de vudeloin » Ven 9 Mar 2012 21:26
Le très intéressant message de notre ami Kerxizor (que je reproduis ici) appelle quelques menues observations.
Par souci de clarté, je les ai évidemment indiquées au fil du message ici copié collé…
Avant le meeting prévu dimanche à Villepinte, qui devrait être le point d'orgue de la campagne de Nicolas Sarkozy, et en prévision de la présentation du programme complet, le Point nous rappelle les mesures déjà annoncées par le Président-candidat :
INSTITUTIONS
- Le recours au référendum : "Je crois que la meilleure façon de surmonter des blocages dans notre société, c'est de s'adresser directement au peuple français", insiste Nicolas Sarkozy. Le candidat de l'UMP envisage de consulter les Français sur le système d'indemnisation du chômage et sur le droit des étrangers.
Outre que les sujets choisis sont assez éloignés des sujets disons habituellement soumis au referendum, ceux-ci portant en général sur des considérations d’ordre plus institutionnel (nomination du Président de la République, pouvoirs des Assemblées, Traité européen, élection du Président, entre autres), je me permets de faire remarquer, à nouveau, qu’en vertu de l’article 4 de la loi n° 2008 – 724 du 23 juillet 2008, ci après reproduit, un dispositif de referendum d’initiative citoyenne, fortement encadrée, a été voté par le Congrès du Parlement, sans que le projet de loi organique permettant de le mettre en place n’ait jamais été déposé sur le bureau des Assemblées.
Je cite donc
L'article 11 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, les mots : « ou sociale » sont remplacés par les mots : «, sociale ou environnementale » ;
2° Après le deuxième alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d'une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an.
« Les conditions de sa présentation et celles dans lesquelles le Conseil constitutionnel contrôle le respect des dispositions de l'alinéa précédent sont déterminées par une loi organique.
« Si la proposition de loi n'a pas été examinée par les deux assemblées dans un délai fixé par la loi organique, le Président de la République la soumet au référendum.
« Lorsque la proposition de loi n'est pas adoptée par le peuple français, aucune nouvelle proposition de référendum portant sur le même sujet ne peut être présentée avant l'expiration d'un délai de deux ans suivant la date du scrutin. » ;
3° Dans le dernier alinéa, après le mot : « projet », sont insérés les mots : « ou de la proposition ».
- Une "dose de proportionnelle" sera mise en place aux élections législatives et concernera "10 à 15 % des sièges". Le nombre de députés - actuellement fixé à 577 - devrait être revu à la baisse. Une proposition qui vise à séduire les électeurs de François Bayrou et de Marine Le Pen pour maximiser le report de voix au second tour du scrutin.
Là , on se marre doucement parce que cela fait un certain temps que cette idée est dans l’air.
Le problème avec la proportionnelle, c’est qu’une « dose », ce n’est pas la proportionnelle, c’est juste un gadget pour faire comme si.
Imaginons par exemple que l’on réduise à 500 le nombre des députés et qu’on décide d’en élire 75 à la proportionnelle.
Nous aurons 425 députés élus au scrutin majoritaire avec les travers habituels de ce mode de scrutin et 75 élus à la proportionnelle dont on ne sait même pas, soit dit en passant, s’ils seront attribués par compensation ou partagés entre tous les partis ayant atteint un certain pourcentage de voix.
Dans ce cadre, on pourra ainsi concéder au FN ou au Modem 5 à 10 députés, c'est-à -dire même pas le nombre suffisant pour constituer un groupe…
Et encore faudra t il qu’ils atteignent la barre de qualification (comme le FN n’a pas eu 5 % des voix en 2007 lors des législatives, on imagine le truc).
Si on veut mêler scrutin personnalisé et proportionnelle, on adopte le système allemand ou le mode de scrutin belge, ce sera beaucoup plus simple !
IMMIGRATION
Le président-candidat a fait plusieurs propositions pour tenter de doubler Marine Le Pen sur sa droite :
Ce qu’il y a de bien avec ce message, Kerxizor, c’est qu’au moins vous nous éclairez sur les intentions de Nicolas Sarkozy.
