de vudeloin » Ven 17 Fév 2012 12:16
Je persiste, l'immigration n'est pas un problème...
Je pense même qu’elle peut s’apparenter à une nécessité…
Prenons le cas typique des deux pays (parfaitement limite, j’en conviens mais cela permet toujours d’avancer, d’aller au plus loin dans l’exemple) que j’ai évoqués et qui sont, l’un comme l’autre, peuplés par un nombre d’immigrés tellement élevé qu’il en est même majoritaire dans la population résidente.
Et nous pourrions recommencer avec Bahrein, Qatar, les Emirats Arabes Unis ou ce fameux Koweit, inventé par les ciseaux des compagnies pétrolières britanniques et américaines et qui, plus de vingt ans après la Guerre du Golfe, continue de ne pas être une démocratie…
Tous ces pays, qu’il s’agisse de Monaco comme de la féodale (et bien commode) monarchie séoudite, ont en commun d’avoir un fort besoin de population immigrée pour, tout simplement, pouvoir exister et « fonctionner « .
La très grande majorité des cadres de l’industrie pétrolière des potentats du Golfe, dont le monde occidental dit libre (il s’affuble parfois du vocable de « communauté internationale ») s’accommode parfaitement malgré leurs évidents manquements au respect des libertés individuelles, de la liberté d’opinion, aux droits fondamentaux de la personne humaine, ne sont ni qataris, ni bahreinis, ni saoudiens.
Ils sont le plus souvent Palestiniens, Egyptiens, Jordaniens et j’en passe…
Quant aux salariés occupant les fonctions les plus ingrates dans les processus de production, notamment dans le domaine des services, il sont, très souvent, Indiens, Pakistanais, Malaisiens ou encore Philippins.
Peu importe d’ailleurs, dans ce cadre, qu’ils soient ou non musulmans, et de quelque obédience que ce soit.
Pour Monaco, cela n’atteint pas le même niveau ( en effectifs, s’entend), mais le nombre de salariés de nationalité et de résidence françaises qui font tourner les « entreprises « de la Principauté est une évidence que personne ne peut contester.
Au demeurant, si Monaco accueille tennismen professionnels, mafieux ou champions automobiles de toutes nationalités les bras ouverts, elle est aussi largement peuplée de Français et d’Italiens qui y ont de simples préoccupations de commerçants et d’artisans dans un endroit où le loyer commercial est plutôt coûteux…
Revenons maintenant à des exemples un peu moins hétérodoxes en matière d’immigration.
Il est acquis que la France est, depuis un bon bout de temps, un pays d’immigration.
La faute à quoi donc ?
A ce vieux croûton de Louis XIV quand il révoque l’Edit de Nantes (1685) et provoque l’exil de milliers et de milliers de protestants français qui iront faire, entre autres, la fortune de Berlin, celle des Pays Bas et, plus tard, encore, de l’Afrique du Sud des Boers (et faut voir comme !).
Et puis ensuite la faute au héros national de nombre de personnes, ce bon vieux Napoléon Buonaparte qui, par la saignée de jeunes hommes qu’il a réalisée entre 1804 et 1815 sur tous les champs de bataille d’Europe, a sérieusement appauvri le régime démographique du pays.
Ajoutons y la guerre « fraîche et joyeuse » de l’été 14, le désastre de l’offensive Nivelle de 1917 (140 000 soldats tués en moins de trois semaines sur le Chemin des Dames !), la grippe espagnole de 1919 et j’en passe encore pour justifier de la nécessité, pour un pays comme le nôtre, de compenser ses déficits de main d’œuvre par une immigration de plus en plus conséquente.
En plus, au détour de la Conférence de Berlin, nous nous sommes piqués, comme d’autres en Europe, d’aller porter le message de notre civilisation sur toute la surface du globe, partageant de larges pans des terrae incognitae de l’Afrique avec la compagnie du Roi des Belges, le Royaume Uni, le Portugal, un peu l’Espagne et aussi l’Allemagne.
Que le message civilisateur soit passé par l’exploitation intensive des ressources naturelles des pays en question, par le bombardement de Sikasso ou la guerre du Rif n’a finalement qu’assez peu d’importance, nous avons créé des liens avec d’autres foyers de l’humanité en marche et il faudrait aujourd’hui que nous nous étonnions d’en rencontrer les descendants dans nos trains de banlieue, les bancs de nos écoles ou le seuil de nos maisons ?
Alors oui, notre pays a connu des vagues, diverses, d’immigration.
On peut avoir une pensée émue pour les combattants de la liberté à qui la France donna la nationalité en 1793 parce que tout combattant de la liberté y avait droit, dans la République d’alors, d’autant qu’il y en eut d’autres, des afrancesados espagnols de 1825 aux Polonais de 1831 en passant par les réfugiés carlistes qui ont colonisé l’Algérie à partir de 1830 aussi sûrement que les Français…
Sans oublier les Arméniens dans les années 20 ou les Juifs fuyant les pogroms de la Russie tsariste comme ceux de l’Allemagne nazie et les Républicains espagnols de 1939.
Mais nous avons eu, très vite, dès la fin du XIXe siècle, des populations venues d’ailleurs, Italiens, Polonais, Espagnols, Belges, venus trimer dans nos mines, nos chantiers, nos usines, parfois avec femmes et enfants, amenés là par la grâce du chemin de fer (qui servit aussi à développer l’exode des régions les plus rurales de France vers Paris) et le dépit de la misère.
Dès 1890, on repère des verreries, en banlieue, où l’on fait travailler des enfants de huit ans venus d’Espagne ou d’Italie !
Dès le début du siècle, on distingue, dans l’état civil, des mariages mixtes, faisant de l’apport de l’immigration un élément, parmi d’autres, de la communauté nationale, de la société dans son ensemble.
