de vudeloin » Jeu 15 Mar 2012 22:06
Comme l'intervention des CRS devant le siège de campagne de Sarkozy est, de mon humble avis, parfaitement dans le sujet, j'ai tendance à penser que cet évènement permet de mesurer le décalage (que dis je ? le gouffre...) qu'il peut exister entre un discours de campagne électorale, des déclarations péremptoires de meeting transformé en grand messe et la pratique politique du quotidien.
Que Kerxizor voit dans l'action des salariés de Florange je ne sais trop quelle conséquence d'une position affirmée par la première centrale syndicale de ce pays dans le cadre de la campagne présidentielle est d'ailleurs assez illustratif de ce décalage.
Parce que, mine de rien, il faudrait peut être se mettre l'espace d'un instant dans la peau d'un métallurgiste lorrain, avec une famille à nourrir, des enfants poursuivant des études ou déjà au chômage à qui l'on dit, tranquillement que, pour des questions de productivité insuffisante, il va, comme ses collègues, sse retrouver sans emploi à cinquante ans environ.
Peut être que, lorsque cette idée vous aura traversé l'esprit, cher Kerxizor, vous pourrez parler en connaissance de cause et, accessoirement, éviter de vous prendre en retour les remarques plus ou moins acerbes ou plus ou moins critiques des autres contributeurs de ce forum.
Sortez un peu de votre prêt à penser, de vos schémas arrêtés, surtout que la haine et le mépris que vous professez à l’endroit de salariés comme des organisations syndicales dont ils se sont dotés vous empêche de toute manière d’émettre un avis objectif.
La réalité est plus cruelle que cela.
C’est que Lakshmi Mittal, le PDG d’Arcelor, celui qui devait sauver, il fut un temps, la sidérurgie européenne du naufrage économique, après avoir repris le groupe constitué à partir d’Usinor Sacilor (le temps me manque pour vous rappeler, pour le coup, la fameuse affaire de la nationalisation de la sidérurgie en 1981 mais, à l’occasion, ne serait ce que pour montrer que pour « couler une entreprise », il suffit parfois d’en être le responsable), du groupe luxembourgeois Arbed et de l’espagnol Aceralia, pense que la marge bénéficiaire qu’il tire de ses activités est insuffisante et que, d’autre part, son groupe est victime du ralentissement de l’activité économique qui pèse notamment sur la demande d’acier dans le secteur du bâtiment…
Il s’est bien évidemment dispensé de réaliser les investissements qui auraient pu permettre à Florange, comme à d’autres sites, d’offrir des activités différentes et que leur annonce, au demeurant, assez récente, a d’ailleurs été utilisée par le candidat Président Sarkozy pour laisser accroire que c’était son action qui avait motivé la décision de Mittal.
A la vérité, cette affaire illustre une bonne partie du discours du candidat de l’UMP.
Dès que le mouvement social va à l’encontre, si l’on peut dire, de sa vision des choses, il semble voué aux gémonies et accusé de je ne sais quel travers.
La réalité est plus prosaïque, puisque l’impression demeure que, pour tenter de s’attacher ou de regagner en influence dans le monde du travail, Nicolas Sarkozy tente assez désespérément de « tirer à lui » toutes les couvertures possibles…
Les investissements annoncés par Mittal sur Florange ? Il les reprend à son compte.
Le plan de reprise de l’usine Lejaby d’Yssingeaux ? Il le met à son actif, alors même que l’entreprise repreneuse ne va pas dépenser un centime, l’Etat prenant à sa charge la reconversion des salariées altiligériennes en coupeuses de cuir.
Détail : le plan de reprise et de reconversion ne porte que sur l’usine d’Yssingeaux et oublie, comme par hasard, celle de Rillieux La Pape !
L’affaire Petroplus ? Il arrive, tel Zorro, dans l’entreprise où les salariés luttent depuis des mois et arrive à dégeler cinq députés UMP de Seine Maritime pour qu’ils déposent, toutes affaires cessantes, une proposition de loi sur le thème des mesures conservatoires en cas de procédures collectives, texte évidemment écrit par les Ministères (Matignon et Besson) et transformé en proposition de loi pour être examiné séance tenante !
Manque de chance : le texte n’est pas encore voté que 40 000 tonnes de pétrole brut, destinés à être raffinées à Petit Couronne, se font la valise subrepticement au départ du Havre, sans que l’on sache qui a donné l’ordre de cet appareillage !