Il s’agit de doubler Marine Le Pen sur la droite, alors même qu’il ne sert à rien de tirer sur l’ambulance !
Et qui sert d’instrument de ce « doublement » ? Les immigrés et leurs familles !
Accueillir deux fois moins d'étrangers chaque année : le nombre d'arrivants réguliers passerait de 200 000 à 100 000.
Après, évidemment, on dira que la droite défend la famille, la veuve et l’orphelin, parce qu’aux dernières nouvelles, l’essentiel des nouvelles entrées se fait au titre du regroupement familial. (plus de 50 %)
C'est-à -dire que Nicolas Sarkozy souhaite clairement empêcher un certain nombre de familles, séparées par l’exil, de pouvoir se reconstituer.
On notera également que, pour le solde, les motifs de délivrance de titres de séjour à des ressortissants étrangers concernent, pour plus du quart, les étudiants étrangers hors UE et EEE en première inscription dans nos Universités (alors même que nombre d’établissements français ont des accords de coopération avec des Universités situées dans des pays de ressort) et, pour une autre bonne part, les réfugiés politique accueillis sur le territoire français en vertu de nos engagements internationaux et notamment la Convention de Genève sur la protection des réfugiés et apatrides.
Nicolas Sarkozy entend il mettre en question cet engagement de la France ?
Restreindre pour les immigrés les conditions d'octroi des avantages sociaux tels que le RSA ou le minimum vieillesse.
Là , je dois dire que j’ai quelques doutes sur la validité constitutionnelle de telles mesures.
Ainsi, par exemple, on peut légitimement penser que la proposition du Président de la République enfreint directement l’article 21 de la Charte des Droits fondamentaux de l’Union Européenne, texte que la France a ratifié par la voie de l’adoption du Traité de l’Union dans sa version en vigueur et qui stipule (je cite)
Article 21
Non-discrimination
1. Est interdite toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle.
2. Dans le domaine d'application des traités et sans préjudice de leurs dispositions particulières, toute discrimination exercée en raison de la nationalité est interdite.
On peut aussi évoquer ici l’article 18 de la Convention européenne relative au statut juridique du travailleur migrant du 24 novembre 1977 ( que nous avons ratifiée et qui est entrée en vigueur en mai 1985) qui stipule (nouvelle citation)
Article 18 – Sécurité sociale
1. Toute Partie contractante s'engage à accorder sur son territoire, aux travailleurs migrants et aux membres de leurs familles, l'égalité de traitement avec ses propres nationaux en matière de sécurité sociale, sous réserve des conditions exigées par la législation nationale et les accords bilatéraux et multilatéraux conclus ou à conclure entre les Parties contractantes concernées.
2. En outre, les Parties contractantes s'efforceront de garantir aux travailleurs migrants et aux membres de leurs familles la conservation des droits en cours d'acquisition et des droits acquis, ainsi que le service des prestations à l'étranger, au moyen d'accords bilatéraux et multilatéraux.
- Soumettre à des conditions plus difficiles de revenus et de logement le regroupement familial et la délivrance des visas d'installation aux étrangers mariés à des ressortissants français.
Là encore, la proposition de Nicolas Sarkozy contrevient exactement aux engagements internationaux de la France puisque l’article 13 de la même convention du Conseil de l’Europe stipule (je cite)
Article 13 – Logement
1. Toute Partie contractante applique au travailleur migrant, en matière d'accès au logement et de loyer, un traitement qui n'est pas moins favorable que celui qu'elle applique à ses propres nationaux, dans le cas où cette matière est régie par ses lois et ses règlements.
2. Toute Partie contractante veille à ce que les services nationaux compétents effectuent des contrôles, dans les cas appropriés, en collaboration avec les autorités consulaires intéressées agissant dans le cadre de leur compétence, en vue d'assurer que les normes de salubrité des logements sont respectées pour les travailleurs migrants comme pour ses propres nationaux.
3. Toute Partie contractante s'engage à protéger les travailleurs migrants, dans le cadre de ses lois et de ses règlements, contre l'exploitation en matière de loyer.
