils ont compris que c'était la réalité. N'écartons pas les faits, prenons les pour bases et appuyons-nous aussi sur les principes démocratiques. Fuir la réalité politique et masquer cette fuite avec des arguments de convenance en jouant sur les mots ou en recourant à des généralités non démontrées n'est pas éthique.

4. Notre mode de scrutin n'existe pas dans les grandes démocraties qui ont majoritairement adopté soit la proportionnelle intégrale, soit des modes de scrutin mixtes, soit le majoritaire à un seul tour (pour éviter les magouilles partisanes de second tour). D'Israël aux Etats-Unis, de l'Allemagne à l'Italie, on ne connaît pas cette aberration qu'est notre système actuel qui fausse la représentation nationale en modifiant et donc en faussant les rapports de force politiques réels.

5. Les élections à deux tours sont parfois inévitables comme pour la présidentielle mais plus on s'en passe, plus on respecte un des principes fondateurs du gaullisme et de la cinquième république : le refus du régime des partis. Car entre les deux tours, les partis s'arrangent, ils disent le contraire de qu'ils disaient au second, ils font des combines et forcent le choix des électeurs en limitant et donc en imposant des choix. Limiter le choix des citoyens fait de ces derniers des êtres immatures à qui il faut dire et si besoin imposer le choix qu'il n'auraient pas spontanément si on leur avait donné le choix. Ce vice dans l'information désinforme la démocratie et en fausse le caractère réellement représentatif. Ce système est d'ailleurs fondé sur des règles arbitraires et donc peu légitimes voire absurdes. Ainsi, pourquoi 12.5% des inscrits par exemple ? L'interdiction des triangulaires ou quadrangulaires serait plus saine que tous les marchandages, tripatouillages et pressions qui consternent les citoyens. On pourrait donc envisager comme aux EU ou au RU un scrutin majoritaire à un tour, qui favoriserait un bipartisme, ce serait toujours mieux moralement que le système actuel.

6. Cependant la diversité des courants d'opinion est une réalité qu'il n'est pas sage, intelligent, juste de masquer mais qu'il est conforme au principe de représentativité de refléter fidèlement et finement sans simplifier abusivement le paysage politique. La proportionnelle, si besoin avec une prime à la liste majoritaire, est seule capable de représenter fidèlement les gens, c'est un fait. Elle est le plus en accord avec le principe démocratique du gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple en reflétant le poids réel de l'opinion.

7. L'argument de l'absence de majorité ne tient pas car le système actuel ne produit pas toujours des majorités saines et équilibrées et de plus un dispositif de prime peut garantir la majorité. L'exemple de 2024 est parlant de l'impuissance que peut créer le scrutin majoritaire.

8. Même sans prime on peut et on devrait apprendre en France à construire des majorités de projet car sur chaque vote, une majorité peut se faire. C'est déjà un peu le cas, mais cela pourrait être approfondi et cela apprendrait aux Français à faire plus de compromis et donc à mieux s'aimer les uns les autres. Les partis faillent moralement quand ils ne font que diviser les Français. Il faut leur rappeler aussi leur devoir moral qui est de s'unir et de ne pas se haïr et diaboliser les uns les autres. Trop de partis semblent vouloir maintenir notre peuple dans un climat de guerre civile froide. Les politiques et les élus doivent inciter les gens à discuter, à échanger les arguments. Les invectives et la diabolisation créent une mauvaise ambiance, rendent les gens malheureux et stressés, font naître la haine. Les politiques doivent empêcher cela et favoriser la concorde et la paix civile. La culture du compromis manquent à la France, l'exaltation et le fanatisme, le sectarisme et la haine ne doivent pas être encouragés. Ils conduisant à des guerres froides métaphysiques et quasi religieuses et peuvent parfois amener la guerre civile qui est souvent la plus cruelle des guerres.

9. La proportionnelle est le seul mode de scrutin qui garant le principe d'égalité des citoyens français : le vote de chaque citoyen a le même impact partout, une voix vaut une voix alors qu'avec le système majoritaire, des voix valent moins que d'autres, ce qui est profondément injuste, arbitraire et contraire à l'égalité devant la loi ou isonomie, second principe de la république française. Avec notre mode de scrutin actuel, on pourrait envisager qu'un parti fasse 49% partout en France mais n'ait pas un seul député. Qui peut décemment prétendre que cela est juste et bien ? Si encore on avait la stabilité, mais on ne l'a même pas…

10. Si on refuse le principe de la prime ou de faire preuve d'un peu d'imagination pour élaborer des systèmes mixtes parfaitement envisageables, alors il faut regarder hors de France. Si les Allemands et les Italiens en sont capables, pourquoi pas nous ? Le fait de dire qu'ils ont des traditions différentes ne tient pas : l'universalisme de la raison et de la démocratie et sans employer de grands mots le simple réalisme peuvent très bien répondre cette objection de la prétendue impossibilité d'appliquer la proportionnelle en France. Quand on veut on peut et si cela marche ailleurs, cela peut marcher chez nous.