Et les 550 salariés de la raffinerie, n’ayant qu’une confiance mesurée envers les promesses présidentielles, ont assisté, avec intérêt, au meeting de Jean Luc Mélenchon à Rouen…
Le problème, c’est que tout cela fait un peu session de rattrapage pour toutes les entreprises qui, durant les cinq années écoulées, ont fermé leurs portes sans bruit particulier dans le Landerneau politique et, surtout, sans vraiment soulever d’initiative quelconque de la part du Gouvernement…
La position industrielle de la France s’est affaiblie, tant en nombre d’entreprises en activité qu’en emplois et en production, et l’action publique n’a pas enrayé ce processus, malgré la création du Fonds Stratégique d’investissement, alimenté, notons le, par cantonnement de titres de sociétés détenus par l’Etat.
Je rappelle que Nicolas Sarkozy a placé à la tête du FSI l’ancien directeur du personnel de l’usine PSA d’Aulnay sous Bois, une usine appelée, selon toutes vraisemblances et selon les syndicalistes (eh oui, on a les sources que l’on peut !), à fermer prochainement, faute du moindre investissement susceptible de lui permettre de fabriquer tout ou partie des véhicules de la marque, et notamment des nouveaux éléments de la gamme.
Cher Kerxizor, vous avez, dans cette affaire, une excuse que je vous fais bien volontiers.
Que vous ne compreniez pas ce qu’est le monde du travail, ce que sont les syndicalistes, ce à quoi peut être utile (je trouve même cela indispensable mais bon, c’est moi) d’être syndiqué n’est finalement qu’assez logique.
Posons nous la vraie question : quelles images nous donne le monde du travail aujourd’hui et de quelles images du monde du travail sommes nous informés, renseignés ?
Quelle est la part de l’actualité sociale dans les journaux de la presse écrite, et plus encore, dans l’audiovisuel ?
Faut il qu’un Nicolas Sarkozy vienne visiter une usine pour que d’un seul coup, le voile se lève quelque peu sur cette réalité méconnue, alors même qu’elle est le quotidien de la plus grande partie des Français ?
Quelle est la part, dans le même ordre d’idées, de l’actualité économique ou de l’expertise économique reconnue qui est dédiée à ceux qui agissent, dans le mouvement syndical, sur ces questions ?
Nous avons droit, de manière régulière, à l’expertise de gens comme Marc Touati, responsable d’une des structures d’investissement de Natixis ou de Michel Godet qui cumule ses tâches de professeur au Conservatoire National des Arts et Métiers avec celles d’administrateur du groupe Bongrain, nous sommes autorisés à supporter les délires libéraux de Pascal Salin qui fabrique des modèles économiques comme moi je fais des crêpes à la Chandeleur, mais quelle place est donnée à la pensée économique alternative (oui, je sais, des fois nous avons droit aux commentaires amusés de quelques uns des post keynésiens de l’OFCE) et, plus encore, à celle des militants syndicaux qui travaillent sur ces questions ?
Regardez la linguistique du mouvement social telle qu’on en parle à la télévision…
Quand les fonctionnaires se mettent en grève, « ils grognent », comme je ne sais quels animaux au juste.
Mais n’attendez pas cependant qu’on vous dise le pourquoi de tel ou tel mouvement social, qu’on vous fasse part des origines de l’affaire ou même du contenu des revendications exprimées.
D’ailleurs, dans la France de Sarkozy, alors même que la conflictualité du travail n’est pas vraiment orientée à la baisse depuis deux trois ans, apparemment, on ne fait pas grève…
Alors, que l’action des salariés d’Arcelor Florange mette en question la stratégie de Nicolas Sarkozy est une évidence, notamment parce qu’elle en révèle à la fois les contours et les limites.
Accessoirement, je vous indique tout de même que le mouvement des sidérurgistes est populaire dans leur région, qu’il recueille des soutiens dans le monde de la création (Depardieu va-t-il se rappeler qu’il a joué dans Germinal ?) et qu’il doit sans doute être assez difficile de faire campagne pour Sarkozy du côté de Thionville Ouest…
Après, je conçois très bien la colère du président candidat parce qu’évidemment, matraques et grenades lacrymogènes dressées à l’encontre de salariés en lutte, cela fait désordre dans la campagne du « candidat du peuple »…