de vudeloin » Mer 30 Mai 2012 00:19
Ces messages sur la Plaine Saint Denis m'amusent beaucoup, pour des raisons personnelles que ceux qui me connaissent un peu plus comprendront...
Le fait est, Draume, que la partie Nord de Saint Ouen, comprise dans le fameux canton de Saint Denis Sud, s'appelle le Landy, avec cette foutue rue du Landy qui court jusqu'à la Plaine version Auber' et qui passe juste à côté du fameux technocentre SNCF du Landy où l'on bichonne les TGV, Thalys et autres Eurostar.
Quant à la vie 'plainarde' (qui n'a que rarement été peinarde), puisque Plainards s'appellent eux mêmes ceux qui vont du Pont Hainguerlot au Pont de Soissons et connaissent le village espagnol qui fut loin d'être aussi luxueux que le VIllage Suisse de Paris, elle a effectivement plutôt changé.
Dans les années 80, le quartier, victime de la désindustrialisation (et notamment le secteur de la machine outil, avec des entreprises comme Languepin et Cazeneuve, celui de la métallurgie, avec Jeumont Schneider (ex Ateliers et Chantiers de la Loire) ou Nozal, qui était la société de négoce du groupe Usinor Sacilor, entre autres... Sans oublier du côté de Pleyel, quartier devant son nom au fameux musicien d'origine allemande devenu facteur de pianos, la société Thomson, ex Hotchkiss), dépérissait lentement mais sûrement, victime notamment du caractère vieillissant d'un parc immobilier largement construit avant la fin de la guerre de 1914...
La tranchée ouverte de l'Autoroute du Nord avait fini d'éventrer le quartier, nourrissant un profond sentiment d'abandon et de délaissement, ne faisant pas des électeurs plainards les plus chauds partisans des équipes municipales dionysiennes.
Dans les années 80, il n'était pas rare de voir l'un des trois bureaux de vote de la Plaine Saint Denis accorder au Front National un pourcentage élevé, dépassant notamment en 1988 les 30 % lors du scrutin présidentiel.
Le quartier est effectivement, par la grâce, si l'on peut dire, de la réalisation du Stade de France, entré dans une ère nouvelle.
C'est qu'on a vite découvert, de par les effets spectaculaires de la désindustrialisation, que ce qui faisait blessure et fracture dans le paysage urbain (les friches industrielles, les délaissés urbains, etc, etc...) pouvait devenir un atout.
C'est à dire qu'au travers d'un syndicat intercommunal préfigurant d'une certaine manière l'actuelle communauté d'agglomération Plaine Commune, les collectivités locales ont commencé de mettre en oeuvre une politique de reconquête et de requalification des espaces, des activités, de l'habitat.
Etonnant retournement de l'Histoire : alors que la réalisation de l'Autoroute du Nord avait laissé Saint Denis avec un quartier éventré et un bidonville gigantesque (le Franc Moisin où vivaient notamment les ouvriers portugais et leurs familles qui avaient travaillé sur le chantier routier), la réalisation d'un équipement structurant de portée nationale (le fameux Grand Stade dont notre pays, et sa capitale en particulier, était jusqu'ici privé) devenait un élément de reconquête urbaine, spatiale et sociale.
Sa construction fut l'occasion, enfin, de résoudre le problème posé par l'Autoroute A1 et, en couvrant cet axe majeur de nos déplacements, permit de relier les deux côtés de l'avenue du Président Wilson, ex avenue de Paris du temps où elle n'était pas tranchée en deux.
La reconquête des espaces alla de pair avec l'arrivée de nouvelles entreprises, de nouvelles activités, de nouveaux logements qui ont profondément modifié le quartier, en l'espace de la quinzaine d'années qui nous séparent de la pose de la première pierre du Grand Stade.
Alors, quels emplois ?
Des emplois tertiaires, sans doute, si l'on examine par exemple l'arrivée du siège des différentes entités françaises du groupe d'assurances italien Generali, domicilié à quelques dizaines de mètres de la nouvelle gare de la Plaine.
Mais on trouve aussi les 1 500 ou 1 700 emplois de la direction ingéniérie de la SNCF, pas très loin, ou encore le siège d'Orange, celui de la Haute Autorité de Santé, les laboratoires de l'AFNOR, et ajoutons l'ensemble des emplois générés par les activités du secteur audiovisuel (la Plaine compte des entreprises de l'ensemble des industries et techniques du cinéma, allant des plateaux de télévision aux laboratoires de doublage ou de reproduction de films).
La qualité de l'habitat a beaucoup augmenté à la Plaine Saint Denis, c'est le moins que l'on puisse dire, même s'il reste beaucoup à faire, ne serait ce que parce qu'une bonne partie des « dents creuses « de la loi Méhaignerie existe encore...
Evidemment, comme on est encore dans une banlieue tout de même populaire (la gentryfication est assez relative), la situation de l'emploi n'est pas toujours idéale et le nombre de chômeurs demeure élevé.
Pour autant, l'homme ne vit pas que de pain.
Et la Plaine dispose désormais d'un théâtre, d'une médiathèque et de l'Ecole du Cirque Annie Fratellini dont les apprentis animent déjà quelques unes des scènes de nos cabarets...
Un point sur l'immigration à la Plaine : celle ci ne fut pas qu'espagnole, ou plus précisément, elle ne fut pas que républicaine, puisque commencée dès la fin du XIXe siècle.
Elle est de multiples origines et singulièrement intérieure aussi, cher Michel A, puisque la communauté bretonne de Saint Denis (dont Patrick BraouEzec est l'un des rejetons) a largement investi le quartier de la Plaine et, singulièrement, l'usine à gaz du Landy Cornillon dont elle a constitué une part importante du personnel...
Alors, évidemment, là cela change un peu, ces temps derniers,
Et La Plaine, transformée, repeuplée (on y compte cinq bureaux de vote désormais, ce qui constitue un signe comme un autre de la chose) a désormais de nouveaux comportements politiques.
Au second tour de l'élection présidentielle, les Plainards ont voté, selon les bureaux, entre 75 et 84 % en faveur de François Hollande.
Au premier tour, Marine Le Pen, dans ce qui fut l'un des points forts de son père dans les années 80, s'est retrouvé avec un score compris entre 5,4 et 6,6 % au premier tour dans quatre bureaux, d'un peu moins de 11 % dans le bureau plus proche du Stade de France.
Sur la ville, la candidate du FN a du se contenter de 9,9 % des voix.