11. Certains diront oui mais le gaullisme c'est le scrutin majoritaire mais c'est faux. En 1945, le Général a fait le choix de la proportionnelle (voir l'article de Dominique Chagnollaud, professeur à Paris II). De Gaulle était un pragmatique. Il est clair que transitoirement le scrutin majoritaire à deux tours a permis de réaliser ce qu'avait résumé André Malraux à savoir qu'entre le PCF et le gaullisme "il n'y avait rien". C'était faux mais bien pratique électoralement pour assurer à la droite de gagner face au PC, parti rebrousse-poil bien commode. Mais on ne peut rester dans cette logique obsolète et qui reposait aussi sur une guerre civile froide qu'il n'est pas sain de vouloir faire durer éternellement.

12. Les majorités pléthoriques outre qu'elles faussent la représentation nationale ont aussi pour conséquence néfaste d'être difficilement gérable. Les élus deviennent alors des godillots ou des rebelles soucieux de faire leur publicité plutôt que de mettre en qualité le travail législatif et de contrôle de l'assemblée. L'opposition si utile et nécessaire en démocratie ne peut faire son travail correctement, la société française ne se reconnaît plus dans son Assemblée et les retours de bâton sont violents (comme en 1997 après seulement quatre ans d'une majorité RPR-UDF disproportionnée).

13. Sur le plan de principe, il faut retenir une chose : l'Assemblée nationale représente la Nation et c'est parce qu'elle avait cette prétention que sous la Restauration on a affublé les députés de la nation du titre de "députés des départements". Car seul le Roi représentait la nation selon l'ancienne monarchie. La "chambre des députés des départements" est devenue "chambre des députés" tout court pour réaffirmer son caractère de représentation nationale. Aujourd'hui, il y a encore ce problème car la représentation nationale est disputée entre le Président de la République et l'Assemblée nationale qui peuvent se prévaloir concurremment du titre de représentant de la Nation. Mais pour que l'AN soit pleinement représentative de la nation, il est donc nécessaire que la circonscription électorale soit nationale. Car sinon, même si on a enlevé le "des départements", le député n'est dans le fait que le représentant de sa circonscription et pas celui de la nation. Pour faire coïncider la théorie et la réalité, il faut que les députés soient élus sur la base d'une circonscription nationale.

14. Est-ce à dire qu'il ne faut pas d'élus des territoires et de circonscriptions locales ? Non car le Sénat est là pour cela, il a cette grande utilité de représenter les territoires. Le Sénat pourrait aussi très bien ne pas être élu uniquement que par des grands électeurs. Les citoyens pourraient lui donner une légitimité supplémentaire par vote au scrutin majoritaire uninominal (à un ou deux tours mais comme vu plus haut à un tour est plus sain pour éviter les combines d'appareil).

15. Certains voudront s'en tirer par une pirouette en disant "ce n'est pas la priorité des Français" (il est vrai que le déclin de la France dans les classements économiques, financiers, scolaires ou scientifiques inquiètent les citoyens). Mais si nous déclinons c'est peut-être que nos politiques ne ressentent pas ce sentiment et cette réalité que vivent les Français et c'est pourquoi ils doivent davantage les représenter. il appartient en outre aux élus de faire preuve parfois de sagesse et de lucidité à long terme, de comprendre que le bien du pays passe par une certaine hauteur de vue. Et puis il faut être honnête, les gouvernants ne font pas que suivre les priorités des Français. Donc ici il n'y a aucune échappatoire pour ne pas enfin traiter ce sujet qui traîne et empoisonne depuis des décennies notre démocratie.