4. Toute Partie contractante veillera, par les moyens à la disposition des services nationaux compétents, à ce que le logement du travailleur migrant soit convenable.
Nicolas Sarkozy préfère peut être « inverser la charge de la preuve », et laisser agir, sans le moindre problème, les marchands de sommeil…
EDUCATION
- Nicolas Sarkozy a un nouveau credo : "Enseignez plus pour gagner plus". Le président-candidat veut augmenter la présence dans l'établissement des professeurs du second degré à 26 heures hebdomadaires - contre 18 heures actuellement - pour gagner "25 % de salaire en plus, soit 500 euros net par mois, sur la base du volontariat".
On a déjà commenté cette proposition de Sarkozy qui peut s’avérer d’autant plus contreproductive et plus coûteuse, en termes de finances publiques, que celle du candidat du PS visant à créer 50 000 emplois d’enseignants en cinq ans.
Accessoirement, la proposition fait surtout état d’une méconnaissance absolue du métier d’enseignant puisqu’il y a belle lurette que les professeurs (et surtout professeures) certifié(e)s passent au moins 26 heures par semaine au sein de leur établissement de rattachement.
Sarkozy veut mettre en place l'autonomie des établissements scolaires pour leur permettre de recruter librement et directement les professeurs.
Exactement le type de mesures qu’il ne faut surtout pas mettre en place puisque la qualité de l’enseignement est liée à celle de la formation initiale de l’enseignant et au fait qu’il a passé un concours d’entrée dans la Fonction publique.
On ne fait pas de bonne politique éducative avec des enseignants précarisés, sauf à vouloir favoriser l’échec scolaire et ses conséquences budgétaires considérables !
SOCIÉTÉ, JUSTICE
- Concernant la viande halal, Nicolas Sarkozy propose, sur la base du volontariat, l'étiquetage de la viande selon la méthode d'abattage.
On peut se poser la question : qu’est ce que cela change ? Car, là encore, une convention européenne, signée à Strasbourg et ratifiée par la France, datant du 10 mai 1979, stipule dans son article 17 (je cite)
1. Chaque Partie contractante peut autoriser des dérogations aux dispositions relatives à l'étourdissement préalable dans les cas suivants:
o abattages selon des rites religieux;
o abattages d'extrême urgence lorsque l'étourdissement n'est pas possible;
o abattages de volailles et de lapins selon des procédés agréés provoquant une mort instantanée des animaux;
o mise à mort d'animaux pour des raisons de police sanitaire, si des raisons particulières l'exigent.
2. Toute Partie contractante qui fera usage des dérogations prévues au paragraphe 1 du présent article devra toutefois veiller à ce que, lors de tels abattages ou mises à mort, toute douleur ou souffrance évitable soit épargnée aux animaux.
Et l’article 19 de la même convention précise (je cite de nouveau)
Chaque Partie contractante qui autorise les abattages selon des rites religieux doit s'assurer de l'habilitation des sacrificateurs par des organismes religieux dans la mesure où elle ne délivre pas elle-même les autorisations nécessaires.
A part faire croire je ne sais quoi, la disposition proposée est donc parfaitement inutile alors qu’un suivi précis, notamment par les services vétérinaires du Ministère de l’Agriculture, des conditions d’abattage des animaux dans tous les abattoirs, quelque soit la méthode, suffirait amplement à éviter ce débat « corne cul ».
Lancement d'une carte Vitale biométrique pour lutter contre la fraude aux prestations sociales.
On pourrait proposer aussi la constitution d’un fichier des entreprises fraudant la Sécurité Sociale puisqu’en matière de fraude sociale, il semble bien que l’essentiel soit plutôt du côté des moins values de recettes que des prestations servies !
Mais je pense que Sarkozy vise plutôt la possibilité de "croiser " les fichiers, dans le plus parfait irrespect des libertés individuelles et notamment de la vie privée.
- Création d'une agence de recouvrement des pensions alimentaires pour les femmes abandonnées par le père de leurs enfants.
Qui est visé dans cette affaire ?
