Il est couramment admis qu’il serait souhaitable d’organiser plus fréquemment des référendums nationaux et que ceux-ci signifieraient une plus grande prise en compte de l’opinion du peuple par ailleurs insuffisamment considérée par leurs élus .
Loin de ces vues idylliques, souvent édictées de bonne foi, il y a lieu de considérer, à la fois suite aux référendums décidés dans le passé et en considérations plus théoriques , que la balance ne penche pas d’une manière favorable à l’extension généralisée des référendums : il y a loin souvent du principe flatteur à la réalité.
1-Les référendums et plébiscites antérieurs à la 5ème république (d’après :
https://www.herodote.net/De_l_Appel_au_ ... e-2110.php )
-C’est pendant la Révolution française que se tient la première consultation populaire, désignée alors par l'expression « appel au peuple ». Il s’agit de soumettre au vote des citoyens la Constitution de l'An I, qui a été promulguée par la Convention le 24 juin 1793. C'est la première Constitution républicaine de la France.
Le résultat de cet « appel au peuple » est sans ambiguïté : une très large approbation de la Constitution (1 801 918 oui contre 11 610 non, 4 300 000 abstentions, soit une participation de 40% du corps électoral-fort réduit de l’époque). La forte abstention s’explique en grande partie par l’oralité du vote et la nécessité de se déplacer à pied au chef-lieu de canton.
-Bonaparte (Napoléon 1er) et après lui son neveu Louis-Napoléon (Napoléon III) détourneront quant à eux le référendum à des fins plébiscitaires. Après le coup d’état du 18 brumaire, une nouvelle constitution attribue des pouvoirs quasiment illimités au Premier, indéfiniment rééligible.
Promulguée le 13 décembre 1799, la Constitution de l’an VIII est plébiscitée en février 1800 par trois millions de voix contre 1562 opposants. Plébiscitée vraiment ? On peut en douter car ce référendum a été largement truqué et en réalité, il n’y aurait eu qu’un million et demi de « oui » exprimés.
-Le référendum connaît une longue éclipse sous la IIIe République, un régime parlementaire dans lequel les députés s'estiment suffisamment sûrs de leur légitimité pour n'avoir pas besoin de consulter les citoyens...
-Il ne resurgit que le 21 octobre 1945, lorsque le général de Gaulle, qui préside le gouvernement provisoire, l’exhume afin de redonner une légitimité démocratique à la refondation constitutionnelle du pays, créant la 4ème république.
2-Les référendums de la 5ème république -Neuf référendums seront organisés sous la Ve République en un demi-siècle. Entre janvier 1961 et avril 1962, trois sont consacrés à la politique algérienne du chef de l’État ; ils sont tous trois largement approuvés, les Français se montrant désireux d’en finir avec cette interminable guerre d’Algérieet marquent leur attachement à la poursuite de l’action du général De gaulle.
En 1969, le référendum porte à la fois sur la refonte du Sénat et sur la régionalisation : 2 questions, une seule réponse. De plus, comme à chacun de ses référendums le général prévient de sa démission en cas de victoire du non .Les Français voulant tourner la page rejettent donc à la fois le texte et le général
https://www.senat.fr/connaitre-le-senat ... raits.htmlLes référendums suivants ne lient pas les textes et celui qui décide de l’élection : ils portent sur des modifications constitutionnelles ou sur des sujets européens.
-En 2005, est soumis à référendum le projet de constitution européenne : ce texte est rejeté à 55% après une campagne intense
https://www.conseil-constitutionnel.fr/ ... r-l-europe(dont le texte du traité lui-même comportant 192 pages )
3-Des procédures fort peu démocratiques 31-l’appel au vote conditionné par celui d’une approbation ou non de la personne qui pose la question : ceci confine à la procédure plébiscitaire
32-une réponse unique à une grand nombre de questions complexes.
Si on prend les deux exemples du référendum de 1969 et celui de 2005, on voit qu’il s’agit de textes volumineux de 51 articles ou 192 pages dont on comprend aisément que les électeurs dans leur immense majorité n’ont pu les lire entier , ni se faire un point de vue éclairé (moi le premier) .
On voit aussi dans le projet de loi de 1969 des renvois non explicités aux textes précédents.
33-une réponse éloignée de la question posée
L’exemple typique est celui du Brexit : où la réponse à la question "faut-il quitter l’Europe" a été, en fait, "non à l’immigration" !
33-d’inévitables méprises
Il est fait souvent encore, près de 20 ans après le référendum de 2005 à la question posée : contrairement à ce qui est très largement diffusé depuis, le référendum n’était pas sur l’appartenance ou non de la France à la communauté européenne .
On a oublié également que le référendum n’avait pas une valeur supérieure à l’élection législative (ni présidentielle ) comme le précise bien la constitution
« ARTICLE 3.
La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. »
Il n’est donc pas exact que le peuple français n’aurait pas été entendu dans son refus lors du vote de 2005, un texte modifié ayant été approuvé par le président et les parlementaires .
A noter que les référendums se sont soldés par des choix binaires et non amendables, à la différence de la voie parlementaire.
4-Y-a-t-il d’autres types de consultations référendaires ?-le référendum dit citoyen ou RIC souffre de la plupart des reproches précédents sur les sujets complexes .De même que poser plusieurs questions sur un même thème ne résoudra pas nécessairement les réponses contradictoires entre elles
Posée par référendum , la question des retraites ne peut être traitée que par certain paramètres et données financières et démographiques pas aisément réductibles à un seul oui ou non. .
-sans doute qu’une voie peut être explorée dans des consultations « simples » où un choix binaire est possible : on peut penser à des questions sociétales actuellement hors du champ de l’article 11( en son temps : pour ou contre le PACS) ou certaines interrogations sur des sujets sociaux (pour ou contre une journée de solidarité etc. ...) .
D’une manière générale, les sujets liés à la constitution se prêtent peu à référendum ; même si la question du passage au quinquennat présidentiel semblait aisée, elle éludait, à première vue, les questions connexes (exemple : le changement du rôle du président)
-j’évoquerai enfin ce que certains (dont LFI) appellent « le référendum révocatoire » qui consiste enfin à proposer l'interruption anticipée du mandat d'un élu.
Un tel référendum peut, suivant les pays, être convoqué au moyen d'une initiative populaire ou d'une majorité d'élus au parlement, certains pays requérant les deux.
Ce mécanisme-sauf un contrôle rigoureux à définir- s’avère dangereux pour la stabilité des élections et présente le risque d’instrumentalisation.
[b]Bibliographie complémentaire :
https://revue-pouvoirs.fr/wp-content/up ... rendum.pdfhttps://www.lesechos.fr/idees-debats/ce ... e-r-240886https://www.clubdesvigilants.com/alerte ... eferendums