16. Un autre argument faux des partisans du maintien du système actuel est que la proportionnelle ou une dose de proportionnelle induiraient une instabilité gouvernementale mais c'est faux, il suffit par exemple d'inscrire dans la Constitution le principe de la motion de censure constructive qui veut que la motion de censure doit nécessairement prévoir un chef de gouvernement pour remplacer celui qu'elle propose de renverser. La motion de censure constructive existe en Allemagne et dans cinq autres États membres de l'Union européenne ou dans de nombreux pays. En France, la motion de défiance constructive a été introduite, pour la première fois, par la loi no 91-428 du 13 mai 1991 portant statut de la collectivité territoriale de Corse ; elle existe aussi en Martinique, à Saint-Pierre-et-Miquelon ainsi qu'en Polynésie française. D'autres mécanismes peuvent être envisagés, quand on veut on peut trouver des solutions avec un peu d'imagination et de bonne volonté.

Notre mode de scrutin n'est pas de droit divin, il n'est pas éternel, il peut et il doit être changé et le moment présent est le bon pour le faire. Attendre ne fera que renforcer la crise et nous conduire à un avenir incertain et inquiétant.


Quelques réflexions suscitées par l’éloquent plaidoyer en 16 points intitulé « Arguments de fond pour la proportionnelle ».
1. Il faudrait pour choisir un mode de scrutin se demander s’il va « être représentatif du peuple français et lui donner une assemblée capable d’accomplir sa mission dans de bonnes conditions ». Je me demande s’il n’y a pas là un risque de contradiction dans les termes : l’assemblée doit certes « représenter » les Français dans la diversité de leurs opinions politiques, mais elle est aussi un organe décisionnel, d’où doit émaner clairement la volonté de la nation souveraine ; une assemblée reflétant exactement toutes les nuances d’opinion d’une nation aussi divisée qu’est aujourd’hui la nôtre ne peut qu’avoir du mal à dégager une volonté majoritaire constante apte à prendre des décisions cohérentes. C’est le cas avec l’assemblée actuelle, malgré le scrutin majoritaire, la proportionnelle n’y changerait rien, au contraire.
Quant au rôle des partis, on pourrait arguer qu’ils n’existent pas seulement pour refléter les aspirations du peuple, mais aussi pour les convertir en une vision du monde et en un projet politique qui semble à leurs militants, élus et électeurs être le meilleur pour le pays, et qu’idéalement c’est en vue du bien commun qu’ils s’efforcent de faire prévaloir cette vision et de se donner les moyens de mettre en œuvre ce projet ; la recherche de ce qui sera « bien pour le parti », dans cette perspective idéale, n’est donc pas forcément antinomique de « l’esprit civique et républicain ».
2. L’argument mélange la hiérarchie des voix du premier tour et celle des élus du second. La question de la légitimité de l’existence et des modalités d’un second tour sera traitée au point 5. Il reste que dans le cas des élections de juillet dernier, le « bloc » qui a obtenu le moins d’élu à ce second tour (RN + UDR) est aussi celui qui a obtenu moins de voix que l’ensemble de ses adversaires coalisés sous l’informelle alliance dite de « Front républicain » (NFP + EPR – je crois, mais je m’embrouille toujours dans les appellations mouvantes du « bloc » centriste).
3. Je ne trouve dans ces irréfutables généralités rien qui plaide directement en faveur de tel ou tel mode de scrutin.
4. Oui, notre scrutin majoritaire d’arrondissement à deux tours n’existe pas dans toutes les autres grandes démocraties – dans aucune autre ? je n’en sais rien.
Mais la diversité des modes de scrutin qui s’y pratiquent, et les réformes électorales intervenues dans certaines d’entre elles, suggèrent qu’il n’existe pas de modèle idéal, et que chacune fait ce qu’elle peut pour trouver le plus convenable. Je ne suis pas assuré qu’Israël se trouve très bien de sa proportionnelle intégrale, ni que l’Allemagne de Weimar ou l’Italie des années 1970-1990 se soient très bien trouvées de la leur ; quant au scrutin majoritaire à un tour anglo-saxon, je ne crois pas qu’il soit moins « archaïque » que le nôtre, et en Angleterre du moins il est souvent accusé de fausser très gravement la représentativité des Communes. (D’autres mieux informés que moi pourront dire ce qu’il en est des USA.)