Je fais observer, soit dit en passant, que les tribunaux disposent déjà des moyens de faire respecter l’obligation alimentaire (cela figure notamment dans le Code Civil…) et que l’agence de recouvrement ne risque pas de pouvoir faire beaucoup mieux, puisque les pensions non versées sont, le plus souvent, liées à l’impéritie du contributeur.
- Élargir la définition de la récidive, de façon à ce que les délinquants qui accumulent des crimes et délits voient aussi leur peine aggravée.
On a déjà donné avec les peines planchers (qui remplissent les prisons depuis quelques temps) et là je ne vois pas ce que signifie « un élargissement de la récidive » sinon une pure atteinte au principe intangible du droit qui recommande une proportionnalité des peines au crime ou au délit commis.
Un principe rappelé notamment par l’article 49 de la Charte européenne des droits fondamentaux, ratifiée par la France au travers de l’adoption du Traité de Lisbonne (eh oui, Sarkozy va-t-il contredire Sarkozy ?), qui indique (je cite)
3. L'intensité des peines ne doit pas être disproportionnée par rapport à l'infraction.
ÉCONOMIE - FISCALITÉ
- Nicolas Sarkozy veut durcir la fiscalité sur les grands groupes du CAC 40. S'il est élu, il veut créer "un impôt sur les bénéfices minimum pour les grands groupes en France". Il espère ainsi récupérer 2 à 3 milliards d'euros pour les caisses de l'État.
Là , évidemment, on est partagé entre rire et colère…
Parce que bon, il existait jusqu’à la loi de finances pour 2011 (loi n° 2010 – 1657 du 29 décembre 2010) un ensemble d’articles, classés 223 septies à undecies, qui prévoyait un dispositif d’imposition forfaitaire annuelle des sociétés, une sorte d’impôt minimal citoyen, en quelque sorte, acquitté par toutes les entreprises, y compris celles présentant un déficit fiscal (et pas nécessairement comptable).
C’est donc sous cette législature que les dispositions ont été supprimées !
Et je ne rappelle pas que le quinquennat a aussi été marqué par l’extension du crédit d’impôt recherche, celui-ci devenant plus juteux pour les grands groupes, et la création de la niche Copé.
On est donc dans la mesure d’annonce, simple concession à un air du temps un peu difficile où les profits et résultats annoncés par les grands groupes posent évidemment question dans l’opinion publique…
- Le président-candidat propose une réforme complète de la prime pour l'emploi (PPE) qui "ne marche pas", en allégeant les charges sur les bas salaires. Cela permettrait "à sept millions" de salariés, dont le salaire est situé entre 1 et 1,2 smic (de 1 200 à 1 450 euros net par mois) de "gagner 1 000 euros par an en plus".
Là , évidemment, on est dans la fine manœuvre puisque l’allégement de cotisations sociales (dont on peut se demander d’ailleurs comment il serait compensé aux organismes sociaux) sera évidemment gagé sur la disparition pure et simple de la prime pour l’emploi.
Bon, je vais être clair.
Je n’ai jamais été un chaud partisan de la prime pour l’emploi, qui est un peu la hausse de salaire auto financée par le salarié (vu que les ressources de l’Etat sont constituées d’impôts payés notamment par les salariés consommateurs, la prime pour l’emploi est assimilable à une forme de retour d’impôts et de taxes déjà payés) et qui dédouane surtout les entreprises de mener une véritable politique salariale incitative à la reconnaissance des compétences et qualifications.
Mais là , l’idée de Sarkozy est sacrément tordue.
Parce que, bien entendu, tout relèvement du salaire net versé conduira immanquablement à l’augmentation du revenu imposable et peut mener, sous certains aspects, à l’imposition.
Et le risque latent est bien entendu celui de la perte des droits connexes à la non imposition, d’autant que le choix opéré cette année par le Gouvernement de geler le barème de l’impôt sur le revenu a probablement accru de 200 000 le nombre des contribuables imposables au titre de l’IR.
On aurait donc un cadeau pour les entreprises (moins de cotisations à recouvrer), une hausse de l’impôt du par les salariés et, probablement, un déficit accru des comptes sociaux…
En voilà une belle idée !
Bon j’ai été un peu long mais cela valait la peine, me semble t il… ;)