Moi-même issu de cette immigration du début du XXe siècle, je sais très bien ce qu’il peut en être.
Le mouvement ne s’est pas tari, loin de là , d’autant que les populations que nous avions été « civiliser » en Afrique ou en Asie ont aussi fourni une bonne partie de la « chair à canon » que l’on a, sans trop de précautions, dépensée sur les champs de bataille de 14/18 ou de 39/45.
Je me souviens avoir vu un jour qu’il existait, à Richebourg, dans le Pas de Calais, un cimetière militaire portugais dédié aux soldats de ce pays morts pour la France en 14 18.
Il y en a un italien, aussi, du côté de Marfaux, dans la Marne, si je ne m’abuse.
Et la simple visite de nombre de ces sites laisse paraître le grand nombre de combattants venus d’Afrique Noire (on les appelait de manière générique tirailleurs sénégalais mais pouvaient être d’un autre pays que le Sénégal) ou du Maghreb pour combattre sous l’uniforme bleu horizon.
Quant à 39/45, comment ne pas rappeler, là encore, que le maquis des Glières fut, en grande partie, sauvé, parce que le front tenu par les Espagnols ne céda jamais ou que le premier char de la division Leclerc qui entra porte d’Orléans devait s’appeler Guadalajara…
Nous avons largement continué, dans des périodes de crise, comme de relance de l’activité, à solliciter la main d’œuvre étrangère.
Dans les années 35 36, la majorité des habitants des communes du bassin minier de Provence est composée de travailleurs étrangers et de leurs familles, Italiens, Grecs, Arméniens, Polonais ou encore Tchécoslovaques.
Quant Citroën décide de créer son usine d’Aulnay sous Bois, pour disperser quelque peu les ouvriers vindicatifs de l’usine historique de Javel ou de ceux de Levallois et d’Asnières, il organise de véritables rafles de main d’œuvre dans les montagnes de l’Atlas, recrutant tous les jeunes hommes valides de villages entiers des régions d’Agadir ou de Tiznit.
Je vous le dis en un mot comme en cent, cette immigration là n’était rien d’autre que le prémisse de « l’immigration choisie » dont certains veulent aujourd’hui nous rebattre les oreilles.
Parce que, mine de rien, embarquer vers la France les hommes les plus jeunes, fils de paysans souvent illettrés, pour les faire trimer dans une usine flambant neuve et habiter dans des foyers d’accueil construits exprès pour qu’ils évitent de se mêler par trop aux autochtones, comment cela s’appelle t il ?
L’immigration choisie est décidément une vieille idée…
Et l’on sait où cela nous a mené puisqu’au bout d’un certain temps, on découvre, à la surprise générale, que ces travailleurs sont aussi des êtres humains assez ordinaires et que la séparation avec leur famille peut finir par leur poser un problème.
Je tiens d’ailleurs d’entrer à rassurer les partisans de l’immigration choisie…
A force de déployer une énergie incommensurable à s’opposer aux évidences (oui, un homme de trente ans, sur la planète, est en général appelé à avoir une famille…), la France va beaucoup perdre et nombre de ceux qui étaient tentés par la vie dans notre pays iront voir ailleurs (le mouvement a déjà commencé) si l’herbe est plus verte !
La France, gérée par la droite, est un pays incroyable.
Nous dépensons des milliards d’euros pour l’éducation et la formation des jeunes (pas assez à mon goût mais là n’est pas le sujet), nonobstant leurs origines sociales, nationales, et j’en passe, et nous ne trouvons rien à redire au fait que des centaines de milliers de jeunes, issus ou non de l’immigration, aillent tenter leur chance ailleurs.
Une bonne partie de l’élite économique des pays du Golfe est désormais constituée par les jeunes issus de l’immigration, diplômés, qualifiés, formés en France, que les patrons de notre pays n’embauchent qu’avec une pince à linge sur le nez et paient avec un lance pierres.
Pensez donc qu’ils vont voir ailleurs !
Quand on a bac plus 4 ou 5, qu’on est issu de l’immigration maghrébine, pas besoin de stage payé 417 euros par mois pour devenir quelque chose ou quelqu’un au Qatar ou à Bahrein !
Ajoutons à ce tableau que l’immigration nous rapporte largement plus que ce qu’elle nous coûte (les estimations les plus sérieuses conduisent au doublement des déficits sociaux, en l’absence de la contribution des immigrés au financement de la Sécurité Sociale), y compris parce que, mine de rien, le mode de vie de notre pays imprègne de plus en plus les nouvelles générations.
Et ce, malgré l’apparence savamment entretenue de l’agitation islamo communautariste qui ne concerne de toutes manières qu’une minorité de la population immigrée.
Ah oui, au fait, rappelons le, tout de même, que la moitié des étrangers vivant en France ne sont rien d’autre que des Européens…
Si l’on souhaite d’ailleurs éviter je ne sais quelle contagion islamiste radicale, il est temps que le regard que nous portons sur nos voisins immigrés change quelque peu et que nous rejetions l’a priori de la méfiance pour ce que la France a toujours su faire de mieux, c'est-à -dire s’ouvrir au monde tel qu’il est.
Nous avons peut être, par rapport à d’autres, aussi étonnant que cela puisse paraître, quelques coups d’avance.
Le dynamisme de notre pays réside, pour une bonne part, dans sa capacité à mettre en mouvement et en action les compétences, les qualités et la richesse de son peuple travailleur.
Le reste, repli frileux sur une identité nationale à géométrie restreinte, méfiance et haine de classe, mépris du commun des mortels, je le laisse à ceux qui pensent que l’immigration est « un problème ».