5. Il semble contradictoire de remettre en question la légitimité de la barre de 12.5% des inscrits nécessaire pour être présent en triangulaire (ou plus) au second tour, et dans la foulée de proposer l’interdiction desdites triangulaires, puisque cette barre a justement été imaginée et plusieurs fois je crois rehaussée pour limiter les possibilités de triangulaires.
Pour faire un peu d’histoire, le scrutin à deux tours a été en adéquation avec la structure des partis durant une bonne partie de la IIIe République et sous la Ve jusque dans les années 1980 : il y avait alors une polarisation majeure Droite // Gauche, et au sein des deux pôles majeurs une polarisation mineure : Radicaux / Socialistes, puis Socialistes / Communistes à Gauche ; Fédération républicaine / Alliance démocratique, puis Gaullistes / non Gaullistes à Droite. Le premier tour permettait d’évaluer les rapports de force entre pôles mineurs ; au second, les désistements réciproques entre ces pôles mineurs soudaient les deux pôles majeurs pour fixer le rapport de force entre eux. Il n’y avait là ni tripatouillage ni violation du choix des électeurs mais la résorption de nuances pour faire prévaloir une identité essentielle. (Sous la IIIe, le tripatouillage intervenait après, lorsque Radicaux élus avec des voix socialistes et Alliance démocratique élue avec les voix de la Fédération républicaine se retrouvaient ensemble dans des gouvernements de « compromis » voués à l’immobilisme.)
Il est vrai que depuis longtemps notre système des partis a perdu cette belle régularité (que j’ai bien sûr idéalisée par souci de simplification) ; pourtant c’est son esprit qui s’est manifesté en juillet dernier, avec l’informel « Front républicain » : le NFP et le Centre se sont férocement affrontés au premier tour, mais leurs partis pour le second ont estimé qu’au-delà de leurs énormes différences, ils étaient d’accord sur une « certaine idée » de la République, qu’ils ne retrouvaient pas dans le troisième bloc : les désistements et les appels au report des voix n’ont justement donné lieu à aucun (à peu près aucun) marchandage, ils ont été présentés comme des évidences nécessaires. Ont-ils consterné les électeurs ? Pas si l’on en croit le taux de participation du second tour, et surtout la qualité des reports de voix, qui ont abouti dans certaines circonscriptions à des résultats hautement improbables, mais après tout voulus par une majorité d’électeurs. (Et je le dis d’autant plus librement qu’électeur NFP je n’approuvais pas cette stratégie de « Front républicain » - que dans mon VIIIe arrondissement de Paris je n’ai pas eu à mettre en œuvre -, et que je m’attendais à ce qu’elle échoue largement.)
6. J’ai dit au point 1 les réflexions que m’inspire la question de la représentation de la diversité des courants d’opinion, et je trouve ces réflexions confortées par le fait qu’en effet la démocratie est un « gouvernement », et qu’à ce titre elle doit avoir les moyens de décider majoritairement, ce que la proportionnelle ne lui garantit pas – pas plus certes, mais peut-être encore moins que le système majoritaire. C’est d’ailleurs pour cela que certains modes de scrutin « corrigent » la proportionnelle avec l’existence d’une prime majoritaire ; mais alors il n’est plus possible de parler d’un système « reflétant le poids réel de l’opinion », puisque justement la prime minore l’opinion déjà minoritaire et majore la majoritaire.
7. Oui, le système majoritaire ne garantit pas l’existence d’une majorité parlementaire. (On peut même rappeler qu'en 1986 il y avait une majorité absolue dans une assemblée élue à la proportionnelle, et en 1988 seulement une majorité relative dans une assemblée élue au scrutin majoritaire.)
La seule leçon que l’on en peut tirer, c’est qu’un système électoral n’est pas une mécanique infaillible, et que la liberté des électeurs produit parfois des résultats inattendus. Heureusement.
Sur la prime majoritaire, voir le point précédent.
8. Les « majorités de projet » et le culte des « compromis » sont des vieux serpents de mer, et la charge contre les partis sectaires incitant à la guerre civile n’est pas plus neuve. Les partis (voir point 1) sont en principe porteurs d’un projet global qui ne se découpe pas en tranches. Des majorités qui changeraient à chaque projet de loi, ou des additions de compromis réciproques ne me paraissent compatibles ni avec la poursuite d’une politique cohérente, ni avec une continuité dans l’action, ni avec une stabilité gouvernementale. (Pas même dans la si sérieuse Allemagne, c’est dire !)
9. Oui, « une voix vaut une voix », et donc, oui, l’inégalité de la répartition des électeurs induite par le découpage des circonscriptions de notre scrutin majoritaire pose problème. Mais l’hypothèse d’un parti obtenant 49% des voix sans avoir un seul élu est bien sûr une vue de l’esprit, justement grâce à l’existence de circonscriptions qui « territorialisent » le vote et permettent à chaque parti d’avoir des « fiefs » (terme courant, même s’il est fort critiquable) où il sera majoritaire.
10. Voir point 4. Je répète que l’Allemagne après 1945 et l’Italie des années 2000 ont trouvé bon de rendre moins proportionnels leurs modes de scrutin.
11. Oui, en matière de mode de scrutin de Gaulle était un pragmatique. En 1945 il a accepté la proportionnelle de crainte que le scrutin majoritaire n’avantage trop le PCF. En 1958 il a acté le retour au scrutin majoritaire qui a permis de laminer le même PCF en coalisant au second tour tous les partis contre lui. (Dans l’assemblée de 1958, c’est le PCF, réduit à 10 députés, qui est proche de « rien ».)
12. Oui, les majorités pléthoriques que crée parfois le scrutin majoritaire peuvent poser problème. Mais ce n’est pas la situation la plus courante (et encore moins la nôtre depuis 2022).
13. Oui, on prétend que chaque député de circonscription est le représentant de la nation indivisible, alors qu’en fait il n’est que l’élu d’un petit territoire ; oui, c’est une fiction juridique fondant la démocratie représentative dans tout régime qui n’applique pas la représentation proportionnelle la plus intégrale.
Mais, même avec ce système électoral, ne peut-on dire que le député n’est que l’élu de ses électeurs, alors qu’il est quand même supposé représenter la volonté générale de ladite nation indivisible ?
De plus, avec cette proportionnelle intégrale, c’est le parti qui forme la liste des candidats et décide qui sera élu en plaçant tel ou tel plus ou moins haut. L’électeur vote pour le parti qu’il connaît plus que pour le candidat que souvent il ne connaît pas ; mais à la fin, c’est le candidat élu qui siège et un mauvais esprit pourrait relever que cet élu ne s’avère pas toujours digne de la confiance accordée à son parti. (Ce que certes n’exclut nullement le scrutin majoritaire.)
14. Oui, une proportionnelle intégrale sur liste nationale rendrait le sénat « territorial » encore plus utile qu’il n’est actuellement.
Mais pourrait-il à lui seul compenser les effets induits par la déconnection entre l’assemblée nationale et les « territoires », avec leurs électeurs concrets ?
15. Oui, se débarrasser de la question du mode de scrutin au prétexte que « ce n’est pas la priorité des Français » est une mauvaise pirouette.
Et je n’ai aucun « Mais » à ajouter.
16. J’avoue ne pas être du tout convaincu par la « motion de censure constructive » à la mode allemande, et surtout dans notre Ve République où la nomination du premier ministre est au choix du président de la république : ce serait le moyen de faire perdurer un gouvernement « présidentiel » très minoritaire à l’assemblée, mais en butte à l’hostilité de deux oppositions elles-mêmes incompatibles – c’est-à-dire très exactement dans notre situation actuelle. Le système allemand aurait rendu impossible la chute du cabinet de M. Barnier, comme il rendrait impossible d’envisager celle du cabinet de F. Bayrou. Autrement dit, une politique rejetée par les 2/3 des électeurs et par une claire majorité des députés (en cela bien représentatifs de l’état de l’opinion) aurait pu (pourrait) être poursuivie comme si de rien n’était. (Car le « débat » sur la proposition de loi abrogeant la réforme des retraites a montré à quel point l’ex-majorité centriste était peu prête à envisager des « compromis » et pouvait faire montre de ce sectarisme tant reproché aux (autres) « extrêmes ».) Je soutiens qu’une majorité qui décide et gouverne serait préférable à la situation actuelle ; mais je n’ai guère d’attirance pour un système qui, par la volonté présidentielle, donnerait pouvoir de décider et de gouverner à un bloc qui pourrait n’avoir même pas une majorité relative – et irait à l’inverse du souci de la représentation juste des aspirations des électeurs qui est au cœur de l’argumentation en faveur de la proportionnelle.
Bon, cela dit, j’ai peut-être un « biais NFP » dans cette affaire.
Pardon d'avoir été si long. Mais en effet la question vaut mieux qu'une pirouette.
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Re: Arguments de fond pour la proportionnelle

Messagede Relique » Sam 4 Jan 2025 23:42

A titre personnel, je suis persuadé qu'il nous faut tirer partie du mieux possible des institutions en place. Nous avons la chance d'avoir deux chambres du parlement, dont une pratique déjà (en partie) un scrutin proportionnel.

On pourrait faire évoluer le règlement électoral de cette chambre-là en donnant accès au vote par exemple à l'ensemble des citoyens. Pour compenser cette "perte de pouvoir" pour les élus locaux, on pourrait considérer qu'il faille valider une candidature grace au parrainage d'un certain nombre d'élus locaux. Ceux-ci auraient donc une forme de pouvoir de proposition à l'électorat qui trancherait ensuite.

Des petites corrections pourraient être envisagées afin de faire accepter cette réforme à des sénateurs voyant leur mode de scrutin bouleversé:
- un pouvoir accru de la chambre par rapport à l'assemblée nationale (un pouvoir de censure avec une majorité qualifiée par exemple ? La censure pouvant toucher un seul membre du gouvernement ? Un nombre de sénateurs augmenté pour leur donner plus de poids en congrès ?)
- un renouvellement tous les trois ans de la moitié du sénat avec à chaque scrutin tous les départements mobilisés (et donc deux sénateurs au minimum par département, ce qui garantirait une bonne représentation de la ruralité)

J'ai à titre personnel beaucoup de mal avec l'idée de liste de candidats établis par les partis venant "corriger" le vote des citoyens locaux. Le principe me semble plutôt être un signe de défiance entre politiciens et citoyens plutôt que de confiance.

Le scrutin préférentiel pourrait être expérimenté dans un premier temps avec les élections sénatoriales actuelles (l'électorat est tout de même bien plus restreint et cela ne devrait pas poser de grands problèmes aux préfectures; par contre un nombre de parrainage devrait être nécessaire pour limiter les candidatures fantaisistes souhaitant seulement "apparaître sur le bulletin"; d'autres pays demandent une somme d'argent mais le parrainage me semble plus pertinent)
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Re: Arguments de fond pour la proportionnelle

Messagede ChristianC. » Dim 5 Jan 2025 07:03

Relique a écrit: J'ai à titre personnel beaucoup de mal avec l'idée de liste de candidats établis par les partis venant "corriger" le vote des citoyens locaux. Le principe me semble plutôt être un signe de défiance entre politiciens et citoyens plutôt que de confiance.
Le scrutin préférentiel pourrait être expérimenté dans un premier temps avec les élections sénatoriales actuelles (l'électorat est tout de même bien plus restreint et cela ne devrait pas poser de grands problèmes aux préfectures; par contre un nombre de parrainage devrait être nécessaire pour limiter les candidatures fantaisistes souhaitant seulement "apparaître sur le bulletin"; d'autres pays demandent une somme d'argent mais le parrainage me semble plus pertinent)

Je n'ai pas indiqué hier ce qui me semble être le meilleur argument en faveur du scrutin majoritaire et contre la proportionnelle (les 1001 variantes de la proportionnelle) : la force de l'évidence. Dans un territoire donné et clairement identifié, le candidat qui obtient le plus grand nombre de voix est déclaré élu. Point final. C'est simple et clair, tout le monde comprend.
Les proportionnelles font intervenir chacune un modèle mathématique plus ou moins abscons de répartition des restes, et le résultat peut être différent selon celui qui aura été choisi entre une demi-douzaine d'autres. Cela ne dilue-t-il pas chez l'électeur le sentiment de sa responsabilité personnelle dans l'élection de l'assemblée, et n'affaiblit-il pas le lien entre cet électeur et ses élus ?
Sinon, je reconnais que, vu de loin, le vote transférable irlandais, qui si je le comprends bien, permet à chaque électeur de hiérarchiser des choix multiples et ainsi de ne pas voir sa voix perdue si sa préférence initiale va à un candidat vite éliminé, a de quoi séduire. Mais sa mise en œuvre, détaillée dans le message d'un contributeur précédent, a l'air bien complexe. Et me laisse béant d'admiration devant la patience des scrutateurs, qui doivent passer des heures à compter et recompter leurs bulletins ... A moins que le dépouillement ne soit effectué par des fonctionnaires payés pour cela (Et là je serais moins admiratif, car je suis convaincu que le dépouillement et son contrôle doivent être le fait des électeurs eux-mêmes, et que n'importe lequel d'entre eux doit pouvoir être partie prenante de cette procédure - raison pour laquelle je suis férocement opposé à toute forme de vote électronique qui confie la formation des résultats à des algorithmes élaborés par des ingénieurs en informatique ; mais ceci est une autre histoire